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Elections palestiniennes : Un chemin semé d’embûches

Aliaa Al-Korachi, Mardi, 19 novembre 2019

Les factions palestiniennes, y compris les deux rivales, le Fatah et le Hamas, ont annoncé leur soutien à l'appel lancé par Mahmoud Abbas de convoquer des élections générales pour la première fois depuis 2006. De nombreux obstacles restent encore à surmonter.

Elections palestiniennes : Un chemin semé d’embûches

« Nous voulons des élections ». Tel est le hashtag qui ne cesse de mobiliser les Palestiniens sur les réseaux sociaux pour réclamer la rénovation des institutions palesti­niennes sans aucun mandat populaire depuis près de 13 ans. La dernière fois que les Palestiniens se sont rendus aux urnes pour choisir leur parlement, c’était en janvier 2006, et pour le pré­sident, c’était en 2005. En fait, les dernières élections parlementaires palestiniennes donnant au Hamas la majorité des sièges du parlement ont été suivies d’un affrontement entre ce mouvement et le Fatah qui a eu pour résultat le clivage actuel entre les deux partis. Cette division est illustrée par une division territoriale entre la Cisjordanie, gouvernée par le Fatah, et la bande de Gaza, gouvernée par le Hamas. Depuis cette date, parler d’un autre vote n’était que des slogans creux utilisés par les factions rivales pour se dresser l’une contre l’autre. Finalement, toutes les factions palesti­niennes ont annoncé solennellement leur soutien à l’appel lancé par Mahmoud Abbas de convoquer des élections générales, une première depuis 2006.

Tout a commencé le 26 septembre dernier, quand Abbas a annoncé, depuis la tribune de l’Assemblée générale des Nations-Unies, sa volon­té de convoquer les électeurs palesti­niens à de nouvelles élections géné­rales dans les territoires palestiniens, en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est et dans la bande de Gaza. « J’appelle l’Onu et toutes les organi­sations internationales concernées à contrôler ces élections et je demande­rai des comptes à tous ceux qui pour­raient tenter de les empêcher d’avoir lieu à la date déterminée », avait alors déclaré Abbas. A son retour de New York, Abbas a créé une commission dont la mission était de consulter les diverses factions palestiniennes sur les élections promises. Le Hamas a vite répondu par l’affirmative à l’ap­pel de Abbas d’organiser des élections législatives après une réunion avec des représentants de factions palesti­niennes à Gaza. « Nous avons traité les élections avec une grande flexibi­lité et avec une responsabilité natio­nale et avons fait des concessions afin de permettre aux élections de com­mencer et d’atteindre les objectifs souhaités », a déclaré le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh. Et le mouve­ment a tenté d’afficher plus de flexibi­lité, en acceptant la suggestion du Fatah que l'élection présidentielle soit fixée trois mois après les élections parlementaires et non pas le même jour comme le réclamait initialement Ismaïl Haniyeh. Le Hamas a même accepté la proposition de Abbas concernant la promulgation du décret présidentiel pour les élections géné­rales avant la Rencontre nationale.

Comment surmonter la méfiance mutuelle ?

Dans les jours à venir, Abbas devrait promulguer un décret présidentiel fixant une date pour la tenue des élec­tions dans les territoires palestiniens, probablement en février 2020. Mais s’agit-il du bon moment ? Les fac­tions palestiniennes sont-elles vrai­ment sérieuses cette fois-ci dans leur volonté de mener à bien le processus électoral ? Organiser les élections avant le dialogue national pourrait-il accélérer le pas vers la réconciliation ou bien, au contraire, l’approfondir ? Plusieurs questions s’imposent. Selon l’expert politique Ahmad Youssef, « le consensus palestinien sur la tenue des élections générales est certes un pas important, mais il reste encore beaucoup d’obstacles tant politiques que techniques à surmonter avant que les Palestiniens ne se ren­dent aux urnes ». « Les bonnes inten­tions ne suffisent pas. Malgré cet optimisme apparent, il existe une pro­fonde méfiance entre le Fatah et le Hamas. Le grand défi est que les deux partis respectent le résultat d’éven­tuelles élections et leurs consé­quences », estime-t-il.

Pour Barakat Al-Farra, ancien ambassadeur palestinien au Caire, la réforme de l’ensemble du système politique palestinien devient aujourd’hui inévitable « pour chan­ger le statu quo ». A Jérusalem comme en Cisjordanie, l’occupation se poursuit et il n’y a aucun progrès sur la mise en place d’une solution négociée à deux Etats. Gaza vit depuis une semaine sous les bombar­dements israéliens sans précédent depuis des mois. Selon beaucoup d’observateurs, ni le Hamas ni le Fatah ne peuvent rejeter ces élec­tions, parce que s’ils le font, ils seront tenus responsables par le peuple palestinien au moment où la cause palestinienne fait face aux défis de tous bords. D’autant plus que, selon Youssef, les sondages indiquent que les deux parties sont en perte de popularité. « Personne n’a aujourd’hui une légitimité totale sur la scène palestinienne. Abbas est dans la position politique la plus faible depuis son élection en 2005. Et le Hamas est dans l’impasse. Ses ficelles avec les forces régionales extérieures commencent à s’affai­blir », dit Al-Farra.

Selon Ayman Al-Raqab, membre du conseil révolutionnaire du mouve­ment Fatah, la convocation d’élec­tions par Abou-Mazen est une aven­ture semée d’embûches d’autant plus que « de nombreuses divergences doi­vent être résolues avant la promulga­tion du décret présidentiel fixant la date des élections législatives et pré­sidentielle » (voir entretien page 6). « Garantir la transparence des élec­tions est une condition-clé pour la réussite de cette élection. Or, la situa­tion en Cisjordanie et à Gaza ne favorise pas la tenue d’élections conformes aux principes internatio­nalement reconnus », explique de son côté Youssef.

Défis et interrogations

En fait, les obstacles logis­tiques sont aussi nombreux en Cisjordanie comme à Gaza à cause de l’occupation. Israël contrôle tous les points de passage entre les villes pales­tiniennes et pourrait empê­cher, par exemple, la marche vers les bureaux de vote dans des villes comme Jérusalem. En outre, Israël pourrait entra­ver le processus électoral à Jérusalem-Est. La reconnais­sance de Jérusalem comme capitale d’Israël fin 2017 par Trump complique davantage la situation. La Haute Cour de justice palestinienne en Cisjordanie a justifié sa déci­sion d’annuler les élections locales de 2016 en raison de l’impossibilité de les tenir à Jérusalem occupée. Abbas a annoncé à plus d’une occa­sion qu’il n’accepterait jamais d’élections sans Jérusalem-Est. « Au cas où Israël refuse­rait d’organiser des élections à Jérusalem, certains partis pourraient l’utiliser comme prétexte pour rejeter le pro­cessus électoral ». Un scéna­rio dans lequel les élections palestiniennes sont annulées à la dernière minute. Al-Farra prévoit même qu’Israël puisse intensifier dans la période à venir ses frappes destructrices sur la bande de Gaza pour bloquer les élections.

L’un des défis les plus immédiats, imposé d’ailleurs par la division palestinienne, est celui de savoir qui dirigera un organe conjoint chargé de décider des élections dans les deux territoires palestiniens, qui représentent depuis 2006 deux entités politiques, géo­graphiques et institutionnelles totalement distinctes. Comment le scrutin peut-il se dérouler sous deux systèmes judiciaires et sous la supervi­sion de deux agences sécuri­taires différentes ? Autant des questions restées sans réponses.

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