Jeudi, 19 septembre 2024
Dossier > Dossier >

Une année au service de l’Afrique

Aliaa Al-Korachi, Mardi, 28 janvier 2020

Après un an à la tête de l’Union africaine, l’Egypte s’apprête à céder son siège de président de cette organisation à l’Afrique du Sud. Retour sur une année où la diplomatie africaine de l’Egypte a été particulièrement active.

Une année

« Le rôle de l’Egypte en Afrique ne prendra pas fin après le transfert de la présidence de l’Union Africaine (UA) à l’Afrique du Sud. Nos efforts pour instaurer la paix et le développement sur le continent se poursuivront », a déclaré le président Abdel-Fattah Al-Sissi, lors du Forum mondial de la jeunesse à Charm Al-Cheikh en décembre dernier. Il ne reste que quelques jours avant la fin du mandat de l’Egypte à la tête de l’UA. Après une présidence extrêmement active de l’UA, le président Abdel-Fattah Al-Sissi doit céder son siège en tant que président en exercice de l’UA à son homologue sud-africain Cyril Ramaphosa, le 9 février, lors du 33e Sommet de l’UA qui aura lieu à Addis-Abeba. D’un point de vue opérationnel, l’Egypte, après le passage du flambeau de l’UA à l’Afrique du Sud, deviendra membre de la « troïka » des chefs d’Etat africains jusqu’au prochain sommet de l’UA. Ce mécanisme, qui a pour but d’assurer la continuité et la mise en oeuvre effective des décisions du sommet, est formé du président en exercice de l’UA, son prédécesseur et son successeur. Sous le thème « Faire taire les armes: créer des conditions propices au développement de l’Afrique », les travaux préparatoires du sommet ont déjà été lancés le 21 janvier, avec l’ouverture en Ethiopie de la 39e session ordinaire du Comité des représentants permanents (COREP), composé des diplomates des pays membres de l’UA. La 36e session ordinaire du Conseil exécutif des ministres des Affaires étrangères aura lieu les 6 et 7 février. En fait, c’était la première fois que l’Egypte prend la présidence de l’Organisation panafricaine depuis sa création en 2002. Avant cette date, l’Egypte, membre fondateur de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), sous Nasser, a présidé trois fois cette organisation en pleine vague de libéralisation en 1964, en 1989 et en 1993.

Une année à la tête de l’UA, quel bilan peut-on dresser ? Selon Ahmed Amal, chef du département des études africaines à l’ECSS, l’année de la présidence égyptienne de l’UA était une année « exceptionnelle et réussie » pour les deux côtés : l’Afrique et l’Egypte. En 2019, l’agenda des rendez-vous de l’Afrique était très chargé. « France-Afrique », « Chine-Afrique », « Japon-Afrique », « Russie-Afrique » et « Royaume-Uni-Afrique », les sommets et les forums se sont multipliés, et la course aux partenariats avec le continent noir s’est accélérée. Selon beaucoup d’observateurs, l’Afrique est en passe de devenir le plus grand marché mondial, notamment après le lancement de la phase opérationnelle de la Zone de Libre-Echange Continentale africaine (ZLEC), sous la présidence égyptienne de l’UA, en juillet dernier, lors du sommet extraordinaire organisé au Niger. La mise en oeuvre de la ZLEC permettra d’augmenter de près de 60%, d’ici 2022, le commerce intra-africain. « L’Egypte a réussi à travers la diplomatie des sommets à soulever les questions essentielles pour le continent de manière intense et efficace, et à formuler une vision africaine unifiée pour le développement et la paix », explique-t-il.

Lors de son discours inaugural au Sommet Royaume-Uni-Afrique sur l’investissement, tenu le 20 janvier 2020 à Londres, le président Sissi a assuré que « les pays du continent africain sont aujourd’hui ouverts sur le monde entier ». « Le continent africain a témoigné d’une année marquée par de nombreuses démarches réussies dont l’intégration continentale et l’intégration économique africaine. L’Afrique offre des opportunités prometteuses pour ses partenaires à l’échelle mondiale, des opportunités qui feront du continent une importante destination pour les grandes entreprises d’affaires », a souligné le président.

Une année africaine

Du côté de l’Egypte, l’année 2019 a été résolument une année africaine. La mobilisation institutionnelle, visant à renforcer la présence de l’Egypte au sein du continent noir, était sur tous les fronts, « reflétant ainsi un message important : l’identité africaine est une partie intégrante de la personnalité de l’Egypte ». L’Egypte a organisé avec succès la Coupe d’Afrique des nations 2019, le plus important rendez-vous du football sur le continent. Sous le thème « Egypte-Afrique, culture de la diversité », le 51e Salon international du livre du Caire 2020 a été ouvert au public du 23 janvier au 4 février. Le Sénégal est l’invité d’honneur de ce salon. De nombreuses activités littéraires et artistiques sont organisées pour célébrer la diversité culturelle de l’Afrique. D’ailleurs, selon Amany Al-Taweel, cheffe du département des études africaines au CEPS, le dynamisme africain de l’Egypte ne date pas de février 2018, lorsque le Rwanda a passé le flambeau à l’Egypte, mais il a commencé il y a plus de cinq ans, en 2014, quand l’Egypte a fait de l’Afrique « la priorité de son agenda politique et économique ». Les relations égypto-africaines sont passées par trois phases. L’âge d’or des relations remonte à l’époque Nasser. Puis vint l’ère du président Anouar Al-Sadate, qui était très occupé par la bataille pour la libération du Sinaï, puis pour la paix. Avec l’arrivée du président Moubarak, les relations ont commencé à se refroidir progressivement avant d’atteindre leurs niveaux les plus bas après la tentative d’assassinat de Moubarak à Addis-Abeba en juin 1995. Après le 30 juin 2013, l’Egypte s’est mise à ajuster ses orientations vers le monde en accordant une grande importance à l’Afrique. « L’objectif est d’approfondir le partenariat politique, économique, social et culturel avec les pays africains frères, l’Egypte a remplacé la diplomatie de libération nationale qu’elle a menée dans les années 1950 et 1960 par une diplomatie du développement », dit Tareq Radwan, président de la commission des affaires africaines au parlement (voir entretien page 5).

S’inspirer de l’Agenda 2063

Or, selon Ayman Abdel-Wahab, spécialiste des affaires africaines au CEPS, il faut faire la distinction entre l’activisme de l’Egypte en tant que présidente en exercice de l’UA et celui de l’Egypte en tant que pays africain. « L’Egypte a géré avec efficacité les dossiers africains conformément aux principes de développement énoncés par l’Agenda 2063 de l’UA, et non pas uniquement selon la vision et les intérêts égyptiens. C’est pourquoi dès ses premiers jours à la tête de l’UA, l’Egypte s’est efforcée de soutenir les objectifs de l’Agenda de l’Afrique en lançant des initiatives dans plusieurs domaines », dit Abdel-Wahab, avant d’ajouter : « Les priorités du plan d’action de l’Egypte n’étaient que celles des Africains ». Intégration continentale, développement des infrastructures, développement de la jeunesse et renforcement de l’architecture africaine de paix et de sécurité, les axes privilégiés de « l’Agenda 2063 » de l’UA ont été les fondements de la présidence égyptienne de l’UA (voir bilan page 3).

Les défis de l’après-présidence

Garder l’élan est un défi de taille. « A la fin de la présidence égyptienne de l’UA, la présence de l’Egypte sur la scène africaine doit être continue et permanente », affirme Tareq Radwan. Selon Amany Al-Taweel, il faut élaborer « une stratégie centrale bien définie pour assurer la coopération entre les institutions gouvernementales chargées des dossiers africains et mobiliser les autres composantes de la société égyptienne, à savoir le secteur privé, les hommes d’affaires, la société civile et tous les outils du soft power comme la culture et les arts, afin d’accroître et renforcer l’efficacité du rôle de l’Egypte en Afrique », conclut-elle.

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique