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Une guerre sur deux fronts

Aliaa Al-Korachi et Ola Hamdi, Lundi, 11 mai 2020

Face à cet ennemi invisible, le Covid-19, la lutte se poursuit dans deux sens : atténuer les pertes économiques et renforcer la capacité du système de la santé. La responsabilité individuelle reste l’enjeu majeur pour ralentir la propagation du virus.

Une guerre sur deux fronts

Economie et santé, même bataille. Mise en place depuis le 24 mars, dans le cadre d’une série de mesures visant à freiner la propagation du virus, l’interdiction de circuler nocturne a été une nouvelle fois prolongée, alors que le compteur des cas tourne encore, s’approchant de la barre de 10 000 cas. « Si la production tarde à retrouver ses niveaux d’avant la crise, nous serons obligés à un certain moment de prendre des mesures plus strictes pour atténuer les pertes économiques », a déclaré le premier ministre, Moustapha Madbouli, le 7 mai, avant d’annoncer la poursuite, jusqu’à la fin du mois de mai, de l’application des mesures préventives annoncées au début du mois du Ramadan. Selon Madbouli, le gouvernement n’était pas favorable « au scénario d’un lockdown total » ayant provoqué l’effondrement rapide des économies de certains pays du monde et la disparition des biens de première nécessité. « Depuis le début de la crise du Covid-19, l’Egypte a opté pour une politique équilibrée : préservation de la santé du citoyen et maintien de la relance de l’économie », a-t-il ajouté. « L’Egypte a réussi, pendant la dernière période, à gérer calmement les conséquences du nouveau coronavirus à travers l’adoption de politiques qui ne font pas ressentir les effets de cette crise au citoyen », a déclaré pour sa part le ministre des Finances, Mohamad Maeit, avant de jeter la lumière sur certains chiffres ayant trait aux deux derniers mois et demi : « Nous aspirions à atteindre un taux de croissance de 6%, mais ce qui a été réalisé est de 4,2%, il existe donc une baisse du taux de croissance de 1,8 % ».

Une guerre sur deux fronts

Le 11 mai, lors de sa rencontre avec le premier ministre, le ministre des Finances et les deux vice-ministres des Finances pour les politiques financières et la trésorerie publiques, le président Abdel-Fattah Al-Sissi a ordonné de suivre minutieusement les conséquences économiques de la crise du coronavirus dans l’objectif de « préserver les réalisations résultant du programme de réforme économique, y compris le maintien de la stabilité des politiques financières et d’une trajectoire économique sûre de l’Etat ». Concernant l’évaluation actualisée de la gestion de la situation financière jusqu’à la fin de l’exercice en cours, le 30 juin 2020, le ministre des Finances a insisté sur la résilience de la situation financière et économique du pays à ce jour, ainsi que sa capacité à faire face aux défis économiques et aux répercussions du coronavirus. Pourtant, l’Egypte pourrait recourir à des « mesures d’austérité » si les retombées de la pandémie se prolongeaient avec le nouvel exercice budgétaire, qui commencera en juillet. Ces mesures d’austérité potentielles, selon Maeit, comprennent notamment la révision ou l’annulation des dépenses dans le nouveau budget afin de garantir la capacité du gouvernement à remplir ses obligations.

Selon les dernières estimations, il est prévu que la fin de l’exercice 2019-2020 témoigne d’une baisse de l’excédent budgétaire primaire de 2 à 1,5% du PIB et d’une augmentation du déficit budgétaire de 7,2 à 7,9% du PIB. Par ailleurs, le ratio de la dette publique par rapport au PIB pourrait atteindre 85 %.

Covid-19, que disent les chiffres ?

Du côté santé, que disent les chiffres? La deuxième semaine du Ramadan a connu plusieurs bonds consécutifs et sans précédent du bilan quotidien des cas de Covid-19. Le ministère de la Santé a enregistré, dimanche 11 mai, 436 nouveaux cas du nouveau coronavirus, et 11 nouveaux décès, portant les chiffres totaux à 9 400 infections et 525 décès. Par ailleurs, 73 patients atteints du Covid-19 ont été complètement guéris et ont quitté l’hôpital, portant à 2075 le nombre total de cas rétablis. Depuis l’apparition du premier cas en février, la suite numérique des cas a pu conserver une certaine stabilité, enregistrant moins de 10 personnes par jour, avant de passer vers la fin du mois d’avril à plus de 200 cas par jour, et près de 500 cas début mai.

Avec cette évolution, une question s’impose: l’épidémie du coronavirus a-t-elle atteint son pic? Selon Hala Zayed, ministre de la Santé, cette augmentation risque de mettre à rude épreuve le secteur de la santé et impacter l’économie. La ministre a attribué la raison de cette hausse des chiffres aux comportements irresponsables des citoyens. « Peu importe quand l’interdiction de circuler commence, ce qui compte, ce sont nos comportements tout au long de la journée », a-t-elle déclaré.

A savoir, les différentes phases d’épidémie sont: une phase ascendante, une phase de plateau, puis une baisse. Le pic de l’épidémie est à la jonction de la phase de plateau et de celle de la baisse. Il correspond au moment où le nombre de malades commence à diminuer. Pourtant, on ne pourra le fixer précisément qu’une fois il aura passé. Selon Amjad Al-Hadad, directeur du centre d’allergie et d’immunologie à l’Institut de vaccination, « si les cases consacrées aux cas guéris et celles dont les résultats sont passés de positifs en négatifs démontrent des chiffres rassurants et nous donnent beaucoup d’espoir, le nombre de nouvelles contaminations reste préoccupant. Il indique que nous sommes au début du point culminant ou le pic, qui est une étape difficile dans laquelle la courbe épidémique remonte considérablement avant de s’infléchir de nouveau ».

En outre, pour Al-Hadad, les deux semaines à venir sont décisives. Ils détermineront si on va témoigner d'« un pic temporaire ou d'un pic prolongé », d’autant plus que « nous ferons face dans la période à venir à un défi majeur : celui de Aïd Al-Fitr ». Selon la tradition, les familles égyptiennes ont la coutume de se rassembler, et pour éviter de tels rassemblements, propose Al-Hadad, « des mesures strictes doivent être prises comme lors de la fête de Cham Al-Nessim », lorsque le gouvernement a imposé de sévères restrictions aux déplacements tout au long de ce jour férié. Les transports en commun ont été fermés ainsi que les magasins, tout comme les centres commerciaux, les plages, les parcs et les jardins publics.

En fait, face à l’augmentation des chiffres, l’Etat a élaboré un plan qui prévoit d’accroître l’efficacité de 35 hôpitaux de maladies infectieuses dans différents gouvernorats. Il comporte également la préparation des résidences universitaires et de jeunesse au Caire et dans les gouvernorats pour accueillir les cas de coronavirus. Les travaux de développement des hôpitaux se feraient en trois étapes, à savoir l’amélioration des services offerts, la fourniture d’appareils de respiration artificielle et la formation d’équipes médicales à la lutte contre la contamination et aux protocoles de traitement.

Parallèlement, l’Egypte a mené le plus grand nombre d’essais cliniques au Moyen-Orient et en Afrique dans le but d’aider à trouver un traitement contre le nouveau coronavirus. « L’Egypte a mené 22 essais sur un total de 30 réalisés en Afrique et 44 dans les pays du Moyen-Orient », a précisé Khaled Abdel-Ghaffar, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique.

D’un autre côté, le pays s’apprête à recevoir dans les jours à venir un lot du médicament « Remdésivir », approuvé par l’Administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments (FDA) dans le cadre des nouveaux protocoles de traitement du coronavirus.

Le rôle des citoyens

Le plus grand enjeu est aujourd’hui celui de la prise de conscience des citoyens, afin de traverser cette crise avec un minimum de pertes, que ce soit au niveau de la santé ou de l’économie. « Le citoyen est partenaire avec le gouvernement dans la lutte anti-virus », a insisté le ministre d’Etat pour l’Information, Ossama Heikal. Le ministre a appelé les médias à sensibiliser les citoyens aux risques économiques qu’ils peuvent encourir, afin que « chaque individu puisse assumer ses responsabilités ». « Le citoyen doit assumer ses responsabilités, surtout que la crise est sanitaire et non pas sécuritaire ou politique. L’interdiction de circuler est une décision prise pour l’intérêt des citoyens », a ajouté Heikal. Par ailleurs, Amjad Al-Hadad souligne « qu’en attendant un vaccin, le port de masque doit être obligatoire partout dans les rues, les moyens de transport, les usines et dans les commerces. Chacun devant se considérer comme potentiellement porteur du virus et contagieux, même quand il se sent en bonne santé ».

Pour sa part, Mohamad Al-Amri président de la commission de la santé au parlement, a dévoilé que les modifications liées à la loi n° 137 de 1958 concernant la prévention des maladies épidémiques ont été transférées au conseil de l’Etat pour les approuver. Ces modifications visent à « autoriser au ministère de la Santé à rendre obligatoire le port du masque et imposer d’autres mesures préventives aux citoyens à l’extérieur du domicile si nécessaire », explique Al-Amri. La loi modifiée prévoit également d’infliger aux citoyens qui refusent de porter des masques une amende qui va de 300 à 5000 L.E.

Reste à savoir comment se fera la nouvelle phase de coexistence qui doit commencer en juin. A ce sujet, Nader Saad, porte-parole du Conseil des ministres, a déclaré « qu’un ensemble de procédures et d’exigences qui doivent être appliqués dans les différentes activités, que ce soit dans des lieux fermés ou ouverts, sera annoncé à la fin du mois du Ramadan ».

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