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En Iran, « l’économie de résistance » ne résiste plus

Amira Samir, Mardi, 21 janvier 2020

Le modèle de « l’économie de résistance » adopté par le régime iranien n’a pas réussi à présenter une alternative pour faire face aux sanctions américaines. Avec des politiques inefficaces doublées de sanctions, l’économie est au bord de l’effondrement.

En Iran, « l’économie de résistance » ne résiste plus
Le rial iranien a perdu plus de 60 % de sa valeur en 2019.

L’année prochaine, comme l’année en cours, notre budget sera un budget de résistance et de persévérance contre les sanctions américaines. Nous annoncerons au monde que malgré les sanctions, nous gérerons le pays ». C’est ce qu’a déclaré le président iranien Hassan Rohani, devant le parlement, fin décembre dernier, avant d’ajouter que « l’Iran connaît sa pire année sur le plan économique depuis la victoire de la Révolution islamique de 1979 ». Sous l’étiquette de « l’économie résistante », Rohani a présenté le budget de son gouvernement pour la nouvelle année perse qui débutera le 21 mars 2020. Le budget présenté au parlement s’élève à 4 845 000 milliards de rials, soit près de 33 milliards d’euros. Il s’agit du budget le plus restreint depuis la guerre Iran-Iraq des années 1980. « L’économie de la résistance », « l’économie de la résilience », autant d’appellations ont été données par le régime afin d’inciter les Iraniens à supporter le poids des sanctions. Des appels sans écho, puisque la crise économique a été le moteur essentiel des contestations iraniennes qui se sont multipliées ces derniers mois, à des fréquences de plus en plus rapprochées. En fait, le terme d’« économie de la résistance » a été prononcé pour la première fois en août 2012 par le guide suprême de la Révolution islamique, Ali Khamenei, lors de son discours, comme un nouveau modèle d’économie, appelant les Iraniens « à la patience afin d’atteindre l’autosuffisance et à acheter des produits locaux à la place des marchandises importées pour faire face aux sanctions économiques américaines et libérer le pays de la dépendance de l’extérieur ».

Cependant, ce modèle n’a pas réussi à s’imposer comme un modèle alternatif. Selon des experts, cette stratégie manquait d’efficacité, ce qui a accru la pression sur le budget iranien et le système bancaire du pays. Pour Naglaa Mekawy, experte en économie régionale, l’Iran s’est concentré, ces dernières années, sur la consolidation de son économie dite de résistance en injectant d’énormes investissements pour soutenir « ses industries stratégiques ». « La fragilité de l’économie de la République islamique n’est pas due seulement aux sanctions imposées par les Etats-Unis, mais aussi au système économique mis en place depuis la révolution », indique Naglaa Mekawy. Selon l’économiste, le générateur principal de la crise est le régime, à travers sa politique de recherche de rentes, qui avait déjà causé de graves problèmes avant même l’application des sanctions internationales. En effet, l’économie iranienne est en déclin depuis la Révolution islamique. Les politiques monétaires, budgétaires et celles de change, mises en place depuis 1979, ne sont pas purement économiques, mais il s’agit de stratégies politiques qui avantagent ou désavantagent tel groupe ou tel pays étranger. De puissants groupes d’intérêts, principalement liés à la garde révolutionnaire, formée après la Révolution islamique, et les institutions religieuses, s’opposent à la poursuite de la libéralisation économique et au réengagement dans l’économie mondiale. Selon des estimations, le gouvernement iranien contrôle environ 70 % des actifs bancaires.

Le secteur pétrolier le plus touché

Pour Trump, les sanctions visent à affaiblir l’économie iranienne jusqu’à un point où les dirigeants iraniens se trouvent obligés d’accepter une renégociation sur un nouvel accord nucléaire. Pourtant, la perspective d’un accord durable entre les Etats-Unis et l’Iran semble très éloignée. De ce fait, l’économie iranienne affronte plus de risques à court terme comme à moyen terme. Selon Rohani, les sanctions américaines ont empêché la République islamique d’engranger 200 milliards de dollars au cours des deux dernières années. « Sans les sanctions et la guerre économique qui nous ont été imposées par les Américains, nous aurions gagné de 2016 à ce jour 200 milliards de dollars, dont 100 milliards de revenus pétroliers », a indiqué Rohani.

Le secteur pétrolier est le plus touché par la crise. La production a chuté presque de moitié, de 4 millions de barils par jour en novembre 2017 à 2,1 millions de barils par jour en novembre 2019. Selon les dernières prévisions du Fonds Monétaire International (FMI), le produit intérieur brut devrait avoir reculé de 9,5 % cette année, après une contraction de près de 5 % l’année précédente. Les réserves de change pourraient chuter à 73 milliards de dollars d’ici le mois de mars, en recul d’une quarantaine de milliards en deux ans. L’Iran connaît une inflation de plus de 40 %. Plus de 60 des jeunes diplômés universitaires iraniens seraient sans emploi. Avec un taux de chômage pointé à près de 17 % de la population active selon les statistiques du FMI, la situation est explosive en Iran.

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