Dans la ville palestinienne de Beit Lahia, sur les côtes de la bande de Gaza, les travaux d’aménagement de la rue Corniche Al-Bahr (la corniche) ont débuté. Ce projet fait partie de la deuxième phase du plan égyptien pour la reconstruction de Gaza lancée cette semaine. En fait, en mai dernier, l’Egypte a annoncé avoir consacré 500 millions de dollars à la reconstruction de la bande de Gaza, après une agression militaire israélienne qui a duré 11 jours contre la bande de Gaza, causant la destruction de plus de 2000 maisons.
Cette initiative s’inscrit dans le cadre de « la stratégie égyptienne de reconstruction pour le développement » des pays affectés par les guerres dans la région, notamment le Liban, l’Iraq, la Libye et la bande de Gaza, comme l’explique Shady Mohsen, spécialiste des affaires arabes au Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques (ECSS).
Dans le cadre de cette stratégie, l’Egypte et la Libye viennent de lancer, le 19 décembre, « un système de liaison électronique » visant à organiser le retour de la main-d’oeuvre égyptienne en Libye pour participer à la reconstruction dans ce pays. « Cette démarche est d’une grande importance pour assurer l’accès légal de la main-d’oeuvre égyptienne au marché de travail libyen, la recenser et localiser sa présence dans le pays », a déclaré le ministre égyptien de la Main-d’oeuvre, Mohamad Saafane.
Selon des estimations, le coût des conflits et des guerres dans les pays arabes a atteint 900 milliards de dollars depuis 2011. « L’ampleur des destructions dans les pays arabes est immense. La Syrie, où la plupart des villes, villages et infrastructures ont été détruits, a besoin de 400 milliards de dollars, l’Iraq de plus de 300 milliards, la Libye de plus de 250 milliards et la bande de Gaza de plus de 20 milliards », explique Ahmed Sayed Ahmed, expert des relations internationales au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram (voir entretien page 5).
En fait, la fin du conflit ne signifie pas automatiquement l’établissement de la paix. Les infrastructures sont souvent dévastées, de nombreuses personnes ont été déplacées de force, l’économie doit être reconstruite. L’enjeu de la reconstruction post-conflit est donc « d’identifier les structures qui tendent à renforcer et solidifier la paix dans le but d’éviter un retour au conflit », comme l’a défini Boutros Boutros-Ghali, ancien secrétaire général des Nations-Unies, dans son agenda pour la paix de 1992.
Nouvelle approche
Selon Shady Mohsen, pour l’Egypte, participer au processus de « la reconstruction post-conflit » représente une nouvelle approche de la diplomatie égyptienne qui vise à atténuer les foyers de tensions dans la région du Moyen-Orient, neutraliser les projets régionaux, renforcer l’action arabe et exporter l’expérience égyptienne de développement. Pourquoi la reconstruction des pays arabes est-elle une question importante pour l’Egypte? Selon Shady Mohsen, l’Egypte s’efforce de participer activement à la reconstruction de ces quatre pays, le Liban, l’Iraq, la Libye et la bande de Gaza, puisqu’ils se trouvent « dans une région où se croisent trois projets d’expansion régionaux: iranien, turc et israélien ». Le Liban se trouve au coeur du projet géopolitique iranien. Le déficit énergétique est l’une des causes de la crise politico-économique libanaise.
C’est pourquoi l’Egypte a établi un plan d’action pour fournir l’électricité au Liban. Le 8 septembre dernier, l’Egypte, la Syrie, la Jordanie et le Liban ont conclu un accord pour acheminer le gaz naturel égyptien au Liban via le gazoduc arabe. Une démarche qui vise à alléger la crise dans ce pays et à accélérer l’intégration énergétique entre ces pays arabes, explique Shady Mohsen. Et d’ajouter: « Pour l’Egypte, trouver une solution à la crise libanaise est le début de la résolution de la crise syrienne ».
La remise en fonction du gazoduc arabe inexploité depuis 2009 pourra donc être bénéfique pour la Syrie qui souffre elle aussi d’une crise d’électricité à cause du manque de carburant. Quant à la stratégie égyptienne pour la reconstruction de l’Iraq, elle offre un autre modèle d’intégration arabe régionale. Portant le nom du « nouveau levant », une alliance de complémentarité a été établie entre l’Egypte, qui dispose de capacités humaines et expertises techniques, l’Iraq, qui possède des ressources énergétiques considérables, et la Jordanie, qui jouit d’une situation géographique comme couloir qui relie l’Iraq à l’Egypte.
Selon beaucoup d’observateurs, cette alliance est très prometteuse pour assurer l’équilibre régional et pour aider le nouvel Iraq à surmonter les défis de la reconstruction.
Quant à la Libye, la sécurité nationale de ce pays voisin direct est étroitement liée à la sécurité nationale égyptienne. Le retour de la main-d’oeuvre égyptienne faisait partie de nombreux protocoles d’accord et accords signés récemment entre les deux pays. Selon le ministre de la Main-d’oeuvre, les travailleurs égyptiens seront principalement sollicités dans les secteurs de la construction. De même, les exportations du secteur de la construction ont fait un grand bond vers le marché libyen.
Le Conseil égyptien des exportations a annoncé que les exportations égyptiennes du secteur de construction, tels le fer, le ciment, le marbre et les matières premières, vers la Libye ont augmenté de 5,34 % de janvier à fin août dernier, par rapport à la même période l’an dernier, contre 1,7% pour la même période en 2020.
Et pour ce qui est de la bande de Gaza, le plan de la deuxième phase prévoit la construction de 3 villes résidentielles avec plus de 3000 logements dans le nord, le centre et le sud de Gaza: « Dar Misr 1 » à Madinet Al-Zahrä, « Dar Misr 2 » à Jabalia et « Dar Misr 3 » à Beit Lahia. « L’initiative égyptienne de reconstruire Gaza offre une opportunité économique aux entreprises palestiniennes qui participent aux travaux de la reconstruction, afin de promouvoir le commerce interne dans la bande de Gaza et de donner au processus de reconstruction un caractère national palestinien », conclut Shady Mohsen.
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