Créé il y a presque 140 ans, l’Institut Français d’Archéologie Orientale (IFAO) s'attache à produire des connaissances nouvelles sur l’histoire de l'Egypte, de la préhistoire au XXe siècle. L’égyptologue Laurent Coulon, qui vient d’être nommé directeur de cette institution de renommée, aura plusieurs défis à relever. Il désire tout d’abord que l’IFAO reste au coeur d’un réseau de travaux archéologiques et de programmes de recherche collectifs sur toute l’Egypte. Il entend ainsi poursuivre la production de données archéologiques, ce qui passe avant tout par les chantiers de fouilles : 34 missions françaises sont actuellement palcées sous l'égide de l’IFAO. Selon lui, son rôle en tant que directeur de l’institut est de soutenir ces opérations archéologiques ; l’IFAO n’a pas l’intention d’augmenter le nombre de ses chantiers de fouilles, mais plutôt de développer les sites déjà étudiés. Le projet premier de l’IFAO est donc d’approfondir les recherches sur les sites majeurs déjà exploités. Il donne l’exemple du site de Médamoud, au nord de Louqsor, où l’équipe de l’IFAO a récemment découvert un ensemble de fours de potier. Un four avait déjà été mis au jour pendant la première moitié du XXe siècle, et la reprise de l'étude du quartier artisanal s'avère très prometteuse.
En dehors des fouilles, Laurent Coulon entend poursuivre le programme de publication des données de l’IFAO sous forme d’ouvrages, étant donné que l’institut possède un service d’édition et une imprimerie, qui publie des ouvrages de grande qualité. « C'est un atout fondamental que de posséder cette chaîne de production de connaissances sur l’Egypte, depuis la fouille archéologique jusqu’à la publication en passant par l’interprétation menée par l’institut et les chercheurs qui y sont associés », indique-t-il, se défendant des accusations de certains qui estiment que les ouvrages de l’institut sont très spécialisés et ne s’adressent pas au grand public. « Notre mission est d'abord de faire des recherches scientifiques, mais nous nous attachons aussi à diffuser ces connaissances et à valoriser les découvertes », explique-t-il, assurant que ces dernières années, l’IFAO essaie notamment de publier de « beaux livres » comme Instantanés d’Egypte, qui fait découvrir, à destination du grand public et en version française et arabe, les trésors photographiques des archives de fouilles de l'institut. Il souligne que pendant les prochaines années, le service éditorial de l'institut travaillera à répondre à la demande de diffusion des connaisssances en contribuant à la réalisation de guides archéologiques en français, en anglais et en arabe, qui seront des synthèses, rédigées par les chercheurs, des connaissances accumulées sur des chantiers comme ceux de Deir Al-Médina.
Formation des jeunes
L’IFAO est une des plus grandes institutions opérant sur les sites archéologiques en Egypte. Les missions travaillent dans la Vallée du Nil, notamment à Dendara, Deir Al-Madina et Karnak, et opèrent aussi sur les marges du pays, à l'ouest du Delta, comme à Plinthine, dans le désert oriental et sur les bords de la mer Rouge, comme au port de Wadi Al-Jarf, dans le désert occidental, à Dakhla, Kharga ou Bahariya, ces trois sites étant actuellement fermés pour des raisons sécuritaires.
Cependant, l’objectif du nouveau directeur est aussi d’augmenter l’offre de formation de l’IFAO pour les jeunes chercheurs aussi bien français qu’égyptiens, avec un programme de formation plus structurée, à la demande du ministère égyptien des Antiquités, et qui sera organisé sur trois niveaux : par exemple, pour ce qui concerne l’archéologie, le premier niveau visera à l'apprentissage des techniques, le deuxième à une participation plus autonome des jeunes chercheurs aux fouilles et le troisième à la publication d'une étude aboutie, avec toute l’interprétation des données.
Parmi les défis de Laurent Coulon figure le développement continu des chantiers tout en conservant leur standard archéologique. Il accorde par ailleurs une grande importance à la préservation du patrimoine et à sa valorisation, comme en témoigne le travail en cours à Tanis.
Le nouveau directeur vise par ailleurs à développer l’usage du numérique à l’institut, c’est-à-dire parvenir à une meilleure gestion des données numériques, et à développer les publications sur Internet. Cela permettra à la fois une double publication des ouvrages, au format papier et en ligne. L’enjeu est aussi d’archiver les données numériques produites par l’IFAO, telles que les photographies, les plans, les bases de données, les rapports produits par les chercheurs, etc. « Cela permettra de les réutiliser facilement à travers une plateforme d’archivage complète, qui constituera une immense bibliothèque numérique », explique-t-il, tout en soulignant que tous ces défis ne peuvent être relevés qu’en collaboration étroite avec le ministère égyptien des Antiquités et que les initiatives de l'IFAO bénéficieront grandement de partenariats avec les autres acteurs implantés en Egypte, par exemple avec le Centre d’études alexandrines, le Centre Franco-Egyptien d'Etudes des Temples de Karnak, le Cedej et l'IRD, mais aussi les autres instituts étrangers, pour que l’IFAO, comme ceux qui participent à l'étude et à la préservation du patrimoine égyptien, puissent avoir accès à toutes les données issues du terrain.
La bibliothèque, fleuron de l’IFAO
La bibliothèque de l’IFAO, qui est l’une des plus riches au monde dans le domaine du patrimoine égyptien, se situe au coeur des intérêts de Laurent Coulon. « Cette bibliothèque avec ses 92000 ouvrages accessibles à tous les étudiants avancés et chercheurs présents en Egypte est un instrument privilégié des relations franco-égyptiennes », indique-t-il, soulignant que l'IFAO a le projet de bâtir, sur les terrains de l’institut, un nouveau bâtiment moderne qui permettra aux chercheurs et aux étudiants de mieux accéder aux ouvrages, tout en soulageant le premier étage de l'ancien palais Mounira, qui sera occupé par des salles d’archives, des salles de travail et de conférences. L’IFAO poursuit aussi son très riche programme de rendez-vous mensuels archéologiques, de colloques, de tables rondes, etc., qui permet aux chercheurs, aux étudiants et à un public extérieur de mieux connaître les recherches de l’institut et ses travaux.
Laurent Coulon est fier de ce qu’a réalisé l’IFAO depuis 1880, puisque l’institution a su maintenir sa tradition de recherche sur l’Egypte pendant tout ce temps et a réussi à construire un centre du patrimoine scientifique de par ses publications, sa bibliothèque et ses archives. Il affirme que la vie d’égyptologue est constituée d’un passionnant travail de recherches sur le terrain et dans les bibliothèques. Il a par exemple, dans les années 2000, eu la chance de travailler sur la cachette de Karnak, découverte faite par G. Legrain au début du XXe siècle, grâce à laquelle des centaines de statues ont été mises au jour dans le sol du temple d'Amon, puis extraites pour être entreposées dans les salles et le sous-sol du Musée égyptien du Caire (place Tahrir). Laurent Coulon a conçu, une base de données en ligne pour faire connaître ce corpus, et a mis en évidence certains aspects de son intérêt historique. Parmi les statues, il a ainsi découvert celle du fils de Platon, qui était prêtre à Karnak tout en étant administrateur pour les souverains grecs d’Alexandrie au 1er siècle avant notre ère.
Le nouveau directeur de l’IFAO a déjà passé plus de dix ans de sa carrière sur terrain, en Egypte, à étudier notamment les chapelles osiriennes de Karnak, découvertes au XIXe siècle. Pour lui, il s’agit d’un travail passionnant qui allie les fouilles archéologiques, l'étude des textes et l’interprétation des vestiges de décor qui sont sur les parois des chapelles. Il a aussi passé des périodes en France en tant que chercheur au CNRS puis professeur à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes et se dit très heureux d’être maintenant en Egypte et à la tête de l’institut l
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