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Al-Béchir devant la justice

Samar Al-Gamal, Mardi, 27 août 2019

Evincé en avril après plusieurs mois de protestations qui ont mis fin à son pouvoir, l'ex-président soudanais Omar Al-Béchir se retrouve derrière les barreaux où il est jugé pour « corruption » et « trafic d’influence ».

Al-Béchir devant la justice
L'ex-président Omar Al-Béchir est jugé pour corruption.

Très peu d’éléments sont connus sur la vie de Omar Al-Béchir. Il est né en 1944 dans la tribu bédouine d’Al-Bedairya Al-Dahmashya dans une famille d’agriculteurs du nord du Soudan, qui faisait alors partie du Royaume égyptien. Il joint plus tard l’armée, devient colonel et arrive au pouvoir alors qu’il avait 45 ans. On était en 1989, Al-Béchir fait renverser le pouvoir en place avant de s’auto­proclamer président en 1993. Il se fait réélire en 1996, puis en 2010 et 2015. Pendant plus de dix ans, Al-Béchir avait réussi à échapper à la justice internationale malgré les mandats émis contre lui par la Cour Pénale Internationale (CPI) pour crimes de guerre présumés au Darfour.

Aujourd’hui, il doit répondre aux accusations de corruption par le Parquet soudanais. Habillé en djella­bah blanc et coiffé du traditionnel turban soudanais, derrière une cage de fer, il fait sa comparution devant le tribunal, dans une séance diffusée par la télé. C’est la troisième fois qu'Al-Béchir apparaît en public depuis sa chute en avril, sous le coup des mani­festations. Les chefs d’inculpation retenus contre lui sont la « possession de devises étrangères » et des actes de « corruption » et de « trafic d’influence », selon le Parquet. Le 21 avril, le chef du Conseil militaire de transition, le général Abdel-Fattah Al-Burhan, qui dirige actuellement le pays, avait affirmé que l’équi­valent de plus de 113 millions de dollars avaient été saisis en liquide au domicile d'Al-Béchir à Khartoum. Ce sont les questions d’argent saisi qui ont dominé cette journée au tribunal. Mais aussi — fait nouveau apporté au tribunal par l’un des enquêteurs — les quelque 90 millions de dollars qui lui auraient été offerts en plusieurs paiements par des diri­geants saoudiens. Durant cette audience de procédure, l’accusation a présenté deux témoins, dont l’ancien enquêteur du Parquet et un officier des renseignements militaires. L’ex-président n’a fait aucun commentaire, mais la défense a réclamé sa libéra­tion sous caution.

A la sortie du tribunal, le chef de l’équipe des avocats de l’ancien pré­sident soudanais, Ahmad Ibrahim Al-Taher, a déclaré : « Bien sûr, il y a un procès médiatique énorme contre Omar Al-Béchir. Il y a des accusa­tions excessives. Ils disent que le président a volé par-ci, par-là, qu’il a transféré de l’argent à l’étranger … C’est un procès monstrueux, celui qui a lieu à l’exté­rieur de cette salle. Mais ce qui se passe à l’intérieur de la salle du tribunal est tout à fait différent. Il y est ques­tion de preuves et, jusqu’à présent, le tri­bunal n’a apporté aucune preuve ».

Mais les Soudanais protestent contre ce jugement et demandent à la justice et au pro­chain gouvernement civil de juger l’ancien chef de l’Etat pour tous les crimes qu’il a commis durant les trente ans où il a occupé la tête du pouvoir. En mai, le procureur général soudanais avait ouvert des enquêtes pour « meurtres » de manifestants. Un crime pour lequel on encourt la peine de mort au Soudan.

Le Conseil militaire de transition s’était pourtant à ce moment exprimé contre son extradition à La Haye. Le Soudan n’est pas un Etat partie au Statut de Rome. Cependant, le Conseil de sécurité ayant déféré à la CPI la situation au Darfour, la Cour peut exercer sa compétence.

Moawiya Khodr Al-Amine, qui se présente comme l’avocat d’une des victimes, affirme avoir déposé un dossier pour faire remonter le dossier d’Al-Béchir devant le procureur général afin d’inclure d’autres accu­sations plus graves. « Nous commen­çons une nouvelle ère dans un Soudan nouveau. Nous avons une nouvelle justice dans un Etat de droit. Les martyrs tombés durant l’ère de Omar Al-Béchir ont été abattus par les armes de ce régime. L’ancien prési­dent était la cause de tous ces mar­tyrs. C’est un criminel, un tueur. Nous considérons qu’il faut l’accuser d’avoir tué des citoyens innocents, d’avoir commis des crimes ethniques et d’avoir imposé des déplacements forcés aux gens du Darfour et à d’autres populations du Soudan », a-t-il déclaré devant le siège du tribu­nal. La prochaine séance doit avoir lieu le samedi 31 août.

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