Où en est le plan national de réaménagement des zones informelles ? Le plan avait été lancé en 2014 avec l’objectif d’éliminer totalement les zones informelles. Il comporte trois volets, à savoir le réaménagement des zones à risque, celui des zones non planifiées et enfin le réaménagement des marchés informels. Selon les chiffres publiés récemment par le Conseil des ministres, plus de 2 millions de citoyens ont profité jusqu’à présent de ce plan.
Les zones à risque sont celles qui mettent en danger la vie des habitants. C’est pourquoi elles constituent le premier volet du plan. 195 zones à risques, comprenant 105 672 logements, ont été réaménagées. 31 milliards de livres égyptiennes ont été consacrées à cette première phase qui doit s’achever en 2020. « Le programme de réaménagement des zones à risques comprend au total 351 projets. 60 % des travaux ont été achevés. Les 40 % restants, soit 165 projets, seront achevés à la mi-2020 », dévoile à l’Hebdo Khaled Seddiq, directeur exécutif du Fonds de développement des zones informelles. Et d’ajouter : « On devait initialement achever les travaux de réhabilitation de toutes les zones à risques en 2019. Mais le rajout de 7 autres régions à la carte nationale des zones informelles nous a obligés à prolonger l’échéance d’une année supplémentaire ».
Le deuxième volet du plan national de réaménagement des zones informelles est le développement des zones non planifiées. Ce sont des zones dotées d’infrastructures, mais ne faisant pas partie du plan d’urbanisation. Elles représentent 37,5 % du paysage urbain en Egypte. 22 millions de personnes y vivent dans des conditions précaires
Selon le bilan dressé par le Conseil des ministres, 52 zones non planifiées, d’une superficie de 4 351 feddans et réparties sur 6 gouvernorats, ont été réaménagées. Le coût total du programme de réaménagement des zones non planifiées est estimé à 318 milliards de L.E. Les travaux de réaménagement de ces zones devraient prendre fin en 2030. Quant aux marchés informels (qui constituent le 3e volet du plan national), 23 seulement ont été réaménagés dans différents gouvernorats comme Al-Wadi Al-Guédid et la mer Rouge. En tout, l’Egypte compterait près de 1 105 marchés informels dans 25 gouvernorats (voir page 5).
Selon Chérif Al-Gohari, urbaniste, le plan national de réaménagement des zones informelles a réalisé de réels progrès sur le terrain. Le fait que 31 milliards de livres (le plus gros budget jamais alloué par un gouvernement depuis 2009) avaient été consacrées aux zones informelles à risques, indique qu’il existe une forte volonté politique d’en finir avec ce phénomène.
Créé en 2008, le Fonds de développement urbain n’a commencé effectivement son travail qu’en 2014. Le fonds a commencé avec un budget de 870 millions de L.E. en 2015-2016. Ce budget a été doublé ensuite pour atteindre 1,5 milliard en 2016-2017. « Le budget 2018-2019, 15 milliards de L.E., est le plus important alloué au fonds », ajoute Seddiq.
Le droit à un logement adéquat
« Exode rurale, explosion démographique et urbanisation mal gérée sont autant de facteurs qui ont contribué à l’expansion des zones informelles aussi bien au niveau vertical qu’horizontal en Egypte », estime Hassan Salama, sociologue. Et d’ajouter : « Les politiques de logement adoptées par les gouvernements successifs n’ont jamais permis de freiner la progression des zones informelles, devenues au fil des années de véritables bombes à retardement ». Le tremblement de terre qui a frappé l’Egypte en octobre 1992, causant la mort de 560 personnes, a sonné pour la première fois l’alarme, attirant l’attention sur la fragilité des constructions dans les quartiers non réglementaires. C’est après l’effondrement d’un rocher dans la région d’Al-Doweiqa, qui a entraîné la mort de 119 personnes, en septembre 2008, qu’une carte nationale des zones à risques a été établie. La Constitution égyptienne de 2014 énonce, pour la première fois, dans l’article 78, « le droit des citoyens à un logement adéquat, sûr et salubre, d’une manière qui préserve la dignité humaine et réalise la justice sociale ». La Constitution a exigé également au gouvernement d’élaborer un « plan national pour résoudre le problème des zones informels en les dotant d’infrastructures et d’installations, et en améliorant la qualité de vie et de la santé publique ».
Stratégies de relogement
Al-Asmarat (3 phases), Rawdet Al-Sayéda, Ahalina I et II et Gheit Al-Enab, Al-Nouras Al-Guédida et Bachayer Al-Kheir, les projets de relogement des habitants des zones à risques se multiplient (voir infographie). « Plus de 60 projets sont en cours pour reloger des habitants des zones à risques dans différents gouvernorats », souligne Seddiq. Port-Saïd a été déclaré en décembre 2018 « la première ville sans zones informelles » en Egypte.
« Il existe quatre catégories de zones informelles à risque : les logements dangereux pour la vie des habitants ; inadéquats, insalubres et contrevenants », explique Seddiq, qui ajoute que « chaque zone a sa propre stratégie d’aménagement en fonction du degré de risque ».
« Parmi ces solutions figure le relogement des habitants dans les mêmes lieux ou dans des lieux alternatifs plus sûrs et plus proches de leurs vieilles maisons », affirme Seddiq, en donnant l’exemple du projet d’Al-Asmarat (1, 2 et 3), qui comprend 18 278 logements et qui a accueilli les résidents d’environ 15 zones informelles voisines. Par ailleurs, plusieurs autres mesures ont été prises dans le cadre du plan de réaménagement des zones informelles à risques : indemniser les habitants, éliminer les sources de danger, construire de nouvelles résidences ou légaliser le statut des habitants des zones non planifiées.
Les défis de l’après-réaménagement
Assurer la durabilité des projets de réaménagement et empêcher la formation de nouvelles zones informelles reste l’un des grands enjeux du plan du gouvernement. Al-Gohari affirme qu’il est « nécessaire de mettre en place, à côté des projets de l’Etat, des programmes de construction de logements sociaux qui associent les secteurs public et privé et offrent de facilités de payement afin de répondre au déficit de logements pour les ménages démunis ». Le gouvernement a déjà achevé 10 phases de logements sociaux dans tous les gouvernorats du pays. Et il envisage d’atteindre vers la moitié de l’année 2020 un total de 800 000 appartements.
Pourtant, l’enjeu principal n’est uniquement d’avoir des villes sans zones informelles et de reloger les habitants comme le souligne Soad Abdel-Réhim, directrice du Centre national pour les études sociales et criminelles, mais le plus important est de « préparer les habitants de ces régions à s’adapter à ce grand changement dans leur vie ». Et de conclure : « Afin d’assurer une transition réussie, le processus de sensibilisation doit précéder le déménagement et pas le contraire. Sinon, on se retrouverait avec les mêmes problèmes ».
Source : Fonds de réaménagement des zones informelles
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