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Daech peut-il renaître de ses cendres ?

Amira Samir, Mardi, 15 octobre 2019

Le risque d’une résurgence de Daech gagne de l’ampleur après l’évasion de plusieurs centaines de prisonniers détenus dans des camps à proximité des combats entre les forces kurdes et turques.

Près de 800 proches de membres de Daech se sont enfuis du camp des déplacés de Aïn Issa, situé à proximité des combats entre les forces kurdes et turques. Selon l’administration semi-autonome, 785 proches de djihadistes, incluant des femmes et des enfants, auraient échappé aux forces de sécurité syriennes sous commandement kurde, qui n’ont plus assez de ressources pour assurer le maintien du camp.

S’il ne s’agit que de proches, le chiffre et l’événement sont hautement significatifs. Quelque 12 000 combattants de Daech, des Syriens, des Iraqiens, mais aussi 2 500 à 3 000 étrangers originaires de 54 pays, sont en effet détenus dans les prisons des Kurdes, selon leurs statistiques. L’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH) a indiqué que tous les gardes avaient dû quitter le camp et que les déplacés fuyaient au fur et à mesure. Une émeute a même éclaté, vendredi 11 octobre, dans l’immense camp d’Al-Hol, au nord-est de la Syrie, le plus grand camp d’internement de familles de terroristes de Daech. Des femmes de djihadistes prisonnières auraient tenté de forcer le portail et de s’enfuir. Le camp d’Al-Hol du Kurdistan syrien est situé à 60 km au sud de la Turquie et à 10 km de la frontière avec l’Iraq. « On s’attend à ce que l’offensive turque conduise à d’autres vagues d’évasion ou à la réorganisation des djihadistes », prévoit Hassan Abou-Taleb, expert et conseiller du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.

Pendant des mois, les Kurdes ont lutté contre Daech aux côtés des Occidentaux. Ils étaient souvent en première ligne dans l’offensive contre le groupe terroriste malgré la résistance acharnée des djihadistes. Au nord de la Syrie, les Kurdes surveillent six camps de réfugiés et de prisonniers de Daech.

Une menace multiple

La question présente une menace multiple : réinsertion des djihadistes dans des groupes terroristes, recrudescence du terrorisme et problématique du retour des étrangers. Alors que certains des détenus souhaitent rentrer dans leur pays d’origine, d’autres continuent ouvertement à promouvoir l’idéologie du groupe terroriste. Or, plusieurs pays occidentaux refusent de rapatrier leurs ressortissants détenus par les Kurdes. Ces pays expriment leurs inquiétudes vis-à-vis d’un possible retour en force des attaques terroristes du groupe Daech, mais aussi du retour des djihadistes étrangers et leurs familles en leurs pays d’origine. « L’assaut turc dans le nord-est de la Syrie va sans doute pousser les Kurdes à se retirer de cette partie du front et stopper leur combat contre Daech. Cette partie, encore en ruines, pourrait redevenir une zone de non-droit qui favoriserait un retour en force du groupe terroriste », souligne Hassan Abou-Taleb.

Qui assume donc la responsabilité d’un éventuel retour de Daech ? En retirant ses forces armées de la Syrie, le président américain, Donald Trump, a affirmé que de nombreux djihadistes étaient encore sous la garde des Kurdes, tout en soulignant qu’il tenait Ankara pour responsable de leur sort. « Si les Kurdes ne les surveillent pas, ce sera à la Turquie (de le faire). Ils ne veulent pas, comme nous, que ces gens soient libérés », a-t-il expliqué. Le chef militaire kurde des Forces Démocratiques Syriennes (FDS), Mazloum Kobane, a déclaré que ses hommes chargés de surveiller les prisonniers étaient en route pour la frontière turque depuis l’annonce du retrait de soldats américains de la zone. « Toutes leurs familles sont situées dans la région de la frontière, donc ils sont obligés d’aller les défendre. La surveillance des prisonniers devient donc une seconde priorité pour les Kurdes », a-t-il déclaré à la chaîne américaine NBC News.

Pourtant, le risque Daech inquiète la communauté internationale, de Washington à Moscou, en passant par Paris, Londres et Berlin. Pour le général Khaled Okacha, directeur du Centre égyptien de réflexion et d’études stratégiques, « l’offensive turque a remis en cause les cinq ans de combat contre le groupe terroriste. Et s’ils fuient le champ de bataille syrien, ils pourraient renforcer des groupes radicaux islamistes dans le reste du monde, surtout les pays voisins de la Syrie qui seront les plus touchés par le retour du groupe terroriste ».

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