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Un plan que les Israéliens eux mêmes ne veulent pas

Par Saïd Okacha*, Mardi, 04 février 2020

Bien que le plan du président américain, Donald Trump, soit en apparence favorable à Israël, ni la droite, dirigée par Netanyahu, ni le peuple israélien ne semblent l’apprécier.

Les Gazaouis manifestent contre le plan américain.
Les Gazaouis manifestent contre le plan américain.

Bien que le plan du président américain, Donald Trump, paraisse dans l’intérêt d’Israël, ni la droite israélienne, dirigée par Netanyahu, ni le peuple israélien ne semblent l’apprécier. La lecture des déclarations de Netanyahu, après l’annonce du plan, révèle que celui-ci le consi­dère comme un cadre pour les négociations et non comme un projet pour un règlement du conflit avec les Palestiniens.

En d’autres termes, Netanyahu ne l’accepte pas et veut encore plus de concessions de la part des Palestiniens qui, selon ce plan, n’obtiennent que 70% de leurs terres en Cisjordanie pour y créer leur Etat après son annexion, par des routes tortueuses et des tunnels, à la bande de Gaza.

De plus, selon les sondages d’opinion, le peuple israélien n’est pas optimiste quant à l’application de ce plan et la possibilité de par­venir à une paix finale. En effet, le sondage effectué jeudi par la chaîne 11 de la télévision israélienne a dévoilé que 61% des Israéliens pensent que le plan de l’Administration améri­caine ne mènera pas à un règlement politique du conflit entre Israéliens et Palestiniens. Les partis de la droite israélienne, alliés de Netanyahu, ne semblent pas non plus disposés à faire passer le plan s’il venait à être voté à la Knesset.

Si le refus palestinien était attendu, la réaction du peuple israélien et de la droite semble inat­tendue, voire même incompréhensible, car Trump a octroyé de nombreux privilèges à Israël. Citons entre autres l’annexion des colo­nies de Cisjordanie, la reconnaissance de Jérusalem comme ville unifiée et capitale d’Is­raël, l’abolition du droit de retour des réfugiés palestiniens, l’obligation des Palestiniens de reconnaître Israël en tant qu’Etat exclusif du peuple juif et la création d’un Etat palestinien désarmé. Cependant, toutes ces concessions imposées par le plan de Trump sont inaccep­tables pour la droite israélienne qui refuse la présence même de deux Etats, quelle que soit la superficie de l’Etat palestinien proposé. Personne, ni en Israël ni dans le monde, ne s’at­tend à ce que ce plan aboutisse à quoi que ce soit.

La majorité des pays arabes le rejette et bien que certains de ces pays aient déclaré être dis­posés à étudier le plan, cela ne signifie pas qu’ils l’accepteront, surtout si les Palestiniens insistent sur leur refus.

Le président palestinien Abou-Mazen a pris une série de mesures pour mobiliser l’opinion publique et les pays influents de l’Union Européenne (UE), dans l’objectif de démanteler ce plan et d’appeler à des négociations directes entre les Palestiniens et Israël sous le parrainage de l’Europe, de l’Onu et de la Ligue arabe. Cependant, il est peu probable qu’Abou-Mazen réussisse à convaincre les Israéliens de revenir à la table des négociations, surtout avec une médiation non américaine.

Bien que l’Union européenne continue à déclarer son attachement à la solution de deux Etats et à l’application des principes de la légi­timité internationale, l’UE ne possède pas la force qui lui permette d’imposer la solution qu’elle juge appropriée à ce conflit. Mais il est encore trop tôt pour apporter un jugement final au destin du plan de Trump. En effet, celui-ci est convaincu que les Palestiniens refuseront le plan, mais parie que lorsqu’ils étudieront les conséquences de leur refus, ils finiront par dire oui. Surtout qu’ils ont un délai de quatre ans pour l’accepter. D’ailleurs, Trump parie aussi sur le fait que les pays arabes, qui refusent le plan ou qui ont des réserves sur certaines clauses, pourraient à l’avenir déployer de grands efforts pour convaincre les Palestiniens de l’ac­cepter.

Trump, le seul bénéficiaire

En réalité, Trump est le seul bénéficiaire de ce plan parce qu’il a réussi à faire passer des déci­sions dans l’intérêt d’Israël que personne du lobby juif aux Etats-Unis n’aurait imaginé pos­sibles, comme la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël, la légalisation des colonies israéliennes en Cisjordanie, la recon­naissance de la souveraineté israélienne sur les hauteurs du Golan… Ce qui donne à Trump l’occasion d’obtenir un soutien sans précédent de la part du lobby juif aux prochaines élec­tions. Ensuite, Trump profitera d’un plus grand soutien de la part du lobby des églises évangé­liques pro-israélien aux Etats-Unis. Un soutien dont l’influence sur l’électeur américain peut dépasser celui du lobby juif. Abstraction faite de tout cela, le plan de Trump restera seulement sur la table pendant quelques semaines avant que les Etats-Unis ne soient entièrement préoc­cupés par la présidentielle prévue en novembre prochain.

Par conséquent, si Trump repart pour un second mandat, il ne s’intéressera pas à ce dossier avant janvier prochain, sauf si une grande détérioration sécuritaire survient entre les Palestiniens et les Israéliens au cours de cette année et déclenche une grande guerre régionale, dont il sera difficile de prévoir les conséquences sur la sécurité régionale et sur l’avenir de la cause palestinienne. Trump pour­rait alors être rendu responsable de cette dété­rioration à cause de son plan .

*Chef du département des études israéliennes au ECSS

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