Inaugurer une nouvelle phase de relations stratégiques. Tel était l’objectif de la visite historique effectuée par le président Abdel-Fattah Al-Sissi, le 4 mar au Soudan. Il s’agit de la première visite du genre du président au Soudan après la formation du Conseil de soueraineté de transition soudanais en août 2019. A son arrivée au palais républicain de la capitale soudanais,ne cérémonie officielle a été organisée en son honneur et les hymnes nationaux des deux pays ont été joués. Le président a rencontré successivement le président du Conseil de souveraineté de transition, le lieutenant général Abdel-Fattah Al-Burhan, son adjoint, le lieutenant général Mohamed Hamdan Daglo, et le premier ministre, Abdallah Hamdok. Au menu des discussions : les moyens de renforcer les relations bilatérales et les questions régionales, notamment le barrage de la Renaissance, la sécurité en mer Rouge et les développements de la situation sur les frontières au sud du Soudan (ndlr : des frictions ont eu lieu dernièrement entre forces soudanaises et éthiopiennes autour de la région d’Al-Fashka). «
Les relations entre l’Egypte et le Soudan témoignent d’une nouvelle impulsion, et cela s’est traduit par l’amélioration du niveau de coordination entre les gouvernements des deux pays grâce à des visites mutuelles et des consultations continues », a déclaré le président Sissi, lors d’une conférence de presse au palais présidentiel à Khartoum. Et d’ajouter : «
Notre réunion d’aujourd’hui s’inscrit dans le cadre du prolongement de ces efforts pour développer un cadre stratégique intégral et une perception commune des domaines de coopération, afin de répondre aux aspirations de nos deux peuples frères ».
Pour sa part, le chef du Conseil souverain soudanais, Abdel-Fattah Al-Burhan, a déclaré que les deux parties « sont parvenues à des visions communes au service du développement et de la stabilité des deux pays ». Il a salué également la visite du président Sissi qui intervient « à un moment où le Soudan traverse une phase de transition et connaît plusieurs difficultés qui nécessitent des efforts concertés et un soutien des pays frères et amis », indiquant que « la visite du président Sissi reflète le soutien à la révolution et au peuple soudanais ». Selon Tareq Fahmy, politologue, « cette visite inaugure un nouveau cadre stratégique de coopération entre les deux pays du bassin du Nil basé sur le principe de l’unité du destin et des intérêts ».
Un timing important pour les deux pays
Le timing de la visite est important pour les deux pays, vu les défis communs auxquels ils sont confrontés et qui nécessitent l’unification des positions et des visions. La visite est intervenue dans un contexte de rapprochement entre les deux gouvernements. Des responsables de haut niveau des deux pays ont échangé ces derniers mois des visites régulières. Deux jours avant de s’envoler à Khartoum, le président Sissi avait reçu au Caire Mariam Al-Sadeq Al-Mahdi, la nouvelle ministre soudanaise des Affaires étrangères. De plus, dans un communiqué commun, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Choukri, et Al-Mahdi ont appelé à une médiation internationale pour faciliter un accord juridiquement contraignant avec l’Ethiopie avant le deuxième remplissage du barrage de la Renaissance. Le même jour, le chef d’état-major des forces armées égyptiennes, Mohamad Farid, s’est rendu à Khartoum pour participer à la 7e réunion du comité militaire égypto-soudanais. Au cours de cette visite, les deux parties ont signé un accord militaire qui devrait permettre une coopération plus étroite surtout en matière d’exercices conjoints, de formation, de sécurisation des frontières et d’échange des expertises. « Nous sommes confrontés à des menaces régionales communes et nous devons travailler ensemble pour faire face à ces menaces sur tous les fronts », a déclaré Farid. En fait, depuis la chute du régime d’Al-Béchir, l’Egypte et le Soudan s’efforcent d’élargir leur coopération militaire. Déjà, en novembre dernier, des unités de l’armée de l’air soudanaise et des groupes de commandos égyptiens avaient mené un exercice conjoint égypto-soudanais, Nile Eagles1, le premier en son genre.
Barrage de la Renaissance : Contre la politique du fait accompli
L’évolution du dossier du barrage de la Renaissance a été également au centre des discussions à Khartoum. Le président Sissi a déclaré sur un ton ferme que l’Egypte et le Soudan « rejettent toute approche consistant à imposer un fait accompli et à contrôler le Nil bleu via des mesures unilatérales sans tenir compte des droits et des intérêts des deux pays en aval ». Les deux présidents ont examiné également la possibilité de relancer les négociations sur le barrage à travers la médiation d’un quartet international formé de l’Union africaine, des Etats-Unis, de l’Union européenne et des Nations-Unies. « Ce mécanisme a été proposé par le Soudan et approuvé par l’Egypte. Il vise à soutenir les efforts du président Félix Tshisekedi, président de la République démocratique du Congo, et à maximiser les chances de succès des négociations », précise le président, avant d’ajouter : « Nous avons affirmé la nécessité de revenir à des négociations sérieuses et efficaces, dans le but de parvenir à un accord juste le plus tôt possible et avant la prochaine saison des crues ».
Coopération pour le développement
Dynamiser les relations commerciales en vue d’une complémentarité économique entre les deux pays et soutenir la reconstruction économique au Soudan étaient également sous la loupe à Khartoum. « L’Egypte veut mettre en oeuvre des projets dans certains domaines vitaux, tels l’électricité, les chemins de fer, les échanges commerciaux, culturels et scientifiques, et la coopération dans les domaines de la santé, de l’agriculture, de l’industrie, des mines et d’autres domaines, afin de réaliser l’intégration souhaitée entre les deux pays et d’exploiter leurs immenses potentiels », a déclaré le président Sissi dans son discours. Déjà, un mémorandum de coopération, en ce sens, avait été signé le 25 octobre 2020 entre l’Egypte et le Soudan afin d’établir une ligne ferroviaire entre les deux pays destinée à booster les échanges commerciaux. La première section de la voie ferrée reliera sur plus de 300 km la ville égyptienne d’Assouan au sud et la ville frontalière soudanaise de Wadi Halfa. D’autres projets sont aussi en cours, comme celui de « la route terrestre » qui devrait lier l’Egypte et le Tchad via le Soudan. Ce projet vise à créer une passerelle pour le commerce entre les deux pays.
En outre, l’interconnexion électrique entre l’Egypte et le Soudan est entrée en service avec une capacité initiale de 60 mégawatts en avril 2020. Dans le domaine de l’éducation, l’Egypte s’est engagée à apporter son expertise au Soudan pour actualiser le système éducatif. Le ministre égyptien de l’Education, Khaled Abdel-Ghaffar, et son homologue soudanais, Gabriel Changson, ont signé en octobre 2020 un protocole de coopération pour la préparation de plans d’études et de manuels destinés aux universités. « La prochaine étape de travail conjoint et de coopération entre nos deux pays sera guidée par une vision commune, une détermination claire, une politique solide et des efforts sincères du Caire et de Khartoum », a conclu le président à la fin de son discours.
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