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Les estimations et les recettes de l’Unicef et de l’OIT

Racha Darwich, Lundi, 09 août 2021

Un rapport publié par l’Unicef et l’Organisation Internationale du Travail (OIT) sur le travail des enfants revient sur les dimensions de ce phénomène et révèle le puissant impact du coronavirus. Lecture.

Les estimations et les recettes de l’Unicef et de l’OIT
8,9 millions d’enfants de plus dans le monde risquent de devoir travailler d’ici la fin de 2022, en raison du coronavirus.

« La lutte mondiale contre le travail des enfants est au point mort depuis 2016 », déplore le rapport élaboré par l’Organisation Internationale du Travail (OIT) et le Fonds des Nations-Unies pour l’enfance (Unicef) titré « Travail des enfants : Estimations mondiales 2020, tendances et le chemin à suivre ». Publié à l’occasion de l’Année internationale de l’élimination du travail des enfants, le rapport révèle que la lutte mondiale contre le travail des enfants n’a enregistré aucune avancée au cours des quatre dernières années. Au contraire, « si l’on ne prend pas de toute urgence des mesures d’atténuation, des millions d’autres enfants risquent d’être contraints de travailler à cause de la crise du Covid-19 », avance le rapport.

Estimations mondiales

Le travail des enfants demeure un problème persistant dans le monde aujourd’hui. Selon les dernières estimations mondiales, 160 millions d’enfants âgés de 5 à 17 ans — 63 millions de filles et 97 millions de garçons — étaient astreints au travail dans le monde début de 2020, soit près d’un enfant sur 10. De plus, près de la moitié de ces enfants, soit près de 79 millions, effectuaient des travaux dangereux mettant directement en péril leur santé, leur sécurité et leur développement moral. La situation est alarmante. En effet, si les pourcentages d’enfants astreints au travail (9,6 %) et d’enfants effectuant des travaux dangereux (4,6 % en 2016 et 4,7 % en 2020) sont restés inchangés au cours des quatre dernières années, cela signifie que leur nombre a respectivement augmenté de plus de 8 millions et 6,5 millions d’enfants.

Caractéristiques du travail des enfants

Selon le rapport, en 2020, le nombre de garçons astreints au travail était plus élevé que celui les filles, tous âges confondus. 11,2 % des garçons sont astreints au travail contre 7,8 % des filles. Cependant, lorsque la définition du travail des enfants est élargie pour inclure les tâches ménagères effectuées pendant 21 heures ou plus par semaine, l’écart entre les sexes pour les enfants âgés de 5 à 14 ans est réduit de près de la moitié.

Le rapport révèle aussi que le travail des enfants est beaucoup plus courant dans les zones rurales. En milieu rural, 122,7 millions d’enfants sont astreints au travail contre 37,3 millions en milieu urbain. La prévalence du travail des enfants est presque trois fois plus élevée dans les zones rurales (13,9 %) que dans les zones urbaines (4,7 %). La raison en est que l’agriculture est toujours le secteur où persiste l’essentiel du travail des enfants pour les garçons comme pour les filles. Il représente 70 % de l’ensemble des enfants astreints au travail, soit 112 millions d’enfants au total contre 19,7 % dans le secteur des services et 10,3 % dans l’industrie. D’ailleurs, la plus grande partie du travail des enfants est effectuée au sein de la cellule familiale. 72 % des enfants astreints au travail et 83 % des enfants, âgés de 5 à 11 ans, travaillent au sein de la cellule familiale, principalement dans une exploitation agricole familiale ou une micro-entreprise familiale. Bien plus, le rapport révèle que le travail des enfants en milieu familial est souvent dangereux, contrairement aux idées reçues selon lesquelles la famille offre un environnement de travail plus sûr.

Le travail des enfants et l’école

Malheureusement, le rapport confirme que le travail des enfants est souvent associé à la déscolarisation. Une grande partie des enfants très jeunes astreints au travail sont exclus de l’école, bien qu’ils soient dans le groupe d’âge de la scolarité obligatoire. Plus du quart des enfants âgés de 5 à 11 ans et plus du tiers des enfants âgés de 12 à 14 ans, qui sont astreints au travail, sont déscolarisés. Un fait qui contribue à limiter gravement les perspectives d’emploi décent à l’adolescence et à l’âge adulte, ainsi que les perspectives d’avenir en général. Beaucoup d’autres enfants astreints au travail ont du mal à concilier les impératifs de l’école et ceux du travail, ce qui compromet leurs chances de réussite scolaire et leur droit au loisir.

Répartition géographique

La situation à l’échelle mondiale occulte les progrès réels accomplis pour éliminer le travail des enfants dans les régions d’Asie et du Pacifique, d’Amérique latine et des Caraïbes. Dans ces deux régions, la baisse du travail des enfants s’est poursuivie au cours des quatre dernières années, en pourcentage et en chiffres absolus. Cependant, de tels progrès se sont révélés impossibles à réaliser en Afrique subsaharienne, en Afrique et dans les pays arabes où on constate, depuis 2012, une augmentation, en nombre et en pourcentage. Il y a aujourd’hui plus d’enfants astreints au travail dans ces régions que dans tout le reste du monde. Dans les pays arabes, bien que le taux d’enfants astreints au travail ait été le plus bas au niveau mondial en 2016 (2,9 % contre 4,1 % en Europe et Asie centrale et 5,3 % en Amériques), ce taux a augmenté en 2020 enregistrant 5,8 %, alors que le taux d’enfants effectuant des travaux dangereux est passé de 1,5 % en 2016 à 4,5 % en 2020.

Impact du Covid-19

Le rapport consacre tout un chapitre à l’impact de la pandémie de Covid-19 sur le travail des enfants, signalant que l’impact est très préoccupant à l’échelle mondiale. De toute évidence, la pandémie a aggravé le risque de travail des enfants, surtout à cause d’une forte hausse de la pauvreté et des fermetures d’écoles. En 2020, la pandémie a augmenté le nombre d’enfants dans les ménages pauvres d’environ 142 millions, venus s’ajouter aux 582 millions d’enfants déjà dans la pauvreté en 2019. La perte d’emploi des familles et la fermeture des écoles pendant les confinements ont poussé bien des familles à astreindre leurs enfants au travail.

Selon le rapport, toute baisse immédiate due à des perturbations sur le marché du travail sera probablement largement compensée par une augmentation du travail des enfants due à la pauvreté. 8,9 millions d’enfants supplémentaires devraient être au travail d’ici la fin de 2022.

Couverture sociale

« Pourtant, la nouvelle augmentation prévue du travail des enfants n’est pas une fatalité. Les conséquences réelles dépendront des réponses politiques », confirme le rapport en expliquant que seule l’augmentation de la protection sociale pourrait contrebalancer largement les retombées du Covid-19 sur le travail des enfants. Un renforcement des mesures de soutien aux familles en situation de vulnérabilité, par des allocations familiales et d’autres moyens, sera indispensable. En effet, l’extension de la protection sociale réduirait le nombre d’enfants qui travaillent de 15,1 millions d’ici la fin 2022, ce qui ferait plus que compenser l’impact du Covid-19, accélérerait les progrès et réaliserait la promesse d’éliminer complètement le travail des enfants d’ici 2025.

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