Situé dans la région d’Al-Azhar, Al-Ghouriya, est l’un des quartiers du Caire historique qui tient son nom du complexe architectural construit par le sultan mamelouk Qansouah Al-Ghouri et qui comprend la wékala et la mosquée d’Al-Ghouri, la qobba, le sabil, et la mosquée-madrassa d’Al-Ghouri. Les vendeurs occupent le lieu et cachent les murs du quartier qui paraissent en arrière-plan. Le marché d’Al-Ghouriya, qui était un jour l’un des marchés les plus célèbres du Vieux Caire, est devenu un grand marché sauvage. Les places sont occupées par les marchands ambulants qui gênent le passage et qui font de l’entrée et de la sortie une véritable souffrance. « Je suis ici depuis 20 ans. Mes enfants et moi vendons des trousses pour la mariée à des prix qui conviennent à tous les niveaux.
Nous avons des clients qui viennent de tous les gouvernorats, pas seulement du Caire », déclare hadj Ahmad, 60 ans, qui explique l’importance du marché. Il souhaite que celui-ci reste en place après l’achèvement des travaux de développement. Il ajoute : « Nous ne sommes pas contre le développement et nous sommes tous avec l’Etat, mais nous nous interrogeons sur le sort des artisans du Vieux Caire après les travaux de réaménagement ». Hadj Ahmad comme d’autres vendeurs de ce marché ont hérité de leurs places de leurs pères et grands-pères et ne connaissent d’autres lieux que ce marché pour gagner leur vie.
« Nous espérons que nous ne serons pas privés de notre gagne-pain. Nous ne portons pas atteinte aux anciennes mosquées à côté desquelles nous vendons, bien au contraire, nous les gardons et les protégeons par notre présence », confirme Ibrahim, vendeur de abayate (djellabas). Au cours de sa dernière visite, le premier ministre, Moustapha Madbouli, a nié de fausses informations sur l’intention du gouvernement de démolir les maisons anciennes des habitants ou de transférer les activités artisanales vers d’autres endroits. « Nous voulons restaurer le rôle du Caire en tant que ville vivante et en faire un centre de rayonnement historique et culturel et une destination touristique, en plus de restaurer son rôle de centre de l’artisanat et des industries traditionnelles », a déclaré Madbouli.
Al-Khayamiya ... un art qui résiste
En face de Bab Zoweila se trouve la rue Khayamiya, ou Qassabat Radwan, qui a été créé par le prince Radwan Al-Faqari en 1650 ap. J.-C., afin d’imiter l’ancienne Qassaba du Caire et d’y faire de petites boutiques. Il y a édifié une zawiya et un minaret. Cette rue était le lieu où l’on fabriquait les tentes pour les sultans, les princes et les notables. C’est l’un des marchés couverts les plus célèbres où les magasins sont répartis des deux côtés, décorés d’une merveilleuse collection de produits : tissus, couvre-lits, tapis, klims faits main et d’autres marchandises de qualité. Contrairement au marché d’Al-Ghouriya, ce marché se caractérise par sa beauté et son harmonie avec l’architecture islamique qui l’entoure.
(Photo : Mohamad Moustapha)
« Al-Khayamiya était associée dans le passé au travail de ses habitants qui faisaient la Kiswa (étoffe) de la Kaaba, ornée de fils d’or et d’argent, que l’Egypte fabriquait jusque dans les années 1960, et envoyait à La Mecque dans une caravane connue sous le nom de Mahmal », raconte Mohamad Kamel, 67 ans, qui a hérité ce métier de son père et son grand-père. Pourquoi ce marché est-il différent des autres ? Mohamad Kamel répond à la question : « L’Etat a développé ce marché avant. Nous avons tous quitté nos magasins pour une période de temps jusqu’à ce que les travaux de restauration aient été achevés. Puis nous sommes revenus à nouveau. C’est pourquoi le marché semble en bon état. Ce qui le rend plus beau, c’est la qualité de nos produits faits à la main qui préservent leur valeur et qui sont des produits qui vivent longtemps, contrairement aux produits des machines. Plus le temps passe, plus le produit khiyami gagne en valeur et son prix augmente ».
Ce n’est pas la première fois que ces quartiers fassent l’objet d’un plan de développement. La direction de la préservation des antiquités a rénové et restauré nombre de ces monuments, comme Wékalat Al-Ghouri, le marché d’Al-Khayamiya et le sabil de Mohamad Ali pacha, dans le cadre du projet de rénovation du Caire islamique en 2005.
L’art d’Al-Khayamiya est aujourd’hui menacé de disparition, ce qui a contraint un certain nombre de commerçants à vendre des décorations et des produits du mois du Ramadan, tels les tissus et les lanternes, ainsi que d’autres produits artisanaux. « Les jeunes veulent maintenant un travail facile et personne ne veut apprendre, être patient et préserver le métier qu’il a hérité de son père ou de son grand-père », annonce Kamel, en soulignant les problèmes de son métier. Il se dit pour le développement et espère que l’Etat s’intéressera au métier d’Al-Khayamiya, empêchera sa disparition et permettra aux artisans d’exposer leurs produits dans les marchés ou les salons à l’étranger pour montrer au monde ces produits artisanaux de qualité. « C’est à ce moment-là que les nouvelles générations accepteront d’apprendre ce métier et de le transmettre aux générations futures », affirme Kamel.
Selon hadj Sayed, 67 ans, propriétaire d’un atelier de menuiserie situé au bout de Qassabat Radwan, ce quartier est devenu sauvage depuis l’époque de Sadate. « On a laissé les gens faire ce qu’ils voulaient en agrandissant et en ouvrant des ateliers et des maisons adjacentes aux mosquées, sabils et zawiyas qui ont été fortement endommagés, j’espère que cet endroit, où je suis né et où j’ai vécu, retrouvera sa beauté d’antan », s’est exprimé hadj Sayed.
Al-Mégharbéline, au coeur du Caire fatimide
A la porte de Qassabat Radwan, le marché d’Al-Khayamiya prend fin et une autre histoire commence avec la rue d’Al-Mégharbéline, qui doit son nom au métier des habitants qui, autrefois, pratiquaient l’artisanat du tamisage des grains pour les débarrasser des impuretés. Situé au coeur du Caire fatimide, ce quartier est célèbre pour ses monuments comme Zawiyat Katkhoda, édifié par le prince Abdel-Rahman Katkhoda en 1729, la mosquée de Jani bey datant de 1426 et la mosquée de Qortoba Al-Zahabi, qui est une petite zawiya de prière ne dépassant pas 50 m2. Malgré la beauté des monuments, l’anarchie s’est répandue dans cette rue occupée désormais par les vendeurs ambulants. Même Zawiyat Katkhoda n’a pas été épargnée par cette laideur, après avoir été l’un des plus beaux monuments du Caire avec une façade en pierre gravée de décorations ! Une fois arrivé à la porte d’Al-Métwalli, on ne peut pas continuer à pied du fait que les magasins exposent leurs marchandises à l’extérieur, en plus des tuk-tuks qui roulent dans les deux sens. « Al-Mégharbéline était un beau quartier avant d’être investi par les tuk-tuks. Nous avons demandé à Dr Madbouli lors de sa visite d’empêcher les tuk-tuks d’entrer dans le quartier, car ils sont devenus la cause de problèmes et de querelles », indique Mohamad Al-Sayed, 60 ans, propriétaire d’un magasin d’accessoires de téléphone.
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