Al-Ahram Hebdo : Le président Abdel-Fattah Al-Sissi était au Soudan cette semaine. Existe-il une nouvelle approche stratégique des relations entre Le Caire et Khartoum ?
Dr Ahmad Amal: L’Egypte tend naturellement vers la promotion de la coopération avec le Soudan. Les derniers jours ont connu un tournant au niveau de la coopération et de l’intégration entre les deux pays. Outre la visite du président au Soudan, il y a la longue visite de travail de la ministre soudanaise des Affaires étrangères, Mariam Sadeq Al-Mahdi au Caire. C’est une visite importante qui a montré la volonté des deux pays de renforcer leur coopération dans divers domaines. Il y a aussi l’importante visite du chef d’état-major égyptien à Khartoum. La coopération militaire entre les deux pays progresse remarquablement. En novembre dernier, il y a eu des progrès importants dans ce domaine avec l’exercice Aigles du Nil à Khartoum. Je peux dire que le train roule plus vite, mais dans le même sens.
— Que révèle le timing de ces visites ?
— Bien sûr, le timing a de nombreuses connotations. Il y a les accrochages aux frontières soudano-éthiopiennes qui exigeaient une prise de position. Il est devenu clair que la sécurité du Soudan est en danger. Le président Sissi a affirmé que la sécurité du Soudan est une partie intégrante de la sécurité nationale de l’Egypte. Le Soudan est sorti de son isolement international et son nom a été rayé de la liste des pays parrainant le terrorisme. Les relations entre Le Caire et Khartoum ont pris un nouveau départ.
— Que pensez-vous de la position de la communauté internationale vis-à-vis du gouvernement d’Abiy Ahmed ?
— La communauté internationale a pris conscience tardivement de ce qui se passe mais sa réaction commence à être plus coordonnée. Abiy Ahmed guette le Tigré depuis que cette région a organisé des élections séparées en septembre dernier. Il a profité du fait que le monde était occupé par les élections américaines et a utilisé la logique de la tergiversation en publiant une série de déclarations affirmant qu’il ne faisait qu’appliquer la loi, et des images montées de toutes pièces. Il y a eu au départ une pression européenne, puis américaine. L’Administration Biden ne fermera pas les yeux sur les graves violations des droits de l’homme. Abiy Ahmed a été informé par téléphone le 2 mars que les Etats-Unis rejettent et dénoncent ces violations. Il y a actuellement des pressions américaines, européennes et internationales pour l’ouverture d’une enquête qui pourrait dénoncer les deux parties, en particulier le gouvernement éthiopien, ce qui place ce dernier sous de fortes pressions, notamment à l’approche des élections de juin.
— Comment les politiques agressives d’Abiy Ahmed à l’intérieur comme à l’extérieur ont-elles affecté sa popularité ?
— Abiy Ahmed est dans une situation difficile. On ne parle pas seulement d’un homme qui a perdu une partie de son soutien politique. Nous sommes maintenant face à un nettoyage ethnique. Il semble que le gouvernement fédéral d’Addis-Abeba ait perdu le contrôle sur ce qui se passe dans la province du Tigré en raison de la multiplicité des parties engagées dans le conflit. Dans ces conditions, la tenue des élections sera très difficile. Il est fort probable que celles-ci soient reportées de nouveau, car Abiy Ahmed n’est pas sûr des résultats. Il continuera à tergiverser à l’intérieur et à l’extérieur. Cet atermoiement émane de son incapacité à prendre une décision claire dans n’importe quel dossier. Les cartes entre les mains du gouvernement éthiopien sont très limitées. Ce dernier est dans une situation très difficile.
— Parlons du barrage de la Renaissance, comment trouvez-vous la proposition de recourir à la médiation d’un quartet international ?
— Le Soudan a une opinion publique interne qui rejette l’idée du barrage et qui trouve qu’il porte atteinte aux intérêts du Soudan. C’est ce qui a rendu les positions soudanaises plus équilibrées. Pour ce qui est de la formation du quartet, il s’agit d’une proposition soudanaise visant à élargir la base des acteurs impliqués dans le dossier, et de promouvoir leur rôle, ce qui est très important. Il n’y a pas d’autre alternative car nous avons un Etat qui fait preuve de mauvaise foi depuis 10 ans. Le rôle de ces médiateurs sera de garantir, une fois un accord conclu, l’engagement des différentes parties à mettre en oeuvre les termes de cet accord. Dans tous les cas, nous avons besoin de la présence du quartet d’une manière forte et intense. L’idée d’être pleinement ouvert à toutes sortes de médiations est une bonne chose, et je pense que ce sera l’élément décisif l
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