A Beyrouth, les partisans du Hezbollah ont brûlé les tentes installées par les manifestants. (Photo : AP)
Bien que les manifestations déclenchées en Iraq, il y a un mois, coïncident avec le mouvement de contestation au Liban, affichant les mêmes revendications, la violente répression dont les Iraqiens font l’objet contraste radicalement avec le pacifisme de la révolte à Beyrouth et son ambiance festive. Une différence qui s’explique, selon les observateurs, en partie, par le rôle joué par l’Iran dans la politique intérieure iraqienne qui est beaucoup plus vaste qu’au Liban. A Bagdad, 250 personnes ont trouvé la mort et 6 000 autes ont été blessées depuis le début de la contestation. En effet, dès le début, la réponse gouvernementale aux protestations a été brutale. Selon des témoins, les forces spéciales de la police et les milices pro-iraniennes, Al-Hachd Al-Chaabi, ont tiré à balles réelles sur la foule, des tireurs embusqués des milices visaient les manifestants à la tête et des scènes de répression littéralement sauvages ont été enregistrées. Tirant avantage de sa proximité avec l’Iraq, c’est l’Iran, selon des observateurs, qui a prêté main-forte aux forces de sécurité iraqiennes.
En outre, les milices chiites pro-iraniennes, qui se sont renforcées à la faveur de la lutte contre le groupe terroriste Daech, sont accusées de tirer sur les manifestants iraqiens selon plusieurs sources, dont Reuters. Les miliciens, qui se sont enrichis sur le dos des classes populaires d’un des plus importants exportateurs de pétrole au monde, ont tué impunément des manifestants qui ne faisaient que réclamer leur droit. Très rapidement, le mouvement s’est dirigé contre ces milices pro-iraniennes et même contre la présence de l’Iran dans le pays. Ainsi, les manifestants ont brûlé les sièges des partis et milices pro-iraniens et des drapeaux iraniens, et ont même manifesté devant un consulat iranien dans le sud du pays, où ils ont hissé un drapeau iraqien. Pour autant, contrairement, à ce que la propagande réactionnaire iranienne peut affirmer, le mouvement des jeunes précaires, des jeunes scolarisés et des travailleurs iraqiens n’est nullement teinté de nationalisme xénophobe anti-iranien.
Quant au Liban, bien que des menaces aient été lancées directement par le secrétaire général du Hezbollah libanais, Hassan Nasrallah, qui a utilisé les arguments de la peur du chaos pour faire taire les manifestants, l’effet des milices n’a pas causé les mêmes pertes. Comme en signe des tensions grandissantes dans le pays du Cèdre — théâtre, depuis le 17 octobre d’un soulèvement sans précédent contre la classe politique —, des partisans du Hezbollah et du mouvement Amal, identifiés comme tels par les médias locaux, ont saccagé, mardi 29 octobre, les tentes érigées par les manifestants et qui bloquaient certains axes de la capitale. Ils ont ensuite détruit et incendié les tentes montées sur la place des Martyrs, épicentre du soulèvement populaire.
Les assaillants ont notamment utilisé des chaises comme projectiles et attaqué avec des bâtons les manifestants qui n’avaient pas fui à leur approche. Les deux mouvements chiites ont ainsi clairement montré leur opposition à cette mobilisation, y compris à la tenue d’« élections législatives anticipées ». Les forces de l’ordre, qui avaient reçu pour instruction de ne pas recourir à la force, se sont efforcées de s’interposer entre les deux camps.
Au Liban comme en Iraq donc, la main de Téhéran était présente pour tenter de contrer le mouvement opposé à la politique des mouvements politico-militaires, contesté tant par les chiites que par les autres communautés.
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