Al-Ahram Hebdo : En l’espace de cinq ans, l’Egypte a avancé de 90 places au classement de la qualité des routes. Comment l’Egypte a-t-elle réussi à atteindre cet objectif ?
Ossama Okeil : L’Egypte accorde actuellement un grand intérêt à l’élargissement et à la rénovation du réseau routier. Cette stratégie vise à renforcer l’infrastructure nécessaire au développement qui repose sur trois piliers principaux : le transport, l’énergie et les télécommunications. Lancé en 2014, le projet national des routes a réalisé de grands progrès. Ce projet vise à construire un nouveau réseau routier reliant les différents gouvernorats aux nouvelles agglomérations industrielles pour promouvoir les investissements et réduire les accidents routiers. C’est grâce à ce projet que l’Egypte a progressé au classement mondial de la qualité des routes.
— Quels sont les critères sur lesquels repose ce classement ?
— Le World Economic Forum (WEF) publie chaque année un rapport sur l’état des routes. Certains estiment que la qualité des axes routiers est uniquement mesurée par la qualité de l’asphalte. C’est effectivement l’un des critères, mais pas le seul. Il y en a beaucoup d’autres : L’accessibilité d’un lieu à un autre, la réduction des distances, le degré de connectivité entre les villes, la réduction du taux de pollution et d’accidents, et la qualité des services logistiques placés sur les deux côtés de l’axe routier. Créer un climat propice aux investissements figure aussi parmi les critères établis par la Banque mondiale pour mesurer la qualité des routes.
— Quels sont les grands projets routiers qui ont été mis en place ?
— Parmi les plus importants axes routiers, on peut citer l’axe du maréchal Tantawy, qui lie le sud de Port-Saïd au port d’Al-Aïn Al-Sokhna sur la mer Rouge, et à la route de Suez ainsi qu’à la Capitale administrative et Le Caire. C’est aussi grâce à cet axe que le trajet entre Le Caire et Port-Saïd est d’une heure seulement. Mais ce n’est pas le seul avantage. Cet axe permet de dynamiser les projets de développement dans la région de l’Est du Canal, auparavant déconnectée du réseau routier. Les tunnels et les axes du Canal de Suez constituent un autre projet qui ne manque pas d’importance. Ces réseaux relèvent de la sécurité nationale, puisqu’ils facilitent le développement du Sinaï, ce qui permettra d’éradiquer le terrorisme. De même, l’Etat s’engage à construire d’autres axes routiers reliant des régions connues pour production industrielle et agricole entre le Delta à la mer Rouge.
— La ville d’Héliopolis, au nord-est du Caire, témoigne d’un projet de rénovation et de construction de plusieurs axes routiers. Pourquoi l’Etat s’est-il intéressé à ce quartier en particulier ?
— Après avoir mené de grands projets visant à étendre le réseau routier externe, l’Etat se tourne vers la restauration et la rénovation du réseau routier interne dans les grandes villes. Il y a un vaste projet d’expansion des villes nouvelles et des agglomérations situées au nord d’Héliopolis, telles la cité Badr, Al-Réhab, la Nouvelle Capitale administrative, Madinati et Al-Chourouq. Le déplacement de la main-d’oeuvre des quartiers, tels Aïn-Chams, Matariya, Al-Amiriya et Al-Zeitoun vers ces villes doit passer par Héliopolis. Ce qui provoque un problème quasi chronique de trafic et de circulation. Le quartier s’est transformé en un grand garage. Les voitures se garent sur les deux côtés de la route, ce qui entrave la circulation. Les gens passent beaucoup de temps coincés dans leurs voitures en attendant le feu vert. Ce qui affecte également la qualité de l’air à Héliopolis. Avant le commencement de nos travaux, nous avons mesuré la qualité de l’air à Héliopolis. Le résultat était choquant. L’air d’Héliopolis est parmi les plus pollués de la capitale. Il est même plus pollué que les quartiers populaires qui l’entourent. En ajoutant à ce problème le déplacement de la main-d’oeuvre de et vers les nouvelles agglomérations via Héliopolis, la situation devient intolérable. Cette situation a poussé l’Etat à consacrer 7,5 milliards de L.E. au projet de développement de l’infrastructure d’Héliopolis.
— En quoi consiste ce projet ?
— Il s’agit essentiellement d’annuler les carrefours et construire des ponts et des autoroutes pour assurer une fluidité de la circulation. Ainsi pour les habitants d’Héliopolis qui travaillent au centre-ville, ils peuvent aller à la place Ramsès en exactement 6 minutes. On a déjà terminé la première phase des travaux dans la région d’Almaza, où la rue a été élargie et un pont reliant Almaza à la route de Suez a été construit. Ainsi, la main-d’oeuvre qui habite les agglomérations situées le long de la rue Suez peut emprunter cette artère sans pénétrer à l’intérieur d’Héliopolis, ce qui réduira à la fois le taux de pollution de l’air de 30 % et la durée du trajet de et vers ces agglomérations. La deuxième phase consistera à construire des ponts reliant la place Sainte-Fatima à la place Triomphe, puis la rue Ammar Ibn Yasser aux rues Abdel-Aziz Fahmi et Farid Sémeika. Celles-ci sont reliées à leur tour à la route de Suez. Le but est de fluidifier le trafic vers la Nouvelle Capitale administrative située à une quarantaine de kilomètres. La troisième phase consiste à créer un nouvel accès au quartier d’Héliopolis reliant la route de Suez à la rue Al-Sekka puis à la route de l’Autostrade. La dernière phase consiste à construire un axe reliant Héliopolis à la route Choubra-Banha Al-Horr, puis à l’axe de Rod Al-Farag. Le réaménagement total d’Héliopolis sera terminé exactement dans trois mois, en juin 2020. Quant à la traversée des piétons, on construira 5 ponts pour piétons dans des lieux choisis par les habitants eux-mêmes. L’un de ces ponts sera situé devant l’hôpital Egypt Air à Almaza, le deuxième sera situé à la rue Abou-Bakr Al-Seddiq devant l’école anglaise, le troisième à la rue Al-Maqrizi, le quatrième à la rue Al-Sawra et enfin le cinquième à la rue Farid Sémeika. On va également installer plus d’une quarantaine de feu rouge pour piétons spécialement de haute technologie.
— Pourquoi la rénovation de ce quartier a-t-elle suscité une polémique ?
— Que reste-t-il d’Héliopolis ? La ville conçue et créée par le baron Empain a quasiment disparu. La majorité des joyaux architecturaux ont été démolis laissant émerger des gratte-ciel faisant perdre à ce quartier sa caractéristique d’antan. D’ailleurs, l’élargissement des routes a pris la place de l’ancien tramway dont la maintenance a été négligée pendant plus de 40 ans. Quant aux arbres, l’Etat compte implanter des arbres de qualité bien supérieure à ceux déracinés pour toujours.
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