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Le retour du Sénat

Nada Al-Hagrassy, Mercredi, 21 octobre 2020

Nouvellement élu, le Sénat égyptien a tenu, dimanche 18 octobre, sa première séance. Son retour après sept ans d’absence est censé enrichir la vie politique.

Le retour du Sénat
Le Sénat va jouer un rôle complémentaire à celui du Conseil des députés.

La date : 18 octobre. Le lieu : siège du Conseil de la Choura, la salle historique où la Constitution de 1923 a vu le jour. L’évènement : première séance du nouveau Sénat égyptien après sept ans d’absence. « Je jure par Dieu Tout-Puissant que je ferai de mon mieux pour préserver le régime républicain, respecter la Constitution et les lois, observer pleinement les intérêts du peuple, et préserver l’indépendance, l’unité et l’intégrité de la patrie », les 300 sénateurs nouvellement élus ont prêté serment lors de cette séance inaugurale présidée d’abord par Galal Haridi, chef du Parti des gardiens de la nation, en sa qualité de sénateur le plus âgé. Après avoir prêté serment, les sénateurs sont passés à l’étape suivante : l’élection d’un président et de ses deux députés au scrutin secret. Abdel-Wahab Abdel-Razeq, président du parti Mostaqbal Watan et ancien président de la Cour constitutionnelle, a été élu sans rival président du Sénat égyptien avec 287 voix sur 300. Les sénateurs Bahaa Al-Dine Abou-Choqqa, président du parti du néo-Wafd, et Fawzy Guirguis, membre du parti d’Al-Chaab républicain, ont été élus sous-secrétaires du Sénat. « Le peuple égyptien a confié aux membres du Sénat une grande responsabilité. La construction constitutionnelle est achevée avec le retour de la deuxième chambre du parlement », a affirmé Abdel-Wahab Abdel-Razeq, avant d’annoncer la formation d’un comité spécial qui sera chargé d’ici un mois d’élaborer le règlement interne du Sénat. La séance est clôturée. La prochaine rencontre des sénateurs est prévue le 29 novembre, à 10h, après la fin des élections législatives actuellement en cours.

Une histoire mouvementée

Le Sénat a été créé conformément aux amendements constitutionnels de 2019, comme alternative au Conseil de la Choura, aboli par la Constitution de 2014. En fait, le Sénat égyptien a subi plusieurs évolutions à travers son histoire. En vertu de la Constitution de 1923, le parlement égyptien était bicaméral, c’est-à-dire qu’il se compose de deux chambres : la Chambre basse ou le Conseil des députés et le Sénat. La Chambre haute a été dissoute en 1952 avec la Révolution du 23 Juillet. Le parlement égyptien est resté une chambre unique jusqu’en 1980, date à laquelle des amendements ont été apportés à la Constitution de 1971, rétablissant la Chambre haute sous le nouveau nom de Conseil de la Choura. La Constitution de 2013 a maintenu la Chambre haute avant qu’elle ne soit à nouveau supprimée par la Constitution de 2014. Selon la loi 141 de 2020 sur le Sénat, la Chambre haute a une tâche purement consultative. Le Sénat doit exprimer son avis sur les suggestions relatives à l’amendement des textes constitutionnels, les traités relatifs à la souveraineté ou encore sur les sujets ayant trait aux politiques générales de l’Etat, alors que le pouvoir de légiférer est attribué uniquement à la Chambre des représentants.

Des élections sénatoriales ont eu lieu en août et septembre derniers. Les deux tiers des 300 membres de la chambre ont été élus en août et en septembre derniers via le scrutin individuel et le scrutin de liste fermé. Quant aux 100 sénateurs restants, ils ont été nommés 3 jours avant la première session du Sénat par le président. Ces nominations présidentielles comprennent des personnalités toutes tendances confondues : chefs de partis d’opposition, représentants de syndicats professionnels, militaires, jeunes, personnalités médiatiques, cinéma, secteur de l’éducation, ainsi que des personnalités publiques. La deuxième chambre du parlement comprend 40 femmes : 20 élues et 20 nommées par le président. Le président Abdel-Fattah Al-Sissi a amélioré la représentation de la femme au Sénat, en doublant le nombre de femmes nommées, de 10 à 20. Dans un communiqué, Maya Morsi, présidente du Conseil National de la Femme (CNF), a affirmé que « cette décision reflète la confiance dans les capacités de la femme égyptienne et l’importance de son rôle dans l’enrichissement de la vie politique ».

Quant à la composition politique de la Chambre haute, le parti Moustaqbal Watan a remporté 147 sièges (74 %), les indépendants viennent ensuite avec 85 sièges. Le Parti républicain du peuple a 19 sièges, suivi du parti du néo-Wafd avec 11 sièges, les Gardiens de la nation avec 10 sièges, le Tagammoe (Rassemblement) avec 4 sièges et l’Egypte moderne avec 4 sièges. Le Parti socialiste démocratique égyptien, le Parti de la réforme et du développement et le Parti du mouvement national ont chacun 3 sièges. Le parti salafiste d’Al-Nour a 2 sièges.

Un rôle complémentaire

A quoi sert donc une deuxième chambre parlementaire ? Selon les observateurs, le Sénat va jouer un rôle complémentaire à celui du Conseil des députés. L’expérience de ces dernières années a révélé l’importance de la création d’une deuxième chambre parlementaire en vue de soutenir la Chambre basse et l’aider à achever l’agenda législatif. « L’agenda législatif est chargé et il y a des projets de lois qui nécessitent une étude approfondie avant leur promulgation, ce qui exige le retour de la seconde chambre pour alléger le fardeau qui pèse sur le Conseil des députés », explique la députée Marguerite Azer. Avis partagé par Abdallah Moghazi, professeur de droit constitutionnel à l’Université du Caire, qui explique la différence entre le Conseil de la Choura aboli en 2014 et le Sénat 2020 dans sa nouvelle forme. « Le renouvellement partiel du Conseil consultatif se déroulait tous les trois ans. Une période relativement courte pour mener à bout des études approfondies et d’observer leur application. Le résultat a été que les études menées par les experts du Conseil consultatif sont restées lettre morte. C’est pourquoi on n’a pas ressenti l’importance du Conseil consultatif », explique Moghazi. Et d’ajouter : « En revanche, le Sénat de 2020 se renouvelle tous les cinq ans, une durée jugée suffisante pour mener des études et trouver des solutions ». Le Sénat apportera une contribution significative à la vie politique, ajoute Moghazi, avant de conclure : « Je pense qu’avec le temps, le Sénat se verra accorder de plus grands pouvoirs législatifs et de surveillance qui aideront à créer un système bicaméral fort en Egypte ».

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