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La stratégie perdante d’Hillary Clinton dans le monde arabe

Youssef Dawod, Dimanche, 25 octobre 2020

Les fuites des e-mails d’Hillary Clinton ont révélé les stratégies américaines adoptées vis-à-vis du Moyen-Orient: une ingérence directe dans un contexte délicat via les mouvements islamistes.

La stratégie perdante d’Hillary Clinton dans le monde arabe
Selon les révélations, l'Administration Obama a soutenu les mouvements islamistes dans le monde arabe, ce qui a contibué à la déstabilisation dans certains pays. (Photo:AFP)

Lorsque le président américain, Donald Trump, a décidé, le 7 octobre, de lever le caractère secret des e-mails d’Hillary Clinton, la secrétaire d’Etat de son prédécesseur, Barack Obama, beaucoup de détails douteux ont été révélés concernant les stratégies américaines adoptées vis-à-vis du Moyen-Orient dans une période critique de son histoire, notamment le soutien direct des mouvements islamistes dans ces pays. Des secrets qui sont perçus comme étant tantôt des complots par des courants politiques dans les pays arabes concernés, tantôt un fiasco scandalisé par les Républicains américains.

Ces courriels comportent, dans un premier temps, des échanges justifiant l’implication directe des Etats-Unis dans les événements du Printemps arabe et un lien profond entre l’Administration Obama et le Qatar, qui comprenait un effort conjoint pour établir un canal médiatique et un fonds économique dédié à l’intervention dans les pays arabes. Dans un second temps, ces messages comportent un avertissement américain au ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Saoud Al-Fayçal, contre l’envoi des forces du Bouclier de la péninsule à Bahreïn en 2011, car cela pourrait provoquer une crise entre l’Amérique et l’Arabie saoudite. Cependant, la position saoudienne face aux ouragans du Printemps arabe et aux actions américaines a été publiquement montrée devant le monde lorsque le prince Saoud Al-Fayçal s’est rendu dans les pays européens, après la révolution du peuple égyptien contre le régime des Frères musulmans en juin 2013, pour confirmer le soutien de l’Arabie saoudite au choix du peuple égyptien et sa volonté d’indemniser l’Egypte pour tout dommage qu’il pourrait causer. De plus, ces courriels révèlent également qu’en juillet 2009, l’un des responsables du département d’Etat américain a rencontré de hauts responsables du Hamas, Mahmoud Al-Zahhar et Bassem Naim, pour une réunion en Suisse, une rencontre à laquelle a également participé l’ambassadeur américain aux Nations-Unies, Thomas Pickering. A la fin de la réunion, Naim a exprimé l’espoir que c’était « le début de la correction de l’injustice » qui a duré trois ans avant la réunion. Enfin, en ce qui concerne la Syrie, les messages ont montré que les Etats-Unis ont investi dans un projet mutuel avec la chaîne Al-Jazeera pour fournir des informations sur les lacunes du régime syrien, pour permettre une meilleure marge de manoeuvre à l’« opposition syrienne ».

Vision multidimensionnelle

Mais quelles sont les conclusions à tirer de cette affaire controversée ? Tout d’abord, les messages libérés ne se contentent pas uniquement d’édicter quelques directives américaines à des acteurs internes lors des vagues des soulèvements arabes, mais ils montrent aussi l’existence d’une vision multidimensionnelle qui analyse aussi les réactions et les mouvements d’autres acteurs internationaux dans les crises successives. Cela fut le cas des messages concernant la Libye, dans lesquels le document divulgué énumère 5 raisons qui ont poussé la France, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, à intervenir en Libye: un, la volonté d’obtenir une plus grande part de la production pétrolière libyenne; deux, l’augmentation de l’influence française en Afrique du Nord; trois, améliorer sa situation politique interne en assurant un rôle important à la France à l’étranger ; quatre, donner à l’armée française l’occasion de réaffirmer sa position dans le monde; et cinq, empêcher l’influence de Kadhafi dans ce que le président français considère comme « l’Afrique francophone ».

En second lieu, les implications du contenu de ces courriels franchissent les limites d’une analyse politique pure, pour combiner aussi des aspects juridiques. Cela renvoie au désir de quelques dirigeants mentionnés dans le message de poursuivre juridiquement les décideurs américains durant cette période pour compenser les dégâts matériels et moraux qu’ils ont causés (Ahmad Kaddaf Al-Dam a déclaré son intention d’internationaliser l’affaire dans les tribunes concernées). De plus, les courriels détiennent quelques hypothèses qui existaient déjà par un effet d’affirmation rétroactive. D’une part, il devient presque certain pour les partisans de la théorie du complot que leurs thèses gagnent du terrain et acquièrent des arguments indéniables, et d’autre part, les supporteurs des thèses révolutionnaires se trouvent sur la défensive. Par conséquent, cette polarisation intellectuelle se voit revitalisée, induisant à son tour des changements brusques dans le mode d’exercice du pouvoir des élites gouvernantes, vu que leurs arguments se proclament comme étant soutenus et fondés. Enfin, cette affaire suscite certainement des changements dans le comportement de vote de quelques électeurs américains, qui sont méfiants de la capacité de Joseph Biden de réappeler le modèle Clinton une autre fois dans la politique étrangère américaine à l’égard du monde arabe .

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