Les Houthis multiplient leurs agressions contre l'Arabie saoudite.
Dans l’histoire des guerres modernes, la maxime « Own the skies, win the war » (qui détient les cieux gagne la guerre) représente une constante. Raison pour laquelle les pays de la région dépensent, depuis des décennies, des milliards pour se doter de forces aériennes puissantes capables d’affronter tous les dangers. Cependant, les dernières attaques par drones contre les sites pétroliers d’Aramaco ont complètement changé la donne. « Ces petits engins ont réussi à mettre à terre, en un instant, la moitié de la production nationale de l’Arabie saoudite et 5 % de la production mondiale de brut sans déclencher les appareils de détection du pays qui possède le 3e plus grand budget consacré à l’armement, avec 70 milliards de dollars directement après les Etats-Unis et la Chine », souligne le général Nasr Salem, expert stratégique. Les drones sont des aéronefs sans pilote capables de parcourir de longues distances pendant de longues durées sans être détectés par les appareils de radar les plus sophistiqués. Ils sont orientés à distance avec une grande précision et peuvent porter différents genres d’armes, qu’ils s’agissent de missiles ou d’explosifs. Le premier drone est apparu en Grande-Bretagne en 1917. Le nom « drone » vient de l’anglais faux-bourdon. Dans les années 1930, l’un des constructeurs de versions automatisées d’avion avait baptisé les avions cibles Queen Bee (reine des abeilles), mais leur vol lent et bruyant les faisant plus ressembler à celui des faux-bourdons. Ce nom fut repris par l’armée américaine dès 1941.
Il faudra cependant attendre la Guerre Froide pour voir l’essor du drone. Il est secrètement développé par l’armée américaine comme un moyen de supériorité stratégique d’observation, de surveillance et d’intervention militaire dans les lignes ennemies sans encourir de risques humains. Les drones sont engagés lors des Guerres du Vietnam et de Corée, puis lors de la Guerre du 6 Octobre par l’armée israélienne.
Dans les années 1990, la doctrine de la guerre « zéro mort » conduit à développer les projets de drones armés à travers le monde, mais la toute première utilisation de ceux-ci a lieu durant la guerre Iran-Iraq où l’Iran a déployé un drone armé de six RPG-7. « Aujourd’hui, la technologie de fabrication des drones est à la portée de tous. Cette arme destructive peut être facilement rassemblée à partir d’équipements qui peuvent être introduits dans le pays en tant que jouets pour enfants. De plus, le prix de fabrication est relativement bas, alors que les systèmes de défense sont exorbitants », explique Nasr Salem.
Equilibre des forces
Cette arme a gagné une grande expansion dans la région. Bien que les Etats-Unis se soient abstenus de vendre ces engins à leurs alliés dans la région, la Chine a exploité le vide et a vendu des drones similaires aux drones américains. Selon The Financial Times, au Moyen-Orient, Israël, l’Iran et la Turquie produisent et exportent cette arme, alors que d’autres pays comme les Emirats, l’Arabie saoudite et l’Iraq les achètent des marchés mondiaux comme la Chine. En fait, Israël occupe la tête de liste des pays producteurs et exportateurs de drones non seulement dans la région, mais aussi au niveau mondial. Selon Reuters, Israël détiendrait 60 % du marché total des drones dans le monde et produit les engins les plus sophistiqués. Israël emploie également cette arme pour adresser des attaques contre l’Iran tout en niant les accusations d’être à l’origine de ces attaques afin d’éviter une guerre ouverte avec ce pays. En effet, les drones ne portent pas de drapeau et il est quasiment impossible de savoir d’où ils proviennent. Bien plus, ils sont aujourd’hui munis d’une capacité autodestructive au cas où ils viendraient à tomber entre les mains de l’ennemi. Il s’agit d’ailleurs de l’un des principaux avantages de cette arme.
Par ailleurs, l’Iran et la Turquie produisent massivement les drones et les exportent à leurs alliés. « C’est ainsi que les drones sont parvenus entre les mains d’organisations non-étatiques comme les Houthis, le Hezbollah et les groupuscules armés en Syrie et en Libye », explique Nasr Salem. Le Hezbollah a utilisé plusieurs drones obtenus de l’Iran durant les années de guerre en Syrie, alors que les groupuscules armés syriens ont utilisé ces aéronefs pour attaquer des objectifs gouvernementaux sans déclencher les systèmes de défense aérienne. En Libye, la Turquie a fourni aux milices les équipements de fabrication de drones afin d’adresser des frappes à l’armée nationale. Les Etats-Unis ont aussi massivement utilisé cette arme au Moyen-Orient dans leur lutte contre Al-Qaëda et Daech. Mais ces derniers temps, ce sont les Houthis qui utilisent le plus cette arme contre des objectifs saoudiens. « Il n’est pas difficile de viser les sites d’Aramco, les pipelines ou les raffineries de pétrole, car les coordonnées de ces objectifs sont entièrement disponibles sur les cartes électroniques. Mais ce n’est pas là le véritable danger. Le problème est que les Houthis utilisent les drones pour épuiser les capacités économiques de l’Arabie saoudite. Ils lancent dans le ciel saoudien des dizaines de drones qui ne coûtent que quelques milliers pour déclencher les systèmes de défense qui lancent alors contre ces engins des missiles qui coûtent des millions », conclut Nasr Salem, qui regrette que le projet des forces arabes conjointes n’ait pas vu le jour, car ces forces similaires à l’Otan auraient été capables de défendre les pays et les intérêts arabes.
Lien court: