
Les Bourses arabes paniquent, le pétrole chute, mais l'impact de Covid-19 est limité et temporaire sur la croissance.
(Photo: Reuter)
Le couple Khaled et Racha veut acheter une nouvelle machine à laver LG. Il peine à en trouver une sur le marché. Plusieurs magasins sont en rupture de stock. « Les machines à laver LG sont fabriquées en Egypte. Mais les différentes parties de la machine sont importées de Corée du Sud. Or, leur importation est suspendue en ce moment pour ne pas propager le coronavirus », explique le directeur des ventes auprès de l’agence LG. Ce genre d’effet indirect du Covid-19 pèse lourd sur une économie mondiale qui se porte mal déjà depuis plus d’un an.
Le FMI estime que la croissance mondiale va se ralentir davantage en 2020 comparé à 2019. Le commerce mondial en est un exemple. L’observation en temps réel de la position des navires de commerce et les statistiques relatives aux marchandises qu’ils transportent montrent un net recul du commerce international depuis fin janvier. Tel est le constat d’Abudi Zein, directeur général de Clipper Data, dans une note publiée par la Conférence des Nations-Unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED). En réalité, le coronavirus n’a fait qu’accentuer une tendance déjà à l’oeuvre. Les tensions commerciales ont ralenti la demande mondiale en matière de fret. « Et dans la seconde moitié de janvier et début février, cette baisse s’est fortement accélérée », écrit-il.
Les pays exportateurs de pétrole ont échoué à limiter la production du brut, lors de leur réunion vendredi 5 mars, incitant les cours mondiaux à chuter. L’Arabie saoudite a offert son brut à un prix réduit entre 4 et 8 dollars. Brent et Texas sont à moins de 40 dollars. Avec en fonds de toile la récession mondiale et la guerre des prix entre les grands exportateurs, les cours pétroliers ont perdu 48 % sur un an. Le marché s’attend à un recul aggravé par le Covid-19, d’après Ali Khedery, ex-conseiller d’Exxon et président de Dragoman Ventures, basé aux Etats-Unis. Il prévoit « un baril à 20 dollars en 2020 ». Ajoutant sur son compte Twitter que « les implications géopolitiques seraient énormes. C’est le temps pour stimuler les consommateurs ».
Ainsi, les Bourses des pays du Golfe, notamment l’Arabie saoudite, le Koweït et Abu- Dhabi, ont cumulé des pertes. Les Bourses arabes étaient déjà en détresse la semaine dernière en raison de la propagation du coronavirus dans la région. Au Moyen-Orient, on estime que la croissance baissera entre 0,5 et 2 % en 2020 (voir encadré). L’économie des Emirats arabes unis, lourdement endettée, est la plus vulnérable, selon la maison de recherche internationale Capital Economics.
Le tourisme mondial est un autre domaine affecté par la transmission du virus (voir page 2). La semaine dernière, l’Arabie saoudite a banni les pèlerins d’entrer dans le pays et a refusé l’entrée des touristes venant des pays menacés par le coronavirus. A Dubaï, si le virus continue de menacer le monde, la 2020 World Expo, l’événement phare organisé dans l’Emirat pourrait être remis sine die. Plusieurs autres événements régionaux ont déjà été ajournés. Les pays de la région ont interdit l’entrée des touristes venant des pays à risque.
Le malheur des uns ...
Pour les pays de la région importateurs de pétrole, comme la Jordanie ou l’Egypte, la baisse des cours pétroliers est un coup de grâce pour leurs déficits budgétaires. La ministre égyptienne de la Planification, Hala Al-Saïd, écarte un scénario économique désastreux. « Il est probable que l’économie soit affectée, car la Chine représente 20 % de l’économie mondiale. Mais Il ne faut pas exagérer l’impact du coronavirus », affirme-t-elle. L’Egypte a réalisé un taux de croissance de 5,8 % en 2019, selon la ministre. La production de gaz naturel était la locomotive de cette croissance, suivie par le tourisme. Le secteur privé, hors pétrole et gaz, peine cependant à croître.
« La réaction des ménages vis-à-vis du coronavirus sera la clé pour déterminer l’impact final sur la croissance. Il s’agit notamment du tourisme et de la consommation », d’après le rapport de Capital Economics. Cela s’applique à l’Egypte comme aux autres pays de la région. Ceux-ci dépendent du tourisme qui représente 20 % de leur PIB comme en Jordanie, ou 10 % en Egypte. Les pays à grandes populations peuvent compter sur leurs ménages, inciter leur consommation via des exemptions fiscales, des crédits ou une hausse des salaires minimums.
Aux Etats-Unis, en anticipation à un ralentissement économique, la Federal Reserve (la Banque Centrale) a tenu une session extraordinaire (événement non vu depuis la crise mondiale de 2008), où elle a décidé de baisser les taux d’intérêt, pour rendre plus facile au secteur privé et aux ménages d’emprunter dans le but de stimuler les investissements et les achats. Cette mesure devrait encourager un pays comme l’Egypte et ses voisins à faire la même chose.
Enfin, l’effet du coronavirus est perçu comme un risque à court terme. 90 % des investisseurs prévoient qu’il ne s’étendrait pas au-delà de 2020, d’après un sondage international effectué par la banque d’investissement Focus Economics .
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