Derrière les grillages de la cage des chimpanzés, au jardin zoologique de Guiza, «
la loi du plus fort » règne. Qui sera le premier à saisir la mandarine lancée par le gardien ? Meshmesh le plus vieux du zoo ou le jeune chimpanzé d’une vingtaine d’années, prénommé Doudou ? Sous les yeux attentifs des visiteurs qui s’amassent devant la cage, la course se termine trop vite. Meshmesh, le vainqueur, épluche en un rien du temps la mandarine avant de la dévorer alors que la petite boule de poils noirs grimpe en un clin d’oeil en haut de la cage et regarde furieusement son rival. Il est 11h du matin, l’ambiance est joviale dans les allées fréquentées principalement par des enfants et des familles, pour qui la sortie est peu coûteuse. Seulement 5 livres pour visiter ce site jadis surnommé «
la perle de la couronne des zoos d’Afrique ».
Ce zoo, s’étendant sur 344 000 m2, a ouvert ses portes en 1891, pendant le règne du khédive Tawfiq dans le cadre d’un projet lancé au moment de l’ouverture du Canal de Suez. Des arbres et des espèces végétales rares importés d’Inde, d’Afrique et d’Amérique du Sud en ont fait dès sa création un lieu d’exception.
Mais au fil des années, le zoo de Guiza a perdu de sa splendeur jusqu’à perdre en 2004 son accréditation auprès de WAZA. l’Association mondiale des zoos et aquariums. Et ce, principalement en raison de la détérioration des conditions du zoo et l’inadaptation des espaces confinés pour les animaux aux normes internationales. De plus, au cours des quatre dernières années, beaucoup d’animaux stars du zoo attirant les visiteurs se sont éteints : la chimpanzée Moza (2015), la girafe Yasuo (2017) et l’éléphant Naïma (2019).
Ainsi, des travaux de rénovation ont été lancés, il y a trois ans, mais ceci a un coût. Depuis quelques jours, des informations circulaient sur les réseaux sociaux faisant entendre que « le coût du billet d’entrée du zoo aurait augmenté passant à 65 L.E. ». Dans un communiqué publié dimanche dernier, le Conseil des ministres a démenti ces rumeurs qui ont suscité de nombreuses controverses, en clarifiant qu’il n’y aura aucune hausse du billet d’entrée. L’augmentation du prix sera uniquement appliquée le mardi, le jour du repos hebdomadaire du zoo, pour accueillir, après une coordination préalable, les étudiants des écoles privées et internationales ainsi que les groupes touristiques.
« Cette décision ne touchera donc pas le grand public du zoo. Elle vise à maximiser les ressources nécessaires pour accélérer les travaux de développement du zoo entamés depuis trois ans », a déclaré à l’Hebdo Mona Mehrez, vice-ministre de l’Agriculture pour les ressources animales, avant de dévoiler qu’une « nouvelle stratégie intégrée de développement du parc » a été élaborée en coopération avec l’Autorité des projets du service national, dont le coût préliminaire de mise en oeuvre a été évalué à 400 millions de L.E. pour l’ensemble des zoos d’Egypte. « Le zoo de Guiza a besoin d’au moins 50 millions de L.E. pour entamer sa première phase de rénovation », estime Mehrez.
Le jardin zoologique est un établissement public, doté d’un budget autonome. 15 millions de L.E. est le budget annuel consacré au zoo via la vente de tickets d’entrée. Mais « la plus grande part de ce budget, environ 9 millions de L.E., est destinée à la nourriture des animaux », ajoute Mehrez, précisant que le plan de développement englobe les 9 parcs zoologiques du pays qui dépendent du département central du ministère de l’Agriculture. Ce sont les zoos de Guiza, d’Alexandrie, de Tanta, de Kafr Al-Cheikh, du Fayoum, de Béni-Souef, de Charqiya, d’Al-Arich, et le jardin des poissons du Caire.
Améliorer le bien-être des résidents
Trois ans après le lancement du plan de développement, quel bilan ? Selon Mohamad Ragaë, chef du département central des zoos, « le parc a connu plusieurs travaux de rénovation et de modernisation au cours de ces dernières années. Cependant, on est jusqu’à présent au stade dit de l’amélioration d’efficacité du parc qui date de 130 ans, et non pas de développement au sens propre du terme », explique-t-il. En effet, les équipes ont dû faire face à des difficultés de tout genre : un système de nettoyage déplorable, des arbres rares menacés d’extinction, les odeurs des animaux qui se faisaient sentir au-delà des murs du zoo, et des espaces confinés pour les animaux devenus non conformes. Et Ragaë d’ajouter : « En collaboration avec le ministère de l’Agriculture, on a travaillé sur deux axes en parallèle : améliorer l’accès du public aux services et le bien-être des animaux ». Un protocole de coopération a été signé avec le Centre des recherches agricoles pour examiner périodiquement les arbres rares qui menacent de tomber. Les bancs, les allées et le système de drainage de l’eau ont été rénovés. Un petit parc d’attractions, proposant des activités diverses destinées à divertir le visiteur, vient d’être aménagé cette année.
La conservation d’espèces :
La mission phare du zoo
Réactiver les missions du zoo longtemps négligé est la priorité numéro 1 du plan de développement, comme l’explique Ragaë : « Non seulement, le zoo propose un espace de détente et de loisirs, mais aussi il a une responsabilité en matière de préservation et de conservation des espèces ». Quelque 2 400 animaux, dont 23 espèces différentes, vivent dans ce gigantesque zoo, représentant essentiellement la faune africaine. De nombreux types d’animaux et d’oiseaux rares en voie de disparition vivent dans le parc.
« Pour conserver l’espèce, le zoo a mis en place un véritable plan de reproduction des oiseaux, des mammifères et des reptiles. Le taux de reproduction au zoo a atteint cette année 40 %. La reproduction est une question de survie pour le parc », assure Ragaë. Ce plan de reproduction repose sur trois axes : assurer une bonne nutrition pour les animaux, vacciner périodiquement les faunes de zoo contre les maladies. Quant au dernier axe, il concerne l’enrichissement du milieu de vie en parc zoologique « afin d’améliorer la qualité de vie et leur bien-être, mais aussi leur reproduction, qui est évidemment indispensable pour leur sauvegarde », précise Ragaë.
L’échange d’animaux,
un système qui marche
« La croissance de la reproduction des animaux de zoo a permis d’amener de nouveaux venus sans que cela coûte un centime à l’Etat à travers un système d’échange avec des zoos africains et internationaux », précise Ragaë. Car les allocations consacrées dans le budget à l’achat des animaux ont été supprimées depuis sept ans par le ministère des Finances. C’est donc par le biais de ce système d’échange que l’ours russe, l’oryx d’Arabie, vient de rejoindre les autres pensionnaires du parc. Le zoo de Guiza a aussi récemment reçu deux kangourous rouges venus de Slovaquie, pour la première fois depuis la création du zoo. « Le zoo se prépare pour recevoir dans les quatre mois à venir 3 girafes, un mâle et 2 femelles, ainsi que 2 rhinocéros en provenance d’Afrique du Sud. 2 zèbres mâle et femelle, et 2 nains seront apportés prochainement d’Australie ».
Une grande problématique demeure cependant : redonner vie à la maison des éléphants désertée depuis la mort de Naïma, à la fin du mois d’octobre dernier. Naïma, cette femelle éléphant, était la principale attraction du zoo depuis plusieurs décennies et avait vu plusieurs générations défiler. Mais concernant l’achat des éléphants, le système d’échange ne fonctionne pas puisque le commerce des éléphants est interdit par la Convention de CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction). Appelée aussi la Convention de Washington, celle-ci a été signée le 3 mars 1973 par 21 Etats dont l’Egypte. Cette convention régit le commerce des animaux en voie de disparition entre les pays du monde. Même la vente légale d’éléphants d’Afrique à des zoos reste drastiquement limitée et doit répondre à des critères précis.
« Des tentatives sont en cours pour acheter 2 éléphants mâle et femelle du Zimbabwe. Mais pour les transférer, un comité d’inspection de la CITES doit d’abord venir visiter le zoo de Guiza pour vérifier la conformité de la maison des éléphants. Malheureusement, nous ne sommes pas encore prêts », regrette Ragaë, avant d’expliquer que « la maison des éléphants actuelle a été construite selon les anciennes normes, alors que les nouvelles exigent l’adaptation du lieu au mode de vie des éléphants. Il faut par exemple leur fournir un terrain de jeu et un lac de limon pour qu’ils puissent refroidir leurs corps ».
Malgré des améliorations récentes, « la perle de la couronne des zoos d’Afrique » a encore beaucoup de chemin à parcourir pour reprendre son éclat passé.
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