Ramadan 2020. Un Ramadan pas comme les autres. Pour freiner la propagation du Covid-19 qui a causé la mort de plus de 165 000 personnes dans le monde, les Egyptiens, comme les musulmans de différentes nationalités, doivent se préparer à vivre autrement ce mois béni. Marqué en temps normal par des moments de rassemblements, ce mois, qui doit débuter le 24 avril, intervient alors que le mot d’ordre est le confinement. Dans le cadre du plan national de lutte anti-coronavirus, l’Egypte a décidé d’interdire tout rassemblement religieux : prière des tarawih, ietikaf (retraite spirituelle) et table de charité, des rites qui risquent de faire exploser les compteurs des cas confirmés. Jusqu’au dimanche 19 avril, l’Egypte comptait 3 144 cas confirmés, 239 décès et 732 guérisons.
Ramadan et confinement, quel impact sur les chiffres ? Selon Nader Saad, porte-parole du Conseil des ministres, ce mois pourrait aider à renforcer le mécanisme de distanciation sociale en Egypte. « Nous espérons pouvoir profiter de la nature du mois de Ramadan pour réduire le nombre des nouvelles contaminations du Covid-19, puisque les déplacements durant la journée sont généralement réduits et qu’il est fort probable que l’interdiction de circuler nocturne soit maintenue tout au long du Ramadan », a précisé Saad avant de préciser que « le comité de gestion de la crise du coronavirus devra fixer ce jeudi 23 avril les nouveaux horaires de l’interdiction de circulation », une interdiction instaurée le 25 mars et prolongée jusqu’au 23 avril, de 20h jusqu’à 6h.
Pour le Ramadan, connu pour être le mois de surconsommation, le ministère de l’Approvisionnement a émis des instructions de prévention aux différents commerces afin d’organiser les ventes tout en respectant les consignes de distanciation sociale : réduire de 25 % le nombre de clients à l’intérieur des magasins pour éviter l’encombrement, consacrer des places d’attente « civilisées et bien aérées » et donner la priorité à l’entrée aux personnes âgées et handicapées. Le gouvernement entend également lancer un service de vente en ligne au cours du Ramadan. En effet, selon Ayman Hossam El-Din, ministre adjoint de l’Approvisionnement et du Commerce intérieur, le ministère a convenu, avec un certain nombre d’entreprises de commerce électronique, d’offrir sur leurs sites les produits d’ordinaire mis en vente lors de l’expovente « Bienvenue Ramadan », organisée chaque année par le gouvernement, avec les réductions décidées par le ministère et variant entre 25 et 30 %. Outre le commerce électronique, environ 1 800 points de vente, au sein de certains hypermarchés et supermarchés, remplaceront la traditionnelle exposition « Bienvenue Ramadan ».
Des stocks en quantité
En fait, en parallèle à la gestion de la crise sanitaire, et au moment où les craintes mondiales liées à l’insécurité alimentaire s’intensifient, l’Egypte multiplie les efforts pour renforcer sa sécurité alimentaire et maintenir les chaînes d’approvisionnent, en particulier pendant le mois du Ramadan. Pour atteindre cet objectif, un plan d’action en plusieurs volets a été posé dès le début de la crise : assurer l’approvisionnement en produits de base en quantités suffisantes et à prix appropriés, accroître les réserves stratégiques, contrôler les marchés et lutter contre les pratiques monopolistiques. « Il ne faut pas paniquer. Tous les produits sont disponibles en abondance. Les stocks des denrées alimentaires de base sont suffisants pour une durée de 4 à 6 mois », a assuré le ministre de l’Approvisionnement et du Commerce intérieur, Ali Mosselhi, avant d’étaler la durée estimée de réserves de certaines denrées.
Le stock stratégique de sucre est suffisant pour une durée maximum de 6 mois, 5 mois pour l’huile, le riz et les pâtes, et 3 mois pour la viande et la volaille congelées. Concernant le blé, la récolte de cette denrée très stratégique a commencé déjà à la mi-avril. « On s’attend à ce que la production du blé cette année soit plus élevée par rapport à l’année précédente. Puisque la superficie cultivée en blé a atteint cette année 3,4 millions d’acres contre 3,1 millions d’acres en 2019, il est prévu donc d’obtenir 3,6 millions de tonnes qui seront suffisantes pour plus de 4-5 mois, et nous avons déjà un crédit suffisant pour 7 ou 8 mois », a précisé Mosselhi, avant de souligner que le stock de blé a connu encore une augmentation considérable après avoir importé 800 000 tonnes, soit un mois de plus.
Par ailleurs, la ministre du Commerce et de l’Industrie, Nevine Jameh, a récemment décidé de cesser d’exporter toutes sortes de légumineuses pour une période de 3 mois. Cette décision s’inscrit dans le cadre des mesures de précaution prises pour faire face aux répercussions de la propagation du nouveau coronavirus et le plan national visant à assurer la disponibilité des produits de base pour les citoyens.
Afin d’augmenter la capacité de réserves des produits de base, le ministère de l’Approvisionnement a lancé, samedi 18 avril, le projet national pour la construction de gros entrepôts stratégiques dans 7 gouvernorats avec un coût de 21 milliards de L.E. La création de ces entrepôts vise à sécuriser et à augmenter le stock stratégique des produits de base tout au long de l’année, tels que la viande, la volaille et le blé pour couvrir une période de 8 à 9 mois, par rapport aux niveaux actuels couvrant une période allant de 4 à 6 mois.
Stratégie à moyen et long termes
La mise en oeuvre de tels projets stratégiques s’inscrit également dans une stratégie plus large de développement de sécurité alimentaire entreprise depuis plus de 6 ans. « L’Egypte dispose d’une infrastructure solide pour la sécurité alimentaire. Elle ne souffre pas de pénurie actuelle et ne risque pas de pénurie future. Et ce, grâce aux mesures proactives prises depuis 2014 et le lancement des projets nationaux, notamment dans le secteur agricole. L’Egypte possède le plus grand nombre de serres au monde, de fermes piscicoles et de complexes de production animale », explique Sayed Khalifa, président du syndicat des Agriculteurs.
Par ailleurs, le ministère de la Planification et du Développement économique a publié la semaine dernière un rapport sur les efforts de l’Egypte pour mettre en oeuvre le deuxième objectif de développement durable de « faim zéro ». Dans ce contexte, Hala Al-Saïd, ministre de la Planification, a déclaré que le programme de développement agricole pour la période 2017- 2022, qui est le principal moteur de la réalisation des objectifs de la stratégie de développement agricole durable 2030, se repose sur trois piliers : amélioration de la productivité agricole, augmentation du niveau de sécurité alimentaire des produits alimentaires stratégiques et utilisation durable des ressources agricoles naturelles. Evoquant l’intérêt mondial pour la sécurité alimentaire, la ministre a assuré que le secteur agroalimentaire de l’Egypte dispose actuellement d’un « avantage concurrentiel » au niveau mondial. « La sécurité alimentaire sera à la tête des priorités de l’Etat après la fin de la pandémie », a conclu Hala Al-Saïd.
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