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Les jeunes, la nouvelle élite parlementaire

Aliaa Al-Korachi, Mercredi, 16 décembre 2020

Remportant 40 sièges dans les deux chambres du parlement, le Sénat et le Conseil des députés, la Coordination des jeunes des partis et des politiciens donne l’exemple d’une expérience politique réussie qui ne cesse de gagner du terrain sur la scène politique en Egypte.

Les jeunes, la nouvelle élite parlementaire

Avec la fin du marathon électoral, un nouvel horizon pour la participation politique des jeunes s’ouvre. Sous le slogan « La politique sous une nouvelle vision », la Coordination des jeunes des partis et des politiciens (CPYP), l’une des forces représentée dans « la liste nationale unifiée pour l’Egypte » aux législatives, a remporté 28 sièges au parlement 2021. La présence de cette nouvelle entité de jeunesse sur la scène politique en Egypte ne cesse de gagner du terrain. La Coordination des jeunes a réussi à décrocher également 12 sièges au Sénat nouvellement élu. Et ce n’est pas tout : six membres de la CPYP ont été nommés vice-gouverneurs, alors que d’autres ont été sélectionnés pour devenir membres dans l’Autorité nationale de la presse. Créée en 2018 avec 16 partis, la Coordination des jeunes des partis et des politiciens regroupe aujourd’hui 26 partis et 40 jeunes de différentes idéologies politiques. Dans les locaux de la CPYP, à Garden City, « la chambre d’opération » qui était chargée de suivre le processus électoral dans les quatre coins de l’Egypte s’est convertie en des « ateliers de travail et de formation » pour préparer les nouveaux jeunes députés au travail parlementaire. « La commission d’entraînement » de la CPYP a lancé, lundi 14 décembre, ses premiers programmes de formation, donnés par d'anciens parlementaires sous le titre « Des députés au service des députés ». En parallèle, les « commissions spécialisées » de la coordination, composées de jeunes experts et de politiciens, ont été activées pour soutenir l’agenda législatif de ces nouveaux venus sous la coupole. Des groupes de travail dédiés chacun à un sujet précis ont été formés pour préparer des propositions et des projets de lois couvrant divers domaines : affaires étrangères, réforme économique, droits de l’homme, protection sociale et la formation de la main-d’oeuvre, etc.

« La victoire des jeunes de la Coordination est le fruit d’une expérience politique réussie. L’esprit d’équipe était fortement présent tout au long du processus électoral. La Coordination des partis a présenté un exemple fort de marketing politique », explique Amr Darwich, nouveau député de la CPYP. « Toute occasion d’autonomiser l’un d’entre nous est une chance pour nous tous », insiste de sa part Amira Saber, une jeune femme élue et membre depuis 7 ans au Parti social-démocrate égyptien. « La scène politique égyptienne a depuis longtemps été dominée par la polarisation, le discours de trahison et de fanatisme. L’entrée en scène de la Coordination des partis, réunissant des jeunes de tendances politiques de l’extrême droite à l’extrême gauche, a joué un rôle majeur pour changer la donne. Des vice-gouverneurs, sénateurs et parlementaires, cette expérience a porté ses fruits en déplaçant des jeunes de la catégorie de ceux qui s’intéressent aux affaires politiques à la catégorie de ceux qui élaborent et formulent des politiques et des lois », explique Saber.

Un modèle de multipartisme

Mais comment définir cette entité de jeunesse, une première de son genre en Egypte ? La CPYP a été mise en place il y a plus de deux ans pour servir de plateforme réunissant divers partis et courants politiques visant à « créer un modèle multipartite national » fondé sur des objectifs communs et des visions pour le développement de la vie politique, explique Darwich. En outre, cette Coordination des jeunes offre une nouvelle expérience dans la pratique du travail public, ouvrant des canaux de communication directe avec l’Etat et ses institutions et assurant la coordination entre les partis de la jeunesse, les responsables politiques et les jeunes indépendants intéressés par le travail public. « Dès les premiers jours, on a posé une charte de travail institutionnel et un nombre de règles pour organiser le processus de prise de décision. Celui-ci doit être basé sur certains critères comme la préservation des constantes égyptiennes, la sécurité nationale, les droits historiques et faire face aux défis et aux complots tissés par des pays hostiles à l’Egypte. Avant de se lancer dans la course électorale, les jeunes de la CPYP ont gagné beaucoup d’expériences grâce à leur participation à de nombreuses activités politiques consacrées aux jeunes », ajoute Darwich. « La CPYP présente une expérience unique dans l’action politique professionnelle », estime de son côté Abdel-Nasser Qandil, directeur du Groupe égyptien des études parlementaires.

En 2018, la coordination a participé aux cinquième et sixième Conférences nationales de la jeunesse et du Forum mondial de la jeunesse dans sa deuxième édition, au cours desquelles elle a présenté nombre de communications et de projets politiques, dont le plus important est l’école des cadres politiques, le Comité de liaison avec le pouvoir exécutif, le projet relatif à l’identité égyptienne, le Conseil national de la jeunesse, la création d’un Forum africain, un centre pour l’entreprenariat et un Forum pour le rôle de l’Euro-méditerranéen et la formation et la réhabilitation de la jeunesse africaine par le biais de l’Académie nationale de formation et de réadaptation. De même, « la coordination a joué un rôle efficace », comme l’explique Qandil, en participant au dialogue sociétal engagé sur les amendements constitutionnels au parlement et sur la loi des ONG, ainsi que dans l’élaboration de nombre de projets de lois portant, entre autres, sur l’exercice des droits politiques, la réforme économique, la lutte contre le terrorisme et les courants extrémistes, etc. Ces jeunes forment aujourd’hui ce qu’on nomme « la nouvelle élite parlementaire », explique Chadi Mohsen, spécialiste des affaires parlementaires au Centre de la pensée pour les études stratégiques, l’ECSS. « Environ 80 % des parlementaires sont de nouvelles figures dont la majorité sont des jeunes », ajoute Mohsen.

La coordination peut-elle fonctionner comme une opposition ? Selon Mahmoud Al-Qott, député de la CPYP au Sénat, « l’opposition doit être positive », c’est-à-dire démontrer que les divergences se fondent sur des enjeux réels et qu’elle peut participer à la construction de l’avenir dans une démarche commune. « Dans les stimulations de l’Etat initiées par les Conférences de la jeunesse, les jeunes de la Coordination ont joué le rôle de l’opposition dite nationale. En critiquant la performance du gouvernement dans certains secteurs, les jeunes participants ont proposé en même temps des recommandations et des solutions alternatives », précise-t-il.

Une stratégie pour la jeunesse

Le lancement de la CPYP a coïncidé avec l’intérêt grandissant de l’Etat à autonomiser les jeunes et d’injecter du sang neuf dans l’appareil administratif. L’interaction de l’Etat à cette initiative dès son départ a beaucoup contribué à faire d’elle l’une des entités les plus importantes qui expriment la voix des jeunes Egyptiens en Egypte. « L’objectif principal de la Coordination des partis de la jeunesse et des politiciens est de créer un mécanisme permettant de renforcer le rôle des jeunes dans les partis politiques, trouver des espaces communs pour le dialogue et ouvrir des canaux de communication directs avec l’Etat et ses institutions », explique Qandil. Et d’ajouter : « Parier sur le facteur de la jeunesse pour forger une nouvelle prise de conscience et préparer de jeunes cadres aptes à jouer un rôle politique correct et efficace, telle est la philosophie sur laquelle est basée la création de cette entité ».

Cet intérêt croissant de l’Etat envers les jeunes est régi par plusieurs considérations, notamment démographiques, puisque les personnes âgées de 18 à 40 ans représentent la moitié de la population. Autres enjeux stratégiques : L’Etat vise à autonomiser ces jeunes qui ont souffert de marginalisation politique pendant des décennies. « La réussite de cette expérience donne un indice important pour l’Etat égyptien de l’influence grandissante des jeunes, qui ont été la force motrice en 2011 et 2013 », ajoute Mohsen.

« Une politique sous une nouvelle vision », comment traduire donc ce slogan en lois, telle est la grande mission des jeunes parlementaires représentant cette entité sous la coupole. « La coordination regroupe de jeunes opposants, des indépendants, des partis qui cherchent à s’accaparer le pouvoir et d’autres qui veulent créer uniquement une influence sociétale et culturelle à travers les institutions politiques. La coordination doit traduire toute cette diversité », ajoute Qandil. Quant aux membres de la CPYP, hors de la coupole, ils ont une mission encore plus vaste : organiser la société civile à travers des canaux politiques, et ce, en multipliant des campagnes pour sensibiliser les gens des priorités de développement de l’Etat. « L’un des objectifs de la prochaine phase est d’élargir la participation à la coordination pour inclure un plus grand nombre de partis politiques et de jeunes politiciens indépendants pour enrichir le travail au sein de la coordination », conclut Darwich.

Les jeunes, la nouvelle élite parlementaire

*Les élections législatives dans la circonscription de Deir Mawas dans le gouvernorat de Minya à laquelle est consacré un siège ont été ajournées après que le candidat Alaa Hassanein avait obtenu un verdict selon lequel il est de son droit d’enregistrer son nom sur la liste des candidats. L’Organisme national des élections déterminera ultérieurement la date des élections dans cette circonscription pour que le nombre total des sièges sur lesquels se sont déroulées les élections devienne 568 sièges.

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