
Les représentants coptes se sont retirés deux fois de l'assemblée constituante en 2012.
(Photo: Reuters)
La grande question qui préoccupe les coptes est l’acquisition d’une citoyenneté totale et égale. Pour le moment, ils surveillent de près l’as-semblée constituante chargée d’amender la Constitution de 2012 votée dans des conditions contestées par le régime des Frères musulmans. Les trois Eglises coptes sont en train de choisir des représentants dans leur clergé, pour rejoindre cette com-mission de cinquante personnalités chargées d’élaborer la version finale de la Constitution.
Une majorité du courant copte estime que la Constitution devrait être réécrite plutôt qu’amendée. Selon le coordinateur du courant laïque, Kamal Zakher, 90 % de ses articles doivent être modifiés. D’après leur programme intitulé « Une vision pour la future Constitution », la priorité est de res-taurer l’article 1 sur la citoyenneté, introduit par Hosni Moubarak lors du dernier amendement de la Constitution, en 2008. Cet article stipulant que « la République arabe d’Egypte est un Etat démocratique fondé sur la citoyenneté » ne figurait pas dans la dernière version de la Constitution, rédigée sous la tutelle des islamistes. L’annulation de l’article 3, qui garantit aux chrétiens et aux juifs la possibilité de recourir à leurs propres principes canoniques pour réglemen-ter les questions personnelles et reli-gieuses de leurs communautés, est une autre revendication, notamment des coptes laïques. « Cet article ne garantit pas que les coptes soient traités de façon égalitaire en tant que citoyens », explique Kamal Zakher.
Les coptes souhaitent aussi que la Cour constitutionnelle retrouve son ancienne mission d’interprétation des questions liées à la charia, que l’article 4 préparé par les Frères musulmans avait confiée à l’Univer-sité d’Al-Azhar. Cet article avait soulevé des craintes d’intrusion intempestive des religieux dans la sphère législative.
La communauté chrétienne d’Egypte aimerait aussi que l’assemblée constituante modi-fie l’article 6, afin d’interdire la for-mation de partis politiques sur une base religieuse. Les chrétiens réussiront-ils cette fois à être entendus ? L’histoire récente ne leur a pas été favorable. Furieux de voir leurs propositions ignorées, les Eglises coptes se sont retirées des deux précédentes assem-blées constituantes, pour protester contre la mainmise des islamistes rendant « vaine » leur participation. Résultat, lors du référendum de décembre 2012, les coptes ont rejeté en bloc un texte qu’ils considéraient comme sectaire. Magdi Khalil, pen-Les représentants coptes se sont retirés deux fois de l'assemblée constituante en 2012. Reuters seur copte, estime que la bataille de la Constitution a opposé « les parti-sans d’un Etat religieux à ceux d’un Etat civil débarrassé d’emblèmes nationalistes, islamistes ou mili-taires ».
Au final, le premier camp l’a emporté sur l’autre.En mars 2011 également, les coptes ont refusé le replâtrage provi-soire de la Constitution proposé par les militaires durant la période de transition. Les islamistes, eux, avaient appelé à voter « oui » au texte et menacé dans les mosquées les partisans du non des flammes de l’enfer. Les coptes se sont rangés aux cotés des groupes révolutionnaires qui ont voté « non », estimant qu’un changement complet de Constitution était nécessaire avant la tenue d’élec-tions parlementaires et présiden-tielles. A l’époque, la commission chargée de réviser la Constitution avait exclu les coptes, alors que les Frères musulmans étaient représen-tés en tant que tels.
Le seul y ayant participé était représenté en tant qu’adjoint du président de la Haute Cour constitutionnelle. Depuis la destitution de Mohamad Morsi début juillet, la Constitution a été abrogée. Mais la déclaration constitutionnelle provisoire qui l’a remplacée a, elle aussi, causé du souci aux coptes. Son article 1 reprend mot à mot l’article 219 de la Constitution de 2012, qui avait été au centre de la contestation et avait pro-voqué le retrait de leurs représentants de l’assemblée constituante. Cet article indique que l’interprétation de la charia peut être fondée sur les dif-férentes écoles juridiques (malékite, hanbalite ...). Selon Gamal Assaad, penseur copte, il risque de donner lieu à une interprétation archaïque des textes religieux, incompatibles avec les principes d’égalité et de citoyenneté. Enfin, la Constitution temporaire n’a pas non plus conservé l’article donnant droit aux chrétiens de se référer à leur « charia ».
Toutefois, l’optimisme règne parmi les coptes. « Cette Constitution n’est en fin de compte que provisoire, assure Gamal Assaad. Les acteurs radicaux écar-tés, le dialogue devrait être plus calme et plus civil ».
Les inoubliables violences de Kocheh
Les habitants de Kocheh n’ont pas oublié les événements du 31 décembre 1999. Ce petit village du gouvernorat de Sohag, en Haute-Egypte, comptait à l’époque près de 23 000 habitants dont 75 % coptes. Il a été le théâtre des plus graves incidents intercommunautaires du pays. Une querelle verbale entre un commerçant copte et une femme musulmane s’était transformée en violence sanglante faisant 21 morts dont 20 coptes, 33 blessés dont 18 musulmans, et 56 magasins et maisons incendiés. C’est au quatrième jour de violence que la police a pu maîtriser la situation après avoir imposé le couvre-feu. 96 personnes, dont 38 coptes et 58 musulmans, ont été arrêtées et traduites en justice.
La contradiction des témoignages et l’exagération des accusations ont fait que la Cour pénale de Sohag a acquitté, en 2001, 92 accusés et a condamné 4 personnes seulement à des peines allant de 1 à 12 ans de prison ou de travaux forcés. Ce verdict a été vivement critiqué dans les milieux coptes, notamment par le pape Chénouda. Fin juillet 2001, la Cour de cassation a ordonné de rejuger les 96 accusés, faisant état de déficiences et fautes dans l’application de la loi.
Deux ans plus tard, la Cour pénale de Sohag a condamné deux personnes à des peines de 3 à 15 ans de prison, « pour avoir tué et blessé intentionnellement plusieurs personnes et pour détention illégale d’armes », tandis qu’elle a acquitté les 94 autres accusés.
Statistiques et manipulations

(Photo: AFP)
Les statistiques officielles du dernier recensement, élaboré par l’Organisme central de la mobilisation générale et du recensement publié en 2012, évaluent le nombre des coptes à 5,13 millions sur les 83 millions d’habitants que compte l’Egypte. L’Eglise estime en revanche que cette évaluation n’est pas objective, tout en assurant que le nombre des coptes varie entre 15 et 18 millions de personnes.
En réalité, aucun recensement fiable n’est disponible. « Les statistiques en Egypte sont inexactes. Les responsables gouvernementaux utilisent souvent les chiffres pour servir leurs objectifs politiques ou sécuritaires », explique Ikram Lameï, porte-parole de l’Eglise évangélique d’Egypte.
Le nombre des coptes d’Egypte oscille ainsi selon les événements. Ainsi, ils ont été nombreux lorsqu’il s’agissait des manifestations d’opposants à Morsi ou pour accroître les chances du candidat Chafiq, un pro-Moubarak, à la dernière présidentielle.
« 60 % des manifestants qui se trouvent devant le palais présidentiel sont des coptes … Ils suivent les hommes de l’ancien régime, ne cherchant qu’à s’opposer aux Frères musulmans », estimait Mohamad Al-Beltagui, membre du bureau exécutif de la confrérie des Frères musulmans. Assem Abdel-Magued, membre de la Gamaa islamiya, va plus loin et estime que « les coptes et les communistes sont ceux qui manifestaient le 30 juin 2013 ». On parle ici de quelques dizaines de millions. Mais quand il est question de leur accorder des postes-clés au sein de l’Etat, leur poids est
minimisé. Ainsi le premier gouvernement de Morsi, dirigé par Hicham Qandil, incluait une seule ministre copte au lieu du traditionnel et informel quota de 2 à 3 portefeuilles accordés aux chrétiens.
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