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11 Septembre, des leçons et des défis

Lundi, 06 septembre 2021

Alors que le monde commémore le 20e anniversaire des attaques du 11 Septembre, quelles sont les leçons à tirer de cet événement au niveau de la lutte antiterroriste ? Analyse.

11 Septembre, des leçons et des défis

Dr Eman Ragab*

20 ans se sont écoulés depuis les attentats du 11 Septembre à New York. L’importance de ces attaques, qui ont bouleversé le monde, réside dans le fait qu’elles ont, d’une part, dévoilé les capacités opérationnelles de l’organisation d’Al-Qaëda en Afghanistan. Et d’autre part, elles ont souligné les défaillances des politiques américaines de sécurité proactives qui devaient en principe anticiper les agressions terroristes sur les territoires américains. Paradoxalement, la commémoration du 11 Septembre cette année intervient alors que l’Afghanistan et l’Iraq, les deux pays où les Etats-Unis ont mené leur « guerre contre le terrorisme », connaissent de multiples transformations internes. En fait, de nombreuses leçons sont à tirer de cette longue guerre contre le terrorisme. Les attentats du 11 Septembre ont contribué au développement des politiques antiterroristes aux niveaux international, régional et national dans de nombreux pays.

La résilience du terrorisme

La première leçon à tirer est que le terrorisme peut survivre dans différentes conditions en raison de la capacité des groupes terroristes à s’adapter aux conditions environnantes. Ce qui explique en partie qu’Al-Qaëda en Iraq continue de bénéficier d’une certaine influence, notamment après la défaite militaire qui lui a été infligée par les forces de la coalition internationale. L’organisation a réussi à survivre en dépit des conflits internes qu’elle avait connus, et ce, parallèlement à la vague des révoltes arabes qui ont eu lieu de 2011 à 2013. Ces conflits ont été la raison derrière la dissidence d’Abou-Bakr Al-Boghdadi et d’autres membres de l’organisation d’Al-Qaëda en Mésopotamie en prélude à la formation d’une autre organisation terroriste, celle de Daech.

Par ailleurs, bien que les forces de la coalition internationale, en coopération avec les forces iraqiennes, aient réussi à mettre un terme au contrôle de Daech de larges segments du territoire iraqien depuis fin 2018, l’organisation est toujours présente dans nombre de régions en Iraq. Elle a bénéficié des circonstances liées à la pandémie du Covid-19, ce qui lui a permis de consolider son influence, d’attirer de nouveaux membres et de mener des opérations contre les forces iraqiennes, à titre d’exemple, les attaques terroristes qui ont ciblé Kirkuk et Bagdad en juillet 2021. Cela s’explique par le fait que le gouvernement iraqien n’avait pas la force nécessaire pour lancer des projets de reconstruction dans les régions où était implantée l’organisation après l’arrêt des opérations militaires. Cette situation a donné à l’organisation un espace pour exercer à nouveau une influence.

La responsabilité du secteur civil

La deuxième leçon à tirer des attentats du 11 Septembre est que le recours uniquement aux appareils sécuritaires et militaires pour liquider les groupes terroristes n’est pas théoriquement correct. La lutte antiterroriste requiert l’aide des secteurs civils dans la société qui souffre de terrorisme. Les efforts de ces parties civiles doivent compléter ceux des appareils de sécurité. Il faut savoir que la capacité de survie de tout groupe terroriste est liée à l’existence d’un environnement favorable à sa survie. L’entité terroriste crée cet environnement en instrumentalisant l’idéologie extrémiste pour persuader les esprits. En plus, ces groupes possèdent des outils économiques, sociaux et psychologiques à travers lesquels ils assurent leur survie.

En d’autres termes, la liquidation totale d’un groupe terroriste et la dislocation de l’environnement dans lequel il a grandi dépendent des forces de sécurité et des organisations civiles, surtout dans les régions où se propage l’idéologie extrémiste.

C’est ce que démontre une étude, menée par l’Institution des recherches Rand et publiée en 2008, sur les moyens d’anéantir les organisations terroristes. La recherche, qui a analysé 268 groupements terroristes dans le monde qui étaient particulièrement actifs entre 1968 et 2006, a conclu que 7 % avaient été liquidés par les forces armées, 40 % par les forces de la police et 10 % ont atteint leurs objectifs basés sur l’idéologie extrémiste. Enfin, 43 % ont renoncé au terrorisme et ont préféré s’ingérer dans des activités politiques. L’étude a expliqué ces résultats par deux facteurs. Le premier concerne les objectifs des groupes terroristes et le second se rapporte à la cohésion du pouvoir en place. Plus les objectifs du groupe terroriste sont limités, plus il accepte l’idée d’entrer dans des négociations politiques avec les autorités. Plus ses objectifs sont larges et plus il rejette les négociations. Pour ce qui est de l’autorité, plus elle est forte et cohérente, plus elle a la volonté d’anéantir le groupe terroriste. Plus elle est faible et plus elle préfère opter pour les négociations.

La politisation du terrorisme par les Etats-Unis

Le terrorisme représente une menace réelle à la sécurité nationale d’un certain nombre d’Etats de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Cette menace a, à certaines reprises, compromis l’existence de certains Etats. Ceci explique la tendance de la plupart des Etats à adopter des lois et des législations qui confèrent une légitimité juridique à n’importe quelle politique de lutte contre le terrorisme. Ces pays tentent également de développer leurs capacités militaires et sécuritaires antiterroristes. Quant aux Etats-Unis, considérés comme la superpuissance mondiale, ils politisent le terrorisme. Ce qui veut dire que leur position vis-à-vis du terrorisme dans la région est déterminée par des calculs politiques et non pas sécuritaires.

L’Afghanistan en est un bon exemple. Washington a lancé sa guerre contre Kaboul le 7 octobre 2011 après que les Talibans eurent refusé de remettre aux Etats-Unis Oussama bin Laden, alors dirigeant d’Al-Qaëda. La guerre avait pour objectif de renverser le pouvoir des Talibans afin d’arrêter Bin Laden et d’instaurer un nouveau régime démocratique en Afghanistan. Bien que Washington ait mis en place un gouvernement afghan le 7 décembre 2004 et l’a soutenu militairement et économiquement, celui-ci était faible en comparaison avec le mouvement des Talibans qui cherchait à retourner au pouvoir.

Tout au long des années qui ont suivi 2004, l’influence des Talibans s’est accrue parallèlement à la tendance de l’Administration américaine à retirer ses forces d’Afghanistan. Les Talibans se sont alors engagés dans des confrontations armées avec les forces américaines qui ont donné lieu au renforcement de leur pouvoir dans de nombreuses régions d’Afghanistan. A ce moment-là, les Etats-Unis ont commencé à réévaluer la situation en Afghanistan et se sont mis à négocier politiquement avec les Talibans au Qatar.

Il est important de prendre ces trois leçons en considération. Mais l’importance relative de chacune dépend de la nature de l’entité terroriste, de sa force et de la cohésion de l’Etat dans lequel elle opère.

*Cheffe de l’unité des études sécuritaires et militaires au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques d’Al-Ahram (CEPS)

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