«
#Egypte_100_ millions_militaires ». Tel est le nom du hashtag répandu sur Twitter, lancé après le feu vert donnée le 20 juillet par le parlement pour l’envoi «
d’éléments de l’armée égyptienne dans des missions de combat hors des frontières » pour défendre la sécurité nationale contre «
les milices armées » et «
les éléments terroristes étrangers ». Ce hashtag vise à apporter un plus grand soutien aux forces armées dans leur combat contre le terrorisme. «
Tout comme la génération de la révolution de Juillet, la génération actuelle affronte des défis que l’Egypte n’a jamais connus tout au long de son histoire contemporaine. Ce qui nécessite notre alignement national », a déclaré le président Abdel-Fattah Al-Sissi, lors de son discours à l’occasion de la commémoration de la Révolution du 23 Juillet, intervenu à la veille d’une attaque terroriste avortée contre un point de sécurité dans le Sinaï du Nord. «
18 takfiris ont été tués dans un attentat raté contre un poste de contrôle dans la région de Bir Al-Abd au Sinaï du Nord. Des takfiris avaient tenté d’attaquer le poste de contrôle, à Bir Al- Abd, à bord de 4 véhicules, mais les forces qui s’y trouvaient ont réussi, avec l’aide des forces de l’air, à les pourchasser dans l’une des fermes et des maisons non habitées et à abattre 18 éléments takfiris, dont un portant une ceinture explosive, et à détruire les quatre véhicules dont 3 étaient piégés », a indiqué le porte-parole militaire dans un communiqué. «
Deux héros des forces armées sont tombés en martyrs alors que 4 autres ont été blessés », a ajouté le communiqué.
« En Egypte, la lutte contre le terrorisme a considérablement évolué pour passer de la phase de défense et de confrontation à la poursuite des éléments terroristes », explique Khaled Okacha, expert stratégique, avant d’ajouter que « l’opération de Sinaï 2018 a réussi à assécher les ressources de financement des groupes terroristes et démanteler les infrastructures et leurs stocks d’armes. En plus, l’Egypte est sortie, fin 2019, de la liste des dix pays les plus touchés par le terrorisme ». Selon beaucoup d’observateurs, il existe un lien évident entre les deux fronts de l’est et l’ouest. « L’attentat de Bir Al-Abd vise à détourner l’attention sur ce qui se passe en Libye. Par ailleurs, il tire la sonnette d’alarme que la transformation du territoire libyen en un terreau pour les mercenaires et milices terroristes aura des répercussions graves sur la sécurité régionale », estime Tareq Fahmi, politologue.
En fait, la frontière égypto-libyenne, longue de 1 200 km, est une source de préoccupation majeure pour Le Caire depuis la chute du régime de Kadhafi. Au fil des années, de nombreux attentats ont été commis par des combattants terroristes infiltrés sur le sol égyptien par cette frontière terrestre. Le 16 février 2015, l’armée de l’air égyptienne avait bombardé des positions de Daech à Derna au lendemain de la diffusion d’une vidéo atroce montrant la décapitation horrible de 21 Egyptiens coptes travaillant dans la ville de Syrte. « Au cours des six ans passés, les forces de sécurité ont détruit 10 000 véhicules de type 4x4 transportant des terroristes à la frontière ouest avec la Libye », a dévoilé, la semaine dernière, Bassam Radi, porte-parole de la présidence.
Or, la situation sécuritaire s’est davantage compliquée en Libye après l’intervention militaire directe de la Turquie. Depuis la signature de l’accord sécuritaire entre Ankara avec le Gouvernement d’union nationale (GNA) de Fayez Al-Sarraj en décembre 2019, l’afflux de mercenaires, d’experts turcs et d’équipements militaires avancés en provenance de la Turquie ne s’interrompt pas. « Ankara a envoyé de 7 000 à 15 000 combattants syriens et mercenaires en Libye », a déclaré cette semaine le Comité des sanctions des Nations-Unies. Un autre rapport publié par le Pentagone américain a révélé que la Turquie avait envoyé entre 3 500 et 3 800 chasseurs payés de la Syrie à la Libye au cours des trois premiers mois de 2020. Ce rapport trimestriel, qui traite des opérations antiterroristes en Afrique, a mis en évidence que la Turquie a payé et offert la citoyenneté turque à des milliers de mercenaires syriens qui combattent en Libye en faveur de la GNA. Selon Ahmad Kamel Al-Béheiri, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, Erdogan veut réinstaller les combattants revenant des zones de conflit en Syrie, en Iraq, en Somalie et au Sahel comme outil de pression sur l’Egypte et l’Europe. En outre, « L’implantation de ces terroristes en Libye risque de créer une sorte de liaison géographique à travers le désert libyen entre les différents groupes terroristes de la région », ajoute Al-Béheiri. La question qui se pose alors en cas de paix ou de guerre : quel sera le sort de ces combattants étrangers sur le sol libyen ?
Conséquences régionales
Selon l’Observatoire Syrien des Droits de l’Hommes (OSDH), les services de renseignement turcs ont transféré 2 500 membres de Daech de nationalité tunisienne de la Syrie pour rejoindre les rangs des milices de GNA. Le ministère tunisien de la Défense a lancé, le 22 juillet, une alerte rouge à toutes les forces armées et de contrôle des frontières de la région, après le démantèlement d’une cellule terroriste de 5 personnes appelées « Les Loups solitaires » sur les réseaux sociaux. « Ces Tunisiens qui reviennent de Daech ne retourneront certainement pas d’où ils sont venus en Syrie. Ils ne resteront non plus en Libye, même si le conflit s’y poursuit. Ils retourneront certainement dans leur pays et pourront mener des opérations terroristes sur le sol tunisien », souligne Al-Béheiri. Ahmad Al-Mesmari, porteparole de l’Armée Nationale Libyenne (ANL), a révélé que la Turquie avait ouvert une route de contrebande pour le transfert des mercenaires syriens à travers la Méditerranée vers l’Europe. Environ 1 000 Syriens ont fui via Zuwara et Al- Sabratah, sous le contrôle de GNA vers l’Europe la semaine dernière. C’est pourquoi l’Egypte a tracé, le 20 juin, la ligne Syrte-Al-Jufra comme une ligne rouge qui ne doit pas être franchie, comme l’explique Hicham Al-Halabi, expert stratégique « pour empêcher la Turquie et ses milices terroristes d’étendre sa présence militaire dans cette région d’une grande importance stratégique et à environ 90 km des frontières égyptiennes ». « Tout groupe terroriste pourrait facilement parcourir cette distance par voiture en seulement 11 heures, ce qui signifie la possibilité de mener rapidement des opérations terroristes à la frontière égyptienne », ajoute Halabi.
Démarches diplomatiques et militaires
Pour contenir cette menace terroriste qui se forme sur ses frontières, l’Egypte s’active sur deux fronts en parallèle : mobiliser tous ses canaux diplomatiques et renforcer les préparatifs pour une éventuelle opération militaire. Le Caire est en contact permanent avec les acteurs internationaux et régionaux en Libye pour éviter une escalade. « Seuls un cessez-le-feu et un règlement politique négocié permettront de rétablir la paix et la stabilité en Libye », a affirmé le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Choukri, lors d’une série de communications téléphoniques effectuées le 24 juillet avec Josep Borrel, le Haut représentant pour les Affaires étrangères européennes, et ses pairs italien, grec, maltais et chinois. « Nous refusons la tentative de la Turquie de s’étendre en Libye. Une solution militaire en Libye serait le dernier recours de l’Egypte pour sauvegarder sa sécurité », a annoncé Choukri, lors de deux autres appels téléphoniques avec ses homologues français et allemand respectivement, Jean-Yves Le Drian et Heiko Maas. Par ailleurs, dans les eaux de la Méditerranée, les forces navales égyptiennes et françaises ont mené, le 26 juillet, des exercices militaires conjoints, et ce, avec la participation des frégates égyptienne « Tahia Masr » et française « Aconit ». Ces exercices, qui s’inscrivent dans le cadre de la coopération entre les forces armées égyptiennes et françaises, se sont concentrés sur les méthodes d’organisation de la coopération pour mettre en oeuvre des missions de combat contre des formations navales hostiles ainsi que sur l’engagement avec des cibles de surface et aériennes, a annoncé le porte-parole des forces armées égyptiennes. Pour sa part, l’ANL a annoncé le déploiement d’un système de défense antimissile autour de Syrte en prévision de repousser toute attaque. Sur son compte Twitter, Al-Mesmari a publié, 25 juillet, une vidéo d’un groupe de mercenaires syriens à bord du vol de la compagnie libyenne Afriqiyah Airways en direction de Misrata. « Les messages envoyés par la Turquie sont jusqu’à présent négatifs. Erdogan continue d’envoyer de nouveaux lots de mercenaires syriens à Misrata défiant les appels internationaux à la désescalade et au cessezle- feu », a tweeté Mesmari, avant d’ajouter qu’« Ankara s’étend en Libye au vu et au su de tout le monde ».
Lien court: