Al-Ahram-Hebdo : Au Salon de Pékin, vous avez été un messager arabe important. Est-ce la première participation de la maison d’édition Fadaate et comment était votre contribution ?
Gehad Abou Hashish: Notre première participation au Salon de Pékin était en 2018, où nous avons signé un protocole de coopération avec la maison Intercontinental qui consiste au partenariat dans le cadre des droits internationaux des livres. En cette édition du salon, la maison d’édition Fadaate dont je suis le représentant a contribué à de nombreuses activités telles que le lancement du recueil de nouvelles édité par la maison du Peuple pour la littérature et la maison Fadaate. Cela consistait à rassembler dans le même livre 8 écrivains chinois et 8 arabes, venant de Jordanie, d’Egypte, d’Iraq, de Syrie, de Tunisie, du Maroc, de Palestine et d’Oman.
— Comment avez-vous pu approcher le lecteur chinois, surtout avec votre catalogue arabe ?
— Nous avons, sur notre catalogue, certains livres traduits du chinois vers l’arabe, comme Le Miracle de Huawei et Les Hommes-robots de Chine, en plus de 4 romans des classiques de la littérature chinoise comme Les Rêves des palais rouges et La Romance des trois royaumes, entre autres oeuvres remarquables. Nous avons aussi des oeuvres arabes traduites en chinois comme le roman de l’Iraqienne Hadia Hussein, Les Femmes du seuil.
— Vous avez aussi participé au 9e Colloque de l’édition électronique organisé en marge du salon. Comment pourriez-vous juger la scène actuelle de l’e-édition arabe ?
— Le titre de mon papier présenté dans ce cadre est « L’édition numérique dans le monde arabe, le réel et les défis », j’ai dû contacter nombre d’éditeurs dans le monde arabe et dont les témoignages me sont d’une grande importance, comme l’Egyptien Ali Abdel-Moneim et le Jordanien Dr Ahmed Rahahla. Je m’y suis affronté à la situation négative de l’édition numérique aux pays arabes. Or, le taux de cette édition ne dépassait pas les 10% de l’édition en papier jusqu’en 2018, en sachant que les statistiques ne sont pas très précises quant à l’intérêt porté à l’e-book. Il y a plusieurs points majeurs à relever: Les éditeurs arabes se limitent au transfert classique du livre en papier vers le numérique, ils ne possèdent pas les connaissances technologiques suffisantes pouvant aboutir à une conscience contemporaine du progrès qui nous entoure, en plus du désintérêt de l’éditeur de savoir les types des lecteurs et d’analyser leurs différentes tendances. Et cela, sans compter le niveau de l’enseignement dans les différents pays arabes qui ne déploient aucun effort pour rejoindre la société de connaissance développée sur l’échelle mondiale.
— Pourtant, l’emploi de la technologie, de l’Internet en particulier, est très développé parmi les Arabes, notamment la jeune génération. Qu’est-ce qui empêche donc l’élan au niveau de l’édition numérique ?
— Les Arabes sont encore au seuil de l’édition électronique, malgré le progrès remarquable sur le plan de l’utilisation des appareils électroniques, des smartphones en particulier. Les plateformes qui facilitent l’accès au contenu électronique ne traitent pas l’éditeur arabe au pied d’égalité avec l’éditeur occidental, et en plus, elles contribuent à augmenter ce fossé par la prolifération de contenus illicites, en accueillant sur leurs espaces des sites de vente en ligne qui offrent des livres piratés. C’est pourquoi l’Union des éditeurs arabes a sorti le décret numéro 129, le 16 juillet 2019, qui consiste à « considérer les grandes sociétés telles que Google, Amazon, YouTube, Apple et Microsoft et leurs alliés, des partenaires au crime du piratage et de la contrefaçon ».
— Dans le cadre de votre expérience en tant que maison d’édition arabe qui souffre de la faiblesse du marketing du livre en général et numérique en particulier, comment pourriez-vous profiter du partenariat avec le côté chinois ?
— Dans Fadaate, nous tentons de développer nos capacités électroniques, et pour cela, nous venons de lancer Fadaate Media qui est concerné par le marketing des livres et de leurs auteurs et d’aller en quête de projets électroniques sur le plan international et y trouver des espaces d’interaction. Quant au partenariat avec les Chinois, et d’après notre propre expérience de Fadaate-Intercontinental, je peux confirmer que la partie chinoise se distingue des autres pourvoyeurs de fonds parce qu’elle s’intéresse premièrement à créer un équilibre dans le domaine de l’édition, internationalement, et loin de la mainmise de certaines grandes boîtes sur le marché. Cela dit, le fonds offert par les Chinois ne tente pas d’imposer son point de vue, mais de maintenir de véritables partenariats mutuellement bénéfiques. Un partenariat qui ne s’attache pas uniquement aux gains matériels, mais surtout à la construction des ponts culturels. Le plus important est que le côté chinois s’intéresse à diffuser la langue arabe et à fournir tout ce qui manque à la librairie arabe dans les domaines de la philosophie chinoise, l’architecture, l’art chinois, en plus des livres des légendes et des chevaliers.
— Comment pourrait-on, sur le plan arabe, consolider les rapports culturels avec la Chine et profiter de cet espace accueillant comme vous l’avez confirmé ?
— Il faut savoir que le côté chinois oeuvre à créer une relation véritable de partenariat et cherche à la réussir à tout prix, la preuve en est qu’il a commencé depuis quelques années à enseigner la langue arabe, et le nombre des universités qui l’enseignent atteint aujourd’hui 170. En plus des projets culturels de partenariat montés actuellement dans la traduction, le théâtre et d’autres formes artistiques. L’important est de préserver des relations de partenariat équitables qui dépassent les gains financiers, en insistant sur le culturel qui renforce toute coopération possible.
*Gehad Abou Hashish est poète, écrivain et éditeur, fondateur de la maison d’édition jordanienne Fadaate qui sera présente au Caire prochainement.
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