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Processus de paix : L’espoir ressuscité ?

Abir Taleb, Mardi, 25 mai 2021

Le secrétaire d’Etat américain a entamé mardi en Israël une tournée régionale axée sur la consolidation de la trêve et les tentatives de relance du processus de paix israélo-palestinien. Mission difficile.

Processus de paix : L’espoir ressuscité ?
Malgré la trêve, les échauffourées se sont poursuivies sporadiquement à la mosquée d'Al-Aqsa à Jérusalem, qui reste le coeur de la cause palestinienne.

Et maintenant ? Les armes se sont tues à Gaza, après onze jours sous les raids. La tension entre Israéliens et Palestiniens a baissé, fort heureu­sement. Tout le monde s’en réjouit, après l’ampleur des destructions dans la bande de Gaza et les roquettes lancées contre les villes israéliennes. Cette offensive, comme les précé­dentes, a pris fin, laissant derrière elle de gros dégâts matériels, des pertes civiles et un bilan de « ni gagnant, ni perdant ». Sauf que les problèmes de fond restent entiers. Toutes les parties sont désormais renvoyées à la question essentielle du conflit israélo-palestinien. Avec toutes ses difficultés, ses impasses, ses déceptions, mais aussi ses espoirs, même timides. Et des inter­rogations qui reviennent en force : la relance du processus de paix israélo-palestinien est-elle possible ? La solution à deux Etats, seule issue pour parvenir à une solution défini­tive, est-elle encore à l’ordre du jour ? Cette offensive va-t-elle faire bouger les choses après des années de léthargie ? Ou bien va-t-on sim­plement, comme en 2009, 2012 et 2014, à l’issue des trois précédentes confrontations à Gaza, revenir à la situation de l’avant-offensive, soit une accalmie, sans plus, sans règle­ment des problèmes de fond, et qui finit par se transformer en une trêve qui prépare l’escalade suivante ? Et que faire pour éviter une cinquième guerre à Gaza ?

Paradoxalement, la flambée de violence à Gaza a fait oublier l’ori­gine de cette dernière escalade : les événements de Jérusalem et l’expul­sion de familles palestiniennes de leurs maisons dans le quartier de Cheikh Jarrah, à Jérusalem-Est, une violation israélienne qui s’inscrit dans le cadre de la politique de judaï­sation de la ville et de l’accélération de la colonisation israélienne. En même temps, l’ampleur des hostili­tés a remis sur le tapis la question palestinienne. D’ailleurs, malgré la trêve, de nouveaux affrontements continuent d’éclater sporadiquement à Jérusalem, notamment sur l’Espla­nade des mosquées.

Réengagement américain ?

Tous les regards – et les espoirs – se tournent désormais vers Washington, notamment avec le président démocrate Joe Biden, dont l’arrivée à la Maison Blanche, après quatre ans de règne de Trump, relance les attentes au sujet du conflit israélo-palestinien. Parrains du processus de paix depuis son lancement, seuls à pouvoir faire réellement pression sur Israël, les Etats-Unis sont face à leur respon­sabilité originelle : oeuvrer à instau­rer la paix au Proche-Orient.

Pour le moment, la seule note d’es­poir est que les Américains évoquent à nouveau la solution à deux Etats. Biden l’a réaffirmé vendredi 21 mai, comme étant « la seule réponse ». Cependant, le président américain a rappelé tout de même que la priorité des priorités reste la sécurité d’Is­raël. « Il n’y a pas de changement dans mon engagement pour la sécu­rité d’Israël, point à la ligne. Pas de changement du tout. Le changement est que nous avons toujours besoin d’une solution à deux Etats. C’est la seule solution », a-t-il dit lors d’une conférence de presse à la Maison Blanche. Dans ce contexte, la visite de son secrétaire d’Etat, Antony Blinken, mardi en Israël, première destination d’une tournée qui doit l’amener aussi en Egypte et en Jordanie, était fort attendue. Lui aussi a parlé de l’attachement à une solution à deux Etats, « la seule façon d’assurer l’avenir d’Israël comme Etat juif et démocratique, et c’est la seule façon de donner aux Palestiniens l’Etat auquel ils ont droit ».

« Le dossier du Proche-Orient est prioritaire pour les démocrates, l’ancien président américain, Bill Clinton, avait fourni d’intenses efforts dans les années 1990 dans ce dossier et avait l’espoir d’être le président sous lequel un Etat palesti­nien a été proclamé », rappelle Dr Mona Soliman, professeure de sciences politiques à l’Université du Caire. « Biden aussi a le même objectif, mais il a aussi d’autres questions prioritaires, comme la relation avec la Russie et la Chine, le nucléaire iranien, etc. Le conflit israélo-palestinien n’est donc pas le seul sujet sur la table, en même temps, les Etats-Unis sont les seuls à même de faire pression sur Israël. C’est pour cela que nous, Arabes, devons tirer profit des récents événe­ments pour, à notre tour, faire pres­sion sur les Américains, afin de relancer le processus de paix. Pour cela, une unité arabe et une unité palestinienne sont primordiales », estime l’analyste, qui ajoute que pour cela, il est nécessaire que les pays arabes soutiennent l’Egypte, qui porte le flambeau de ce dossier, dans ses efforts, plutôt que de prendre des initiatives séparées.

Nouvelles donnes

Or, il semble encore trop tôt de parler d’une reprise des négociations de paix. Le secrétaire d’Etat améri­cain l’a concédé, avant d’entamer sa tournée. « Les étapes sont nom­breuses avant de parvenir à la solu­tion à deux Etats », rappelle Dr Mona Soliman. Aussi, au cours des dix dernières années, une décennie où le processus de paix a été mis en sour­dine, la situation sur le terrain a donné lieu à de nouvelles réalités, avec une colonisation et une judaïsa­tion galopantes des territoires occu­pés, notamment de Jérusalem-Est, censée être la future capitale d’un Etat palestinien. « Ceci doit s’arrê­ter si on veut relancer le processus de paix », estime Soliman. « Si un Etat palestinien est aujourd’hui créé, sa surface ne dépassera pas 13 % de la Palestine historique », explique-t-elle. Sans compter les questions les plus délicates sans cesse reléguées au dernier stade de négociations, comme Jérusalem bien sûr, mais aussi les frontières, le droit de retour, etc.

« En attendant, plusieurs étapes doivent être franchies : la consolida­tion de la trêve, la fin de la colonisa­tion, mais aussi la fin des divisions interpalestiniennes et la tenue des élections palestiniennes. Sans cela, on ne peut rien espérer », dit Soliman, qui estime qu’il faut ensuite entamer des négociations selon un agenda précis avec l’objec­tif final de créer un Etat palestinien. Le chemin s’annonce donc long, et les espoirs nés lors de la Conférence d’Oslo, qui a lancé le processus de paix en 1993, sont bien amoindris, tant la réalité a imposé de nouvelles donnes sur le terrain.

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