L’augmentation des dépenses militaires pèse lourdement sur le budget de l’Etat.
Autrefois qualifiée de l’une des plus prometteuses du continent africain, l’économie éthiopienne traverse actuellement une crise économique sans précédent. Une crise qui a pris une grande ampleur après « la suspension d’une grande partie des aides internationales octroyées par les Etats-Unis et l’Union européenne », souligne Mohamad Abdel-Kérim, expert dans les affaires africaines. Un coup dur pour Addis-Abeba qui reçoit de Washington plus d’un milliard de dollars d’aide par an. Déjà, l’Union Européenne (UE) avait suspendu une aide de 107 millions de dollars en janvier 2021 à cause de la poursuite des hostilités au Tigré. Les Etats-Unis ont également exercé des pressions sur la Banque Mondiale (BM) et le Fonds Monétaire International (FMI) pour arrêter toute aide financière à l’Ethiopie, sous prétexte d’arrêter de financer la guerre.
Le FMI n’a pas voulu actualiser les prévisions économiques sur l’Ethiopie dans son rapport annuel sur les perspectives d’investissements dans les pays ravagés par la guerre. Selon beaucoup d’observateurs, cette omission marque un point rouge dans la perspective d’investissement en Ethiopie, ce qui priverait le pays des devises dont il a tant besoin. Par exemple, la célèbre marque de prêt-à-porter H&M a réduit ses investissements dans le domaine de l’industrie du textile encore naissante en Ethiopie.
Parallèlement, l’agence Moody’s Investors Service a décidé de faire passer les perspectives du gouvernement éthiopien de stable à négatif, tout en confirmant la note B1 accordée au pays. « Cette décision reflète les risques croissants pesant sur les positions budgétaire et extérieure de l’Ethiopie », souligne l’économiste Mohamad Abdel-Kérim. D’après un rapport publié par l’agence, « l’Ethiopie fait face à une montée des risques fiscaux liés à la baisse des recettes des administrations publiques et à une hausse de la dette extérieure des entreprises d’Etat et des coûts des services associés ». C’est un coup très dur pour un pays qui dépend largement des aides extérieures pour combler son déficit budgétaire. C’est pourquoi l’Ethiopie a demandé « un allègement de sa dette auprès des pays du G20 via le système de G20 Common Framework », explique Abdel-Kérim. Tout en menant des négociations de restructuration de sa dette avec son plus grand créancier, la Chine.
Au rouge
Avant la pandémie et le déclenchement de la guerre du Tigré, l’Ethiopie était l’une des nations les plus prometteuses de la zone de la Corne de l’Afrique. Avec un taux de croissance de 10% durant la décennie 2010 d’après les estimations de la BM. Mais dès le début des hostilités, les retombées se sont fait sentir. Les autorités éthiopiennes affirment que les répercussions du conflit n’affectent que la région du Tigré. Mais la réalité est tout autre. « Le conflit a vidé les caisses de l’Etat de plus d’un milliard de dollars », a déclaré le secrétaire général des Nations-Unies, Antonio Guterres. Et d’après les statistiques du site Trading Economics, « l’inflation est passée de 15,8% en 2019 à 20,6% en 2020, c’est-à-dire la dépréciation de la monnaie locale, quadruplant les prix des produits de base ».
A cela s’ajoutent la baisse du taux de change (45 birrs éthiopiens pour 1 dollar en 2021 contre 35 en 2020) et l’augmentation des dépenses militaires pour atteindre 502 millions de dollars en 2021 contre 460 millions de dollars en 2020. Toutes ces dépenses pèsent lourdement sur le budget de l’Etat. Selon les estimations de la BM, l’Ethiopie traîne une dette de 27,8 milliards de dollars, dont 8,5 milliards de dettes bilatérales et 6,8 milliards de dollars auprès de créanciers commerciaux.
Tant que les hostilités se poursuivent et s’étendent dans des régions voisines comme Afar et Amhara, de nombreux chefs d’entreprise vident leurs comptes en direction du Somaliland. Ce qui anéantit toute chance de travail pour la population autochtone désormais sujette au chômage. En dépit de tous ces indicateurs économiques négatifs, le régime éthiopien adopte toujours la politique de l’escalade, explique Abdel-Kérim, avant de conclure que « les crises internes successives en Ethiopie ont révélé la fragilité et la véritable taille de l’économie éthiopienne » .
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