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Les scénarios de l’après-plan américain

Aliaa Al-Korachi, Mardi, 04 février 2020

Rejetant le plan de paix de Donald Trump, les Palestiniens se tournent désormais vers la diplomatie. Le président Abbas doit se rendre prochainement au Conseil de sécurité de l’Onu, et à l’Union européenne.

Les scénarios

Reporté à plusieurs reprises, le volet politique du plan de paix américain a été finalement dévoilé le 28 janvier 2020. Dans l’East Room de la Maison Blanche, devant les projecteurs, Donald Trump a présenté, au côté du premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, les grandes lignes de son plan de paix, le qualifiant d’un plan « gagnant-gagnant ». Le volet économique avait été présenté le 26 juin 2019 lors de la conférence de Manama à Bahreïn par Jared Kushner, l’un des architectes du plan, qui a affirmé « qu’en rejetant ce deal, les Palestiniens rateraient encore une opportunité ».

En quoi consiste le plan américain ? Et quelle est la carte de la Palestine ? L’Etat palestinien, proposé par le plan Trump comprend la bande de Gaza, des portions de la Cisjordanie et deux territoires enclavés dans le désert du Néguev, dont l’un serait une zone industrielle « high tech ». La capitale de la future Palestine, selon le plan, se situe dans les faubourgs de la Ville Sainte, à l’est. Le plan prévoit également un tunnel reliant la Cisjordanie à la Bande de Gaza. « L’Etat palestinien autour duquel nous avons accepté de négocier représente 22% de la Palestine historique, alors que celui proposé par le plan Trump ne dépasse pas les 10 ou 15% dans les meilleurs cas », affirme Barakat Al-Fara, ancien ambassadeur palestinien en Egypte (voir entretien). Le plan américain propose un délai de 4 ans pour la création d’un Etat palestinien. Et selon Trump, les Palestiniens n’auraient droit à un Etat qu’après avoir accepté une liste de « conditions ». Parmi celles-ci, le fait que l’Etat palestinien soit démilitarisé, sans souveraineté sur Jérusalem-Est, que les colonies ne soient pas démantelées et qu’il n’y ait pas de retour aux réfugiés (voir page 5).

Selon le politologue Ahmad Sayed Ahmad, expert au CEPS d'Al-Ahram, « c’est un alignement sans précédent sur les positions israéliennes. Ces propositions ne sont qu’une nouvelle version de la vision de la droite israélienne dirigée par Netanyahu ». En fait, au cours des deux dernières années, plusieurs autres mesures américaines favorables à Israël ont été prises: reconnaissance de Jérusalem en tant que capitale d’Israël et la souveraineté israélienne sur le Golan occupé, fin des subventions à l’Autorité palestinienne et à l’UNRWA, fermeture des bureaux de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) à Washington.

Refus arabe

Le plan américain a déclenché un refus arabe unanime. « Ce plan n’apporte ni stabilité, ni paix. Il sème les graines de 100 ans de conflit et de souffrance », a dénoncé le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmad Aboul-Gheit, lors de la réunion extraordinaire des ministres arabes des Affaires étrangères, le 1er février, au Caire. Réunion qui a eu lieu à la demande du président palestinien, Mahmoud Abbas, deux jours après l’annonce du plan par le président Donald Trump. « Nous étudions minutieusement la vision américaine et sommes ouverts à tous les efforts sérieux en faveur de la paix. Mais une lecture préliminaire du plan américain montre une grave violation des droits légitimes des Palestiniens », a ajouté Aboul-Gheit. Dans un communiqué en 8 points publié à l’issue de cette réunion, les pays arabes ont unanimement rejeté le plan américain en insistant sur le fait « qu’une paix juste et durable ne peut pas être réalisée en légitimant l’occupation israélienne depuis 1967 ». Réunie à Djeddah, l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI), composée de 57 membres, a rejeté dans un communiqué le plan « américano-israélien qui ne répond pas aux aspirations minimales et aux droits légitimes du peuple palestinien ». Le plan américain a également suscité des réactions négatives à travers le monde. « Les initiatives unilatérales ne sont pas automatiquement performantes », a déclaré Jean Yves Le Drian, chef de la diplomatie française. « A présent, Israël a la voie libre pour annexer la vallée du Jourdain et les colonies israéliennes en Cisjordanie occupée, et pour accélérer la judaïsation de Jérusalem-Est et de donner le feu vert aux colons et aux extrémistes juifs pour prendre d’assaut la mosquée Al-Aqsa », explique le politologue Ahmad Sayed Ahmad.

Quels scénarios pour les Palestiniens ?

Les Palestiniens ont rejeté le plan américain, mais quelles sont les options dont ils disposent? « La voie diplomatique est une première option », assure Al-Fara. Les deux communiqués de la Ligue arabe et de l’OCI ont transmis « un message fort ». « Aucun pays arabe ni islamique, même ceux qui ont de bonnes relations avec les Etats-Unis, accepte que le plan américain devienne la nouvelle référence pour relancer des négociations », souligne Ahmad Youssef. Lors de la séance inaugurale de la réunion d’urgence de la Ligue arabe, le ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukri, a affirmé que « les éléments et les déterminants du règlement équitable sont clairs, basés sur la légitimité internationale, dont notamment les résolutions du Conseil de sécurité des Nations-Unies et l’Initiative arabe pour la paix adoptée en 2002, afin de parvenir à la création d’un Etat palestinien libre, indépendant et souverain, avec Jérusalem-Est pour capitale et dans les frontières d’avant-1967 ».

Après avoir reçu « un soutien diplomatique arabe et islamique unanime face au plan américain », Mahmoud Abbas s’adressera aux pays africains le 9 février, lors du sommet de l’Union africaine. Abbas a également annoncé qu’il se rendrait au Conseil de sécurité, puis à l’Union européenne d’ici deux semaines pour appeler à une conférence internationale sous l’égide du quartet international incluant la Russie, l’Union européenne, l’Onu et les Etats-Unis.

Le scénario du retour à l’Intifada et de l’annulation de tous les accords précédents est également une éventualité, comme l’explique Al-Fara. Lors du sommet de la Ligue arabe, Abbas a annoncé la rupture de « toutes les relations », y compris sécuritaires, entre l’Autorité palestinienne d’une part, et Israël et les Etats-Unis d’autre part. « Les Israéliens doivent assumer leurs responsabilités en tant que puissance occupante. Nous avons le droit de poursuivre notre lutte nationale par des moyens pacifiques pour mettre fin à l’occupation. Nous n’allons pas porter de fusils », a déclaré Abbas.

Mettre fin aux divisions interpalestiniennes

Pourtant, le soutien diplomatique « n’est certainement pas suffisant et ne peut pas apporter à lui seul de solution efficace », comme le souligne Ahmad Youssef. « La balle est maintenant dans le camp des Palestiniens. Il est temps de mettre fin aux divisions interpalestiniennes. C’est un test très important. L’élite politique palestinienne doit unifier les rangs », estime Youssef.

Depuis la prise de contrôle de la bande de Gaza par le Hamas en 2007, les deux factions se déchirent. Toutes les tentatives de réconciliation n’ont pas abouti. « Les prochains jours seront donc déterminants, car l’unification des rangs palestiniens est le vrai test », conclut Sayed Ahmad l

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