90 000
feddans. C’est le volume de terres agricoles érodées depuis 2011 à cause des empiétements et des constructions sans permis, et qui équivaut à 12 % de la superficie cultivée. Une vaste campagne est actuellement lancée pour lutter contre les empiétements sur les terrains dans les quatre coins de l’Egypte. Cette campagne s’inscrit, en fait, dans une stratégie globale à plusieurs volets ayant comme objectif de relever «
les défis de la production agricole », et «
maximiser les avantages préférentiels du secteur agricole » qui fournit environ 55 % des besoins alimentaires du pays. Et ce, à travers une extension horizontale des superficies cultivées, et une verticale en améliorant la productivité par
feddan.
L’agriculture est un secteur-clé de l’économie égyptienne, qui contribue à 14 % du PIB et représente 28 % de la main-d’oeuvre et 20 % des exportations. De plus, l’importance de ce secteur réside dans le fait qu’il assume la fourniture des matières premières nécessaires à de nombreuses industries comme les engrais chimiques, la filature, le tissage et les industries alimentaires. Outre le Covid-19, la sécurité alimentaire affronte d’autres enjeux liés à la superficie agricole limitée, la croissance démographique accrue et la nécessité de fournir des ressources en eau supplémentaires. Pour soutenir l’économie et la sécurité alimentaire, l’Egypte multiplie les démarches sur plusieurs fronts.
Conquérir de nouveaux marchés
Malgré la perturbation économique causée par la pandémie, les exportations agricoles égyptiennes sont devenues l’une des plus importantes sources de devises au moment où d’autres secteurs économiques en Egypte, comme dans le monde entier, ont été fortement influencés. « La stratégie agricole de l’Egypte repose également sur l’expansion et la diversification des produits, en particulier les fruits et légumes, destinés à l’exportation, car dans ce domaine, l’Egypte possède un avantage concurrentiel sur les marchés internationaux », explique Gamal Seyam, expert en économie agricole. Selon le dernier communiqué du ministère de l’Agriculture, le volume des exportations de produits agricoles a atteint 4,45 millions de tonnes depuis le début de l’année. Les agrumes occupent le premier rang des exportations des produits agricoles du pays avec 1,39 million de tonnes, suivis des pommes de terre et de l’oignon avec respectivement 675118 et 302450 tonnes. Les fraises viennent en quatrième position avec environ 20 761 tonnes, tandis que les exportations des raisins s’élèvent à 33 252 tonnes.
L’Egypte est aujourd’hui classée au septième rang sur la liste des plus grands exportateurs des produits agricoles au niveau du monde au cours des cinq premiers mois de 2020. Selon les chiffres du ministère de l’Agriculture, 305 produits agricoles égyptiens se trouvent sur les marchés de 160 pays. Au cours de cette période, l’Egypte a pu battre l’Espagne et devenir le premier exportateur mondial d’agrumes. De même, elle a commencé à exporter des dattes vers l’Australie, des oranges vers la Nouvelle-Zélande, des agrumes vers le Brésil et des pommes de terre vers l’île Maurice. Selon Ahmed Al-Attar, chef de l’Administration centrale de la quarantaine agricole au ministère de l’Agriculture, « dans le cadre des efforts visant à augmenter les exportations agricoles, l’Administration de la quarantaine agricole applique avec fermeté les systèmes de contrôle et de traçabilité qu’exigent les normes dans les phases de culture, de production, de conditionnement et d’exportation. Malgré le Covid-19, les exportations agricoles ont réussi à pénétrer 10 nouveaux marchés » (lire l’entretien page 3). Le département de la quarantaine joue donc un double rôle, celui de protéger la richesse agricole égyptienne contre toute maladie qui peut lui être transmise à travers les produits importés et celui de protéger la réputation des exportations agricoles égyptiennes, en exportant des produits conformes aux normes internationales et aux normes des pays importateurs.
« Le maintien de la bonne réputation des produits égyptiens est essentiel pour la croissance des exportations. C’est pourquoi, pour atténuer l’impact de la crise du coronavirus sur les exportations agricoles, le ministère de l’Agriculture doit intensifier les campagnes de sensibilisation pour informer les agriculteurs des normes internationales d’exportation en temps de pandémie, par le biais des systèmes de vulgarisation agricole ou par les médias. Et prendre des mesures punitives contraignantes à l’encontre des entreprises exportatrices qui ne respectent pas les normes identifiées par l’Egypte pour assurer la qualité de ses exportations », souligne Seyam.
Protéger les terrains agricoles
Réduire les pertes de terrains agricoles, un autre défi majeur. « L’empiétement sur les terres agricoles est aussi dangereux que les effets qui pourraient être provoqués par le barrage de la Renaissance », a sonné l’alarme le président Abdel-Fattah Al-Sissi. Parmi les défis agricoles figurent la construction aléatoire et ses multiples facettes, soit qu’il s’agisse de construction non planifiée, d’empiétement sur des terres agricoles ou de saisies des biens de l’Etat. Près de 2 millions de cas d’agression sur les terres agricoles ont été enregistrés depuis 1980. « Faire face à la construction sur des terres agricoles est une responsabilité conjointe : nous devons tous ne pas le permettre. L’érosion des terres agricoles due aux constructions illégales est catastrophique à tous les égards », a déclaré Moustapha Madbouli, le premier ministre, en ajoutant : « L’Egypte a perdu 400 000 feddans de terrains agricoles en 40 ans, dont 90 000 depuis 2011. L’alternative aux terrains disparus était de recourir au désert, notant que le coût de bonification est entre 150 000 et 200 000 L.E./feddan pour le convertir en terre arable ». L’Etat a donc besoin de plus de 18 milliards de L.E. pour pouvoir récupérer ces terrains disparus. La date butoir pour le règlement à l’amiable a été fixée à fin septembre.
Après cette date, les bâtiments construits illégalement seront démolis immédiatement. « Le coût économique de l’empiétement sur les terres agricoles est aussi lourd pour plusieurs raisons : il entraîne une hausse des prix des produits agricoles, alourdit la facture d’exportations et retarde les programmes d’autosuffisance de certains produits alimentaires », précise Bassent Gamal, chercheuse au ECSS. Selon Seyam, « l’expansion urbaine sur les terres agricoles est l’un des phénomènes les plus dangereux qui menace la sécurité alimentaire en Egypte. L’ampleur du problème réside dans le fait que la superficie cultivée représente moins de 4 % de la superficie totale de l’Egypte, soit 10,5 millions de feddans. En outre, il est difficile de compenser la fertilité de ces terres disparues, formée il y a 20 millions d’années ».
En 1882, la population en Egypte comptait environ 6,8 millions d’habitants. Depuis, alors que la superficie des terres agricoles a doublé, la population, elle, a été multipliée par 16,6. Selon Hussein Abou-Sadam, président du syndicat des Agriculteurs, « il faut bien identifier les limites entre les terres destinées à la culture et celles destinées à l’urbanisme. Car cette ligne de démarcation est quasi absente dans les petits villages. Et c’est là que réside le problème ». Ainsi, pour faire face à ces problèmes, les appareils concernés doivent trouver des alternatives, précise Seyam. « Fournir aux agriculteurs un quota subventionné de produits pétroliers, à l’instar des engrais subventionnés, pourrait encourager les petits agriculteurs à poursuivre la culture de leurs terres. Il est aussi indispensable de mener des campagnes de sensibilisation pour se débarrasser de fausses croyances, s’agissant de la nécessité de développer des regroupements familiaux dans la même zone résidentielle et propager, en revanche, la culture de location dans les zones rurales », explique Seyam.
La carte à puce, un pas vers l’agriculture numérique ?
Mécaniser le secteur agricole est un autre volet visant à préserver la superficie des terres agricoles et aider l’Etat à formuler des politiques agricoles. Le 17 septembre, la troisième phase de « la carte à puce de l’agriculteur » a été lancée dans six gouvernorats, à savoir Fayoum, Ménoufiya, Qalioubiya, Guiza, Louqsor et Daqahliya. Les objectifs de ce projet sont multiples: créer une base de données numériques des possessions agricoles pour déterminer la production et détecter immédiatement les empiétements sur les terres agricoles et ce, après avoir lié « la possession électronique des terrains » à la carte d’identité nationale des agriculteurs. Ce système vise également à faciliter le processus de distribution des services et des subventions agricoles pour les agriculteurs comme les semences, les engrais et les pesticides, et à réaliser un inventaire des produits cultivés à chaque saison agricole. Les cartes distribuées au cours de la première et la deuxième phases, couvrant six gouvernorats, Gharbiya, Port-Saïd, Charqiya, Béheira, Assiout et Sohag, ont été déjà activées. Quant à la quatrième et la dernière phase, elle devrait prendre fin avant début janvier 2021. « Généraliser l’utilisation de cette application sera certes une étape importante vers la transformation numérique du secteur agricole. Cependant, le grand défi de ce système réside dans le fait de préparer les agriculteurs à s’adapter à cette nouvelle réalité », conclut Bassent Gamal.
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