«
L’Egypte travaille sérieusement et avec confiance au renforcement de la dignité humaine de tous les Egyptiens, conformément à la Constitution et à une approche globale des droits de l’homme tenant en compte les priorités nationales du développement », a affirmé le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué. Publié à l’occasion de la Journée mondiale des droits de l’homme le 10 décembre, ce rapport a indiqué également que la première stratégie nationale pour les droits de l’homme à long terme «
est en cours d’élaboration ». «
L’initiative visant à préparer la première stratégie nationale à long terme pour les droits de l’homme en Egypte montre la volonté politique de donner une impulsion à ce dossier. La stratégie vise à intégrer les objectifs et principes des droits de l’homme dans le projet de développement du pays », a déclaré Sameh Choukri, ministre des Affaires étrangères, lors de la réunion du comité consultatif chargé de préparer la stratégie nationale des droits de l’homme, avant d’ajouter que «
l’Egypte ne démarre pas dans le vide. Elle dispose d’institutions nationales bien établies, d’une Constitution progressiste et d’un héritage juridique unique ».
Une approche globale des droits de l’homme, de quoi s’agit-il ? Selon Shady Mohsen, chercheur au Centre de la pensée égyptien des études stratégiques (ECSS), pour l’Egypte, la question des droits de l’homme est « une question éthique qui maintient ses limites politiques sans être politisée », et ce, d’après des déterminants fixes : prendre en compte des valeurs et des constantes de l’identité nationale égyptienne, adopter le principe de l’intégration des droits de l’homme dans les domaines du développement, suivre une approche progressive dans la mise en oeuvre des droits de l’homme, selon les priorités de développement, et de ne pas donner la priorité à un groupe de droits au détriment de l’autre, c’est-à-dire l’adoption par l’Etat des droits politiques, économiques et sociaux des citoyens.
Ces déterminants égyptiens sont basés sur deux documents de base qui sont les piliers juridiques de la Charte universelle des droits de l’homme : La Déclaration internationale des droits, entrée en vigueur en 1976, qui inclut le respect des droits politiques, économiques, sociaux et culturels, ainsi que la protection spéciale pour les groupes humanitaires vulnérables tels que les enfants, les femmes et les personnes âgées. En second lieu figure le document du Bureau des politiques de développement du Programme des Nations-Unies pour le développement pour l’année 2012 qui stipule la nécessité d’appliquer le concept d’« intégration des droits de l’homme dans les politiques de développement ».
C’est au cours de sa visite en France que le président Abdel-Fattah Al-Sissi a insisté une fois de plus sur la vision globale de l’Etat égyptien pour les droits de l’homme, qui vise à promouvoir ces droits « au sens le plus large », en soulignant que l’Egypte déploie des efforts pour faire « un équilibre entre le maintien de la sécurité et de la stabilité et la protection des droits de l’homme ». « Les efforts de l’Egypte se poursuivent pour promouvoir davantage les droits de l’homme pour tous les citoyens, sans discrimination, en consolidant le concept de citoyenneté, et en appliquant l’Etat de droit à tous sans exception en plus de moderniser la structure législative », a précisé le président lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue français, Emmanuel Macron, avant de donner les exemples de « l’approbation du règlement d’exécution de la loi réglementant la pratique du travail civil pour faciliter le travail des organisations de la société civile et pour renforcer leurs capacités organisationnelles et financières ».
Une question souvent politisée
Cependant, la résolution critique émise par le Parlement européen, le 18 décembre 2020, concernant la situation les droits de l’homme en Egypte, a suscité de fortes réactions condamnant la « politique de deux poids, deux mesures » du Parlement européen. « La décision du Parlement européen exprime des objectifs politisés, une approche déséquilibrée et comporte des informations erronées sur la vie en Egypte », a indiqué un communiqué publié par le parlement égyptien. Et d’ajouter : « La décision du Parlement européen ne convient pas au partenariat stratégique égypto-européen. Le Parlement européen ne doit pas se porter tuteur de l’Egypte, ni politiser les dossiers des droits de l’homme et les instrumentaliser à des fins politiques ou électorales ». Par ailleurs, le Sénat a affirmé son rejet complet de la résolution appelant le Parlement européen à être objectif en abordant la situation en Egypte.
Selon Ghada Helmy, experte en droits de l’homme, la communauté internationale, en particulier l’Union européenne, a salué les efforts de l’Egypte dans les domaines de la migration illégale et de la lutte antiterroriste. Cependant, « le rapport du Parlement européen n’a pas abordé ces efforts visant à maintenir la sécurité et la stabilité aux niveaux national et régional ainsi que les tentatives d’accélérer le processus de développement en Egypte même en période de coronavirus, aussi bien que les efforts de l’Etat égyptien d’améliorer la vie du citoyen égyptien », explique Ghada Helmy, en confirmant que l’Egypte n’a pas de détenus politiques, mais des prisonniers avec des procès en cours. « Le pouvoir judiciaire jouit d’une indépendance totale. En outre, tous les noms mentionnés dans le rapport sont accusés d’avoir commis des infractions pénales qui sont punies par la loi égyptienne comme par d’autres lois dans les pays du monde ».
Par ailleurs, selon l’ambassadeur Amr Helmy, ancien ministre adjoint des Affaires étrangères, les préoccupations européennes se concentrent principalement sur des « cas individuels » en matière de liberté d’expression, de prisonniers d’opinion, d’activistes ou de blogueurs. Ces questions sont exploitées d’une « manière sélective » en fonction des priorités européennes qui varient d’un pays à l’autre et qui « sont liées en premier lieu aux intérêts politiques et économiques, ainsi qu’aux arrangements régionaux et internationaux », explique Amr Helmy.
« L’Union européenne reste en grande partie incapable de traiter les cas de violations graves des droits de l’homme liées à l’occupation, à l’agression, au financement du terrorisme et à l’utilisation de mercenaires, et à toutes les violations du droit international général et humanitaire, qui s’applique notamment à deux cas principaux », ajoute-t-il. Le premier est l’échec de mettre fin aux violations israéliennes des droits de l’homme dans les Territoires occupés, et le second concerne le cas de la Turquie, car l’Union européenne n’a pas pris de position ferme sur les violations continues des droits de l’homme commises par Erdogan contre les personnes impliquées dans le coup d’Etat militaire de juillet 2016 qui a mené à l’arrestation de 292 000 personnes et 69 000 prisonniers, et plus de 130 000 personnes ont été renvoyées de leur travail.
Démarches sur plusieurs volets
En outre, selon Ghada Helmy, le communiqué du Parlement européen « a négligé d’une façon délibérée les efforts égyptiens au cours des dernières années en matière de droits de l’homme salués par plusieurs instances internationales, dont le dernier était en mars dernier, lorsque le Conseil international des droits de l’homme à Genève a adopté le rapport de l’Examen Périodique Universel (EPU) de l’Egypte dans le domaine des droits de l’homme ». L’ambassadeur Alaa Youssef, représentant permanent de l’Egypte auprès des Nations-Unies, a affirmé que l’Egypte avait accepté 87,37 % des recommandations formulées lors de la session d’examen du 13 novembre 2019. En fait, dans le cadre de sa volonté de développer une coopération constructive avec les Mécanismes des Nations-Unies relatifs aux droits de l’homme, l’Egypte a présenté en novembre son troisième rapport périodique au Mécanisme d’EPU du Conseil des droits de l’homme des Nations-Unies. Conformément aux recommandations reçues, une série de lois est en cours de révision, alors que d’autres ont été promulguées depuis 2015 pour les rendre compatibles avec tous les traités internationaux et régionaux auxquels l’Egypte a adhéré. Un comité suprême sur les droits de l’homme a été créé en 2018 pour suivre la mise en oeuvre des obligations découlant des traités internationaux, proposer la législation nécessaire et élaborer des stratégies nationales des droits de l’homme à cet égard. « Le gouvernement a pris des mesures rapides en très peu d’années pour promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales. Même s’il n’a pas réalisé toutes ses ambitions, le gouvernement a néanmoins fait de grands pas dans cette direction malgré ses ressources limitées, les défis sécuritaires, économiques et sociaux auxquels il est confronté, principalement la menace du terrorisme, la croissance rapide de la population qui dévore les fruits du développement et épuise les ressources disponibles et l’afflux de migrants et de réfugiés en raison du désordre et des difficultés économiques dans les Etats voisins », peut-on lire dans la conclusion du troisième rapport périodique soumis par l’Egypte à Genève.
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