Al-Ahram Hebdo : Quels sont les avantages du nouveau système d’assurance-santé, lancé le 1er juillet dans la ville de Port-Saïd ? Et qu’est-ce qu’une « assurance globale » ?
Alaa Ghannam : C’est une démarche très importante qui vise à mettre fin à la fragmentation du système de santé en Egypte. Le mot « global » signifie que le système d’assurance santé couvre toutes les zones géographiques, tous les types de maladies et couvre obligatoirement toutes les couches sociales sans aucune distinction : les riches, la classe moyenne et les plus démunis. C’est aussi la première fois qu’un système d’assurance-maladie couvre le secteur informel. Il offre à l’assuré trois niveaux de service médical. Le premier niveau est celui de la médecine préventive. Il s’agit de lutter contre la maladie avant d’en être atteint. C’est le rôle que doivent jouer les centres médicaux des soins primaires. Le deuxième niveau concerne le diagnostic, qui est le rôle des hôpitaux, quel que soit leur degré. Le dernier est celui de la réhabilitation après les opérations ou en cas de maladies graves. Cette phase est accomplie par des centres médicaux spécialisés comme, par exemple, les centres des maladies rénales ou cardiaques. Une autre caractéristique du nouveau système, c’est d’avoir séparé les prestations des services de soins de leur financement et du processus du contrôle pour bien gérer le processus de la transition intégrale du système de santé.
— Quelle différence existe-t-il entre le nouveau et l’ancien système d’assurance, appliqués actuellement en parallèle dans des endroits différents ?
— Nous avons plusieurs systèmes d’assurance médicale appliqués dès les années 1960, mais qui sont tous inefficaces. Et ce, à cause de l’impossibilité de garantir la durabilité du financement et celle des ressources humaines. La principale défaillance de l’ancien système, détectée au fur et à mesure de sa pratique, est qu’il concernait les catégories sociales moyennes et pauvres en excluant les plus aisés qui cherchaient les différents traitements et services médicaux ailleurs. Ce qui a diminué les ressources financières du système actuel, affectant ainsi la durabilité et la qualité des services offerts.
— S’est-on suffisamment bien préparé pour ce nouveau système ?
— Je pense que les préparatifs et les travaux de rénovation de l’infrastructure et des équipements médicaux, qui ont coûté jusqu’à présent à l’Etat plus d’un milliard de L.E., sont prometteurs. N’oublions pas qu’on est en train de changer le système de fond en comble, de le remplacer progressivement par un nouveau. Cela peut prendre du temps. C’est un projet de longue durée. Son exécution s’étend sur une quinzaine d’années.
— Pourquoi a-t-on commencé spécifiquement par Port-Saïd ?
— La première phase expérimentale concerne cinq gouvernorats : Port-Saïd, Suez, Ismaïliya, ainsi qu’au Nord et Sud du Sinaï. Et ce, à cause de leur faible population. Port-Saïd, par exemple, compte 930 000 habitants. On espère qu’ils seront tous enregistrés dans la vingtaine de centres de « santé de famille » au cours de ces deux mois. Ce lancement expérimental permettra de repérer les problèmes qui surgissent sur le terrain et les résoudre également sur le terrain.
— Et quels sont les défis de la mise en oeuvre de ce nouveau système d’assurance santé ?
— Le défi majeur consiste à augmenter le nombre de médecins spécialisés dans le domaine de la « médecine de la famille », pierre angulaire dans le nouveau système. Il s’agit d’un concept encore mal connu en Egypte. On a besoin de quelque 25 000 médecins de soins primaires. Malheureusement, nous n’avons pas ce chiffre actuellement. Leur rôle consiste à suivre l’évolution de la santé de leur patient et assurer une harmonisation entre tous les professionnels de santé. Et c’est lui qui décide de l’orienter vers un spécialiste ou vers l’hôpital pour des soins plus spécialisés. Selon les critères internationaux et même le système médical britannique, il faut avoir 2,3 médecins de soins primaires pour 1 000 individus. En Egypte, on a un seul médecin pour le même nombre. Un taux que je considère raisonnable vu nos conditions socioéconomiques. Mais à long terme, on a besoin de révolutionner le système d’enseignement de la médecine et se diriger vers le système connu sous le nom de 5+2 (5 années d’études et 2 d’internat). La branche de médecin de la famille doit être enseignée comme n’importe quelle autre branche médicale.
— Quelle est l’importance de l’informatisation du nouveau système ?
— C’est également un autre défi non moins important. Toutes les étapes du nouveau système doivent être informatisées. Cette inscription numérique constitue la base des données et les références sur lesquelles le traitement est donné. C’est un processus très coûteux, mais c’est un facteur-clé de réussite. Le gouvernement a pris d’importants pas à cet égard. Des accords ont été signés entre le ministère de la Santé et celui des Télécommunications pour établir l’infrastructure numérique nécessaire.
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