Al-Ahram Hebdo : Après la Révolution du 30 Juin, l’Egypte a cherché à maximiser ses capacités militaires. Pourquoi, selon vous, cette orientation ?
Le général Nasr Salem: Après la Révolution du 30 Juin, nous avons été soumis à des pressions politiques et militaires de toutes parts et le terrorisme a explosé d’une manière sans précédent. L’Etat devait absolument l’affronter. De plus, la conjoncture régionale et mondiale était très tendue. Des pays comme la Syrie, l’Iraq, le Yémen et le Soudan ont connu des tensions, et certains régimes ont disparu laissant la place à des foyers terroristes qui avaient les yeux rivés sur l’Egypte. Il nous a fallu augmenter nos capacités militaires pour protéger nos intérêts et notre domaine vital qui s’étend sur environ 500km au large de la Méditerranée où se trouvent les champs de gaz, de même qu’à Bab Al-Mandeb au sud de la mer Rouge. Nous avons également des intérêts dans la région du bassin du Nil. En maximisant nos capacités militaires nous créons une sorte de dissuasion, et quiconque pense nous attaquer y réfléchira à deux fois. Cette capacité militaire a poussé des pays, tels la Turquie et le Qatar, à privilégier une bonne relation avec l’Egypte; et cela ne serait pas arrivé si nous n’avions pas eu la force de dissuasion pour les empêcher de comploter contre nous et de menacer nos intérêts.
L’Egypte s’est tournée vers une politique de diversification des sources d’armement. Nous avons acheté des Rafale français multi-tâches, des armes de défense aérienne et des avions de combat avancés russes MiG-29. Nous avons également passé des commandes de chasseurs Su-35, d’équipements très avancés dans la marine, tels les destroyers, les porte-hélicoptères et les sous-marins fabriqués en Allemagne. En s’ouvrant au monde, à l’est comme à l’ouest, nous avons obtenu différents types d’armement. Nous avons les équipements les plus modernes qui se trouvent dans l’arsenal de plusieurs pays. En même temps, nous avons un commandement qui a de l’expérience et les compétences nécessaires et des combattants que nous avons commencé à former à l’usage de ces équipements par le biais d’exercices militaires conjoints.
— Justement, quel a été le rôle de ces exercices conjoints dans le développement de l’armée ?
— La réputation de l’Egypte et son expérience ont incité de nombreux pays à organiser des exercices d’entraînement conjoints avec l’armée égyptienne, et cela est très important. La Chine, la France, l’Italie, la Grèce et plusieurs pays arabes ont organisé de tels exercices avec nous. Idem pour la Russie. Pour la première fois, un navire de guerre égyptien s’est rendu en mer Noire pour s’entraîner au combat sur de nouveaux théâtres d’opérations. Les Etats-Unis aussi sont revenus aux exercices Bright Star. Tout cela apporte de l’expérience à nos forces et une solide réputation, ce qui est requis dans notre stratégie de dissuasion. Ces exercices transmettent trois messages essentiels. Le premier est un message de dissuasion à l’adresse de quiconque pourrait menacer nos intérêts ou notre sécurité. Le deuxième message s’adresse à la communauté internationale pour qu’elle assume ses responsabilités afin que la région ne s’enflamme pas. La communauté internationale cherche désormais une solution au problème du barrage de la Renaissance afin que l’Egypte n’entre pas en guerre. Quant au troisième message, il s’adresse au peuple égyptien pour qu’il ne s’inquiète pas, car nous avons une armée forte capable de protéger les intérêts et la sécurité de l’Egypte.
— Comment cette modernisation de l’armée a-t-elle, selon vous, permis de mieux combattre le terrorisme ?
— Le terrorisme est une guerre asymétrique, car dépendant de la guérilla qui épuise les armées régulières, mais en Egypte, l’armée a été formée pour faire face à toute forme d’hostilité. Nous avons affronté le terrorisme seuls avec notre volonté et nos capacités. Nous possédons une expérience en matière de lutte antiterroriste que de nombreux pays ne possèdent pas. Rappelez-vous le Sinaï il y a 4 ou 5 ans. Aujourd’hui, la situation est différente et la vie est revenue à la normale. Des projets de développement et de reconstruction ont commencé dans la péninsule.
— L’armée égyptienne est classée 9e mondiale. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
— C’est un message de dissuasion selon lequel l’armée égyptienne est capable de protéger la sécurité de l’Egypte et la sécurité arabe. L’Egypte dispose désormais d’un armement moderne, d’un commandement compétent et de forces bien entraînées, ce qui était clair dans tous les exercices conjoints. Nous possédons des bases militaires, telles Bérénice et Mohamad Naguib, et des bases navales. Nous sommes parvenus à ce classement par l’effort, la planification et la bonne gouvernance.
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