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Le plan Education 2.0
est l’avenir de l’enseignement en Egypte ». C’est par ces mots que le ministre de l’Education et de l’Enseignement technique, Dr Tareq Chawqi, qualifie la réforme du système éducatif que le ministère a lancée il y a un an et toujours à l’oeuvre. Une réforme censée mettre un terme aux multiples maux dont souffre le système éducatif, tels des curricula obsolètes, le parcoeurisme au détriment de la réflexion, un personnel sous-payé souvent non formé, et surtout la faiblesse dans la construction de la personnalité et de l’identité et dans le sentiment d’appartenance chez l’élève. Résultat : un grand écart entre la qualité de la main-d’oeuvre produite et offerte par ce système et la demande du marché du travail. Selon le Dr Tareq Chawqi, ce décalage entre ce qui a été enseigné à l’école par des méthodes essentiellement traditionnelles et mesuré par des outils d’évaluation qui ne prennent en compte que les compétences de mémorisation ne répond plus aux besoins du monde de travail d’aujourd’hui.
Des ajustements profonds étaient donc nécessaires, pour combler le déficit d’un système jugé révolu. Le plan de réforme du système éducatif national Education 2.0 vise en premier lieu à doter les élèves égyptiens, du préscolaire jusqu’au secondaire, de compétences transversales. Cela passe d’abord par la révision du cadre curriculaire pour le préscolaire, la première année primaire. Cette rentrée, la deuxième année primaire s’y ajoutera. Mais aussi par le fait d’accélérer parallèlement l’élaboration de celui de toutes les années scolaires en trois ans — et ce, d’après une recommandation faite par le président Al-Sissi =— en coopérant avec des ministères pour introduire de nouveaux concepts dans les curricula, notamment en matière d’environnement, de tourisme, d’identité et d’histoire. Un besoin également de modifier les instruments et types d’évaluation des trois années du secondaire, un processus qui a fait couler beaucoup d’encre l’année passée et continue de le faire. Et surtout de renforcer la qualité d’enseignement technique et professionnel en déclin depuis des années, bien qu’il soit un élément-clé dans le développement économique et la promotion des investissements dans le pays (voir page 5).
C’est via cette réforme ambitieuse que les résultats d’apprentissage des élèves pourront intégrer les compétences de vie, telles que définies par l’Unicef. En fait, le nouveau curriculum pour le préscolaire et la première année primaire renferme des compétences qui visent à assurer le développement de l’individu, tels l’empathie, la coexistence, le respect des différences, la coopération, la communication, la négociation, le partage, etc. Et c’est dans ce contexte qu’un manuel multidisciplinaire, Discover (découvre), élaboré en coopération avec l’entreprise Discovery Education Egypt, un partenaire fondamental avec la Banque de connaissances d’Egypte qui lie les manuels scolaires par un contenu numérique attrayant d’une haute qualité, et la maison d’édition Nahdet Misr Publishing House, et révisé par des experts dans des institutions nationales et internationales, remplace, depuis l’année passée, les manuels séparés de chaque discipline. Celui-ci comprend des sciences, des mathématiques, de l’histoire et de la géographie. A noter que le nouveau curriculum est axé sur l’approche interdisciplinaire, où l’on met en relation deux ou plusieurs disciplines scolaires qui s’exercent à la fois, en but de traiter une problématique dans son ensemble, ainsi, par exemple l’élève réalise un projet dans lequel il développe sa capacité d’analyse et de synthèse à partir des perspectives de plusieurs disciplines et en coopération avec ses camarades, ce qui marie interdisciplinarité avec compétences transversales.
Fin de la polémique sur les écoles de langues
Dr Nawal Chalabi, directrice du Centre de développement des curricula au ministère de l’Education et de l’Enseignement technique, a annoncé que les élèves étudieraient le livre Discover (découvre) multidisciplinaire en la première langue enseignée dans leur école, autrement dit, en arabe dans les écoles publiques, en anglais dans les écoles publiques, expérimentales et privées de langues, et en français dans les écoles francophones, traduit en coopération avec l’ambassade de France en Egypte. Outre le livre Découvre multidisciplinaire, des manuels sont également en usage, ceux d’anglais, à savoir Connect dans les écoles publiques et Connect Plus dans les écoles publiques, expérimentales et privées de langues, ainsi que le manuel de l’éducation religieuse, soit musulmane soit chrétienne, tout en mettant l’accent sur les valeurs humaines. Ce qui unifie les manuels des langues, que chaque école utilisait à son choix, et met fin à une polémique qui avait été déclenchée parmi les parents soucieux de l’avenir de leurs enfants inscrits dans ces écoles autour du « niveau élevé de langue » de peur qu’il ne soit annulé. Quant aux écoles francophones, le ministère a proposé des manuels conformes au cadre curriculaire de la réforme du nouveau système éducatif, pour que chaque direction de ces écoles choisisse parmi les manuels qui figurent sur la liste proposée.
Cette année scolaire en cours, 2018-2019, de nouveaux curricula sont également préparés pour les élèves de la deuxième année primaire en but d’assurer la continuation du nouveau système établi l’année passée, ce qui signifie que le nombre d’élèves touchés par le changement du cadre curriculaire dépassera cette année les 6 millions. Dans le même but, l’élève de la deuxième année primaire reste avec le même enseignant de l’année passée, une décision que Dr Tareq Chawqi a qualifiée par « le retour au professeur de classe ».
Autre question tranchée, les enseignants des mathématiques ont signalé des remarques suite aux observations faites durant l’usage du manuel multidisciplinaire avec les élèves durant l’année scolaire passée. Selon eux, les activités des mathématiques incluses dans le manuel multidisciplinaire n’étaient pas suffisantes pour acquérir des fondements solides relativement aux notions élémentaires en mathématiques, ainsi que les habiletés des mathématiques indispensables pour leur maîtrise au cours des années d’études qui suivent. Ainsi, et en réponse aux recommandations des enseignants des mathématiques, le ministère a décidé de fournir aux élèves un livre de mathématiques imprimé séparément du livre Discover multidisciplinaire.
Une nouvelle philosophie
Selon le Dr Tareq Chawqi, ce qui compte vraiment dans les nouveaux curricula c’est plutôt la philosophie. C’est pourquoi diverses formations sont faites pour que les enseignants soient prêts à ce changement profond qui est survenu en général sur tout le système éducatif égyptien, y compris des formations faites parallèlement à l’application du nouveau curriculum du préscolaire et des première et deuxième années primaires, de sorte qu’ils adoptent des stratégies servant à ses objectifs, dont la stimulation de la créativité, de l’analyse et de l’imagination des élèves. En dotant également ces enseignants d’un guide pédagogique leur permettant d’aider les élèves dans leur apprentissage. En plus des formations continues qui s’intéressent aux comportements professionnels des enseignants de tous les cycles scolaires, tel le programme Teachers First (les enseignants d’abord) (voir page 5). Mais aussi des formations sur l’usage des tablettes et des nouvelles technologies pour les enseignants du cycle secondaire, et ce, dans le cadre de la réforme engagée dans les types et les modalités d’évaluation pour les trois années du secondaire qui se terminent par un examen à la fin de la troisième année, connue sous le nom de Thanawiya Amma (bac égyptien). Notant que le ministère assure que cette évaluation consiste à mesurer les résultats d’apprentissage basé sur la compréhension, où l’enseignant joue le rôle d’un facilitateur dans le processus de l’apprentissage qui aide les élèves à chercher, à comprendre et à mieux répondre aux nouveaux types de questions, tandis que les tablettes, les réseaux et les logiciels ne sont qu’outils (voir page 5).
Un changement radical dans le type d’évaluation des première et deuxième années primaires est également mis en place, et ce, d’après une décision ministérielle, stipulant que les évaluations consistent à mesurer les performances et les comportements individuels et collectifs des élèves à travers des tâches orales ou écrites qui seront mesurées par une grille d’évaluation où le résultat est classé comme suivant : dépasse les attentes, remplit les attentes, remplit parfois les attentes ou inférieur aux attentes. Dr Nawal Chalabi a déclaré dans les médias que l’évaluation est formative continue où l’élève est évalué non pour concurrencer ses camardes, être jugé et classé mais pour apprendre et évoluer.
Selon Dr Waël Fouad, maître de conférences à la faculté de pédagogie de l’Univesité de Aïn-Chams, cette réforme qui vise en premier lieu les élèves des écoles publiques assurerait l’égalité des chances dans le marché du travail, où le seul critère permettant l’accès à l’emploi serait les compétences individuelles, ce qui contribuerait à l’ascension sociale de diverses couches sociales.
Des besoins toujours trop importants
Dr Magda Nasr, membre de la commission de l’éducation au parlement, assure que la réforme était tant attendue par les Egyptiens, et qualifie celle du préscolaire et des premières années primaires comme « l’espoir de l’Egypte, car elle contribue à promouvoir les valeurs, les pratiques étiques et à préserver l’identité nationale ». Et d’ajouter : « Le parlement, suite à une demande faite par Dr Tareq Chawqi, a décidé d’allouer à l’éducation un budget de 99 milliards de L.E. (le ministre avait demandé 111 milliards) ». A noter que le budget était de 115 milliards de L.E. en 2018-2019.
Cette réforme, toujours selon Dr Magda Nasr, est quand même confrontée aux nombreux défis, dont les classes bondées qui font relativement obstacle à l’application du nouveau curriculum et le déficit dans le nombre des enseignants dans certaines régions. « A mon avis, les classes mobiles proposées par le ministère de l’Education seront effectivement des solutions rapides », a-t-elle ajouté. Pour sa part, Dr Tareq Chawqi a récemment annoncé durant une conférence de presse que 13 600 classes dans divers gouvernorats ont été construites cette année. Or, il y a un besoin d’en créer 100 000. A cette occasion, il a engagé la société civile et le secteur privé afin d’aider l’Etat soit par la terre soit par le financement. Soulignant que le ministère avait inauguré 35 écoles japonaises l’année passée et en ouvre 5 autres au cours de cette nouvelle année scolaire, ainsi que 11 écoles publiques internationales, et ce, dans le contexte d’un travail ardu que le ministère mène afin de reconstruire un système éducatif produisant une personnalité égyptienne capable de vivre, de communiquer et de travailler au XXIe siècle.
Une réforme que Dr Tareq Chawqi compare à la construction d’un nouvel établissement qui vient pour déplacer un ancien délabré et dont, toujours selon lui, la masse et les trois premiers étages ont été mis en place en 2018.
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