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Cause palestinienne : Le soutien indéfectible de l’Egypte

Aliaa Al-Korachi, Mardi, 25 mai 2021

Après le cessez-le-feu parrainé par l’Egypte et mettant fin à l’offensive contre Gaza, Le Caire s’investit désormais sur trois fronts : la consolidation de la trêve, la reconstruction et surtout la reprise des négociations de paix. Objectif : parvenir à un règlement permanent et juste à la question palestinienne.

Cause palestinienne : Le soutien indéfectible de l’Egypte

Instaurer une trêve permanente, oeuvrer à la reconstruction de Gaza et relancer le processus de paix. La diplomatie égyptienne est aujourd’hui sur tous les fronts pour soutenir la cause palestinienne. Cette série d’actions qui se succèdent et se complètent fait suite à la réussite de la médiation égyptienne, qui est parvenue à mettre en place une trêve après une opération militaire israélienne de 11 jours contre la bande de Gaza. Bilan : 279 morts, dont 69 enfants, 40 femmes et 17 personnes âgées. Près de 40 000 Palestiniens ont été déplacés et 2 500 ont perdu leurs maisons dans la bande de Gaza, selon l’Onu. Le 21 mai à 2 heures, le cessez-le-feu est entré en vigueur dans la bande de Gaza et des milliers de Gazaouis descendent dans les rues pour célébrer la trêve, sur les décombres des maisons, criant « Falestine Tantasser » (Palestine victorieuse, voir page 6). Les combats ont commencé le 10 mai, après des semaines de tensions croissantes à Jérusalem-Est occupée à cause des attaques brutales commises par la police et les colons israéliens contre la mosquée d'Al-Aqsa et ses environs, ainsi que les tentatives israéliennes de déposséder 12 familles palestiniennes de leurs maisons au profit de colons israéliens dans le quartier de Cheikh Jarrah.

Pourquoi la médiation égyptienne a-t-elle réussi ? Chargée de surveiller le cessez-le-feu, l’Egypte a joué un rôle de médiateur incontournable dans ce conflit. Un rôle qui ne date pas d’hier. En 2014 déjà, un cessez-le-feu avait été mis en place à l’initiative du Caire, après la guerre entre Israël et le Hamas. Les efforts de la médiation égyptienne ont été salués par la communauté internationale. Sous les projecteurs, le président américain, Joe Biden, a exprimé sa « sincère reconnaissance au président Sissi et aux responsables égyptiens pour le grand rôle qu’ils ont joué dans cette démarche diplomatique ». Pour sa part, dans un tweet publié vendredi 21 mai, le président Sissi a remercié le président américain pour son rôle dans la réussite de l’initiative égyptienne pour un cessez-le-feu à Gaza. En fait, le président américain a appelé le président Sissi, jeudi 20 mai, pour la première fois depuis son entrée à la Maison Blanche, afin de discuter des modalités d’une désescalade dans les territoires palestiniens. « Nos visions étaient convergentes sur la nécessité de gérer le conflit via des moyens diplomatiques. Ce qui a affirmé la profondeur et la robustesse des relations stratégiques égypto-américaines », a précisé Sissi. L’Egypte a agi tôt, immédiatement après les événements de Cheikh Jarrah, avant même que la guerre n’éclate entre Israël et la bande de Gaza, en intensifiant ses contacts diplomatiques avec les diverses parties concernées pour éviter toute escalade comme l’explique Mona Soliman, professeure de sciences politiques à l’Université du Caire. « Les institutions égyptiennes ont agi de manière coordonnée pendant la crise pour former une cellule de travail commune au service de la cause palestinienne », ajoute-t-elle (voir page 3).

Les efforts du Caire ne se sont pas limités aux efforts diplomatiques. Depuis le premier jour, l’Egypte a ouvert ses hôpitaux dans 3 gouvernorats pour recevoir les blessés palestiniens par le point de passage de Rafah. Concernant l’aide humanitaire pour les habitants de Gaza, le ministère de la Santé a envoyé une aide médicale comprenant 65 tonnes d’équipements médicaux, dont « des bouteilles d’oxygène, des seringues, des antibiotiques et de la pommade pour les brûlures » ; ainsi que 50 ambulances ont été mobilisées pour transporter les blessés. Sous le slogan « Nous sommes des partenaires pour l’humanité », l’Egypte a envoyé le plus grand convoi d’aides à la bande de Gaza composé de plus de 130 camions chargés de 2 500 tonnes de denrées alimentaires, de médicaments, de lait infantile, de vêtements et d’appareils électriques fournis par le fonds « Tahya Misr ». Un compte bancaire a été ouvert dans toutes les banques égyptiennes afin de collecter des fonds pour la reconstruction de Gaza et permettre l’envoi de médicaments à sa population.

Consolider le cessez-le-feu

Quelle sera l’étape prochaine après la trêve ? La priorité est, à l’heure actuelle, à la consolidation du cessez-le-feu et à l’adoption de mesures censées stabiliser la situation sur le terrain à la bande de Gaza, a affirmé le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Ahmad Hafez. Pour ce faire, l’Egypte a dépêché deux délégations sécuritaires, à Tel-Aviv et à Gaza, pour faire le suivi des procédures d’application du cessez-le-feu et pour s’accorder sur les procédures à venir qui garantissent de préserver la stabilité de la situation de façon permanente. Sur un autre volet, le ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukri, s’est rendu dimanche 23 mai en Jordanie pour examiner « avec les responsables jordaniens les moyens susceptibles d’assurer un climat propice à la reprise du processus de paix, de façon urgente ». « Traduire l’accord de cessez-le-feu en une trêve permanente s’inscrit dans une vision égyptienne plus globale pour une gestion future du conflit. Celle-ci comprend deux autres volets : la reconstruction de Gaza et la mobilisation de la communauté internationale pour la solution de deux Etats », explique Soliman. Il est prévu dans les jours à venir que Le Caire accueille des rencontres sur les négociations sur « une trêve permanente » à Gaza.

Reconstruction de Gaza

Des quatre guerres qui ont embrasé Gaza, cette dernière est la plus destructrice. L’Egypte se positionne aussi en médiateur privilégié pour organiser une reconstruction de long terme de cette ville. Lors d’un sommet tripartite réunissant le président français, Emmanuel Macron, et le roi Abdallah II de Jordanie (par visioconférence) au Palais de l’Elysée à Paris, le président Abdel-Fattah Al-Sissi a annoncé que l’Egypte fournira 500 millions de dollars au profit du processus de reconstruction dans la bande de Gaza, avec la participation des entreprises égyptiennes spécialisées au processus de la reconstruction. Dans ce sens, Sameh Choukri, le chef de la diplomatie, a indiqué avoir reçu un appel de son homologue israélien pour discuter des mesures pour faciliter les opérations de reconstruction.

Selon des analystes, le fait d’annoncer que la reconstruction de la bande sera faite avec des Egyptiens constitue « une nouvelle ligne rouge » tracée par l’Egypte. Il s’agit en outre d’un « investissement politique » destiné en premier lieu à garantir « la sécurité et la stabilité du citoyen palestinien, ainsi que la sécurité nationale égyptienne ». Naji Sarhan, adjoint du ministère des Travaux publics et du Logement à Gaza, vient de déclarer, samedi, dans un communiqué que, selon une première évaluation, au moins 2 000 unités de logement ont été détruites dans les derniers combats. Il a estimé que le coût de reconstruction s’élevait à au moins 150 millions de dollars.

Selon un rapport intitulé « La reconstruction de Gaza : Instant décisif et une nécessité urgente », publié par le Centre de la pensée égyptien et des études stratégiques (ECSS), au cours des 14 dernières années, Israël a imposé un blocus terrestre et maritime intense sur la bande de Gaza qui souffrait déjà de nombreux problèmes de développement à tous les niveaux. La première de ces conséquences est l’absence de possibilité pour les citoyens palestiniens à s’étendre géographiquement dans les terres qui les entourent et à limiter leur présence à la zone de la bande de Gaza estimée à 365 km2.

Ce qui a conduit à une augmentation de la densité de la population de la bande à 5 693 individus par km, devenant ainsi l’endroit le plus densément peuplé du monde. Par ailleurs, les quatre opérations militaires menées par les forces d’occupation dans la bande de Gaza depuis 2008 ont contribué à la propagation d’un état de destruction généralisée, dont le coût est estimé par les Etats-Unis pour la période 2007 à 2018 à plus de 16,7 milliards de dollars. Ces actions militaires ont entraîné la réduction de la participation de l’économie de Gaza au PIB de l’Etat de Palestine de 31 à 18 % d’ici 2018. Le déclin de la situation économique dans la bande de Gaza, à son tour, a conduit à une augmentation du taux de chômage parmi les Gazaouis, qui a atteint 47 % en 2020, et à un bond remarquable du taux de la pauvreté dans la bande de Gaza de 14 % entre 2007 et 2017. « L’initiative égyptienne pour la reconstruction de la bande de Gaza vise à ouvrir de nouveaux horizons pour faire face à tous ces défis chroniques, qui à leur tour conduiront à relancer les roues de développement et améliorer la qualité de vie des citoyens de Gaza ».

Action diplomatique

Remettre le processus de paix sur les rails est un autre objectif des démarches égyptiennes. Selon beaucoup d’observateurs, la question palestinienne est revenue à nouveau sur le devant de la scène internationale après une décennie d’absence (voir page 5). Selon Mona Soliman, l’Egypte s’engage aujourd’hui dans une course contre la montre pour investir ce nouvel élan. « Nous devons investir et tirer parti de cette situation avec tous ses aspects positifs et tous ses inconvénients pour se lancer vers une nouvelle étape de règlement politique », explique la politologue. Pour l’Egypte, le seul moyen d’instaurer la sécurité et la paix dans la région est que le peuple palestinien obtienne ses droits légitimes et l’indépendance de son Etat sur les frontières du 4 juin 1967 ayant pour capitale Jérusalem, comme l’a déclaré le délégué permanent de l’Egypte aux Nations-Unies, Mohamad Idris, dans son discours prononcé le 21 mai lors d’une séance extraordinaire sur la situation dans les terres palestiniennes occupées. Le diplomate a jugé donc « indispensable une action internationale pour dynamiser immédiatement le rôle du quartet en vue de reprendre les négociations pour établir l’Etat palestinien conformément aux références internationales convenues, aux résolutions de l’Onu, surtout celle du Conseil de sécurité no 2 334 de l’année 2016, à la solution de deux Etats et à l’initiative arabe de la paix ».

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