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Le bilan mitigé des CER

Ghada Ismail , Ghada Ismail , Ghada Ismail , Mardi, 11 juin 2019

Selon un rapport de la Commission de l'Union africaine, les Communautés Economiques Régionales (CER) ont réalisé d'importantes avancées. Cependant, plusieurs défis persistent.

Le bilan mitigé des CER
La mise en oeuvre de la ZLECA renforcera la compétitivité industrielle et commerciale des marchés africains. (Photo : AFP)

Comment transformer les défis qui entravent le processus d’in­tégration africaine en opportunités ? Tel est le thème principal du « Rapport sur l’état de l’intégration régionale en Afrique », publié en février 2019 par le Département des affaires économiques de la Commission de l’Union africaine. On compte aujourd’hui 8 commu­nautés économiques régionales (UMA, COMESA, CEN-SAD, CAE, CEDEAO, IGAD, CEAAC et SADC). Celles-ci sont reconnues par l’Union Africaine (UA) comme étant « les principaux piliers du processus d’intégration en Afrique ». Ces CER ont été fondées en vertu du Traité d’Abuja signé en 1991, qui ambi­tionne en définitive de créer la Communauté économique africaine en 6 phases et en 34 ans. Donc, en parallèle à la mise en oeuvre de la ZLECA, les CER déjà établies devraient jouer un rôle-clé, en accé­lérant le processus d’intégration éco­nomique en Afrique.

L’objectif du rapport est de présen­ter une évaluation détaillée du pro­cessus d’intégration africaine pour chaque CER, en mettant l’accent sur les principales réalisations et les défis et en présentant des solutions innovantes. Le rapport s’est basé dans son évaluation sur 8 critères fondamentaux, à savoir l’intégration commerciale, la libre circulation des personnes, l’intégration des infras­tructures, l’intégration politique et institutionnelle, l’intégration moné­taire, l’intégration financière, l’inté­gration sociale et la gestion environ­nementale. « Si les réalisations des CER sont louables, les succès enre­gistrés restent mitigés. Plusieurs défis persistent », c’est le message-clé qui ressort du rapport. Les CER sont invariablement confrontées à des difficultés, à la faiblesse des réseaux d’infrastructure, à la lour­deur des procédures administratives qui freinent l’intégration commer­ciale, en passant par l’étroitesse des marchés ou la faible diversification de la production. Il y a aussi les mécanismes institutionnels et juri­diques peu efficaces pour exécuter des programmes et des projets régio­naux et continentaux. « De même, les conflits persistants dans la Corne de l’Afrique, dans certaines parties de l’Afrique centrale, de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique du Nord posent d’énormes difficultés pour maintenir le processus d’intégration de l’Afrique dans les conditions appropriées », estime le rapport.

Une évaluation détaillée

Concernant l’Union du Maghreb Arabe (UMA), malgré ses progrès louables, comme l’affirme le rap­port, elle est confrontée à des pro­blèmes d’instabilité politique, d’in­sécurité, de coopération limitée entre les Etats membres et de liens insuffi­sants au niveau des infrastructures. La CEN-SAD, la Communauté des Etats sahélo-sahariens, dispose, elle, d’une Charte pour la paix et la stabi­lité et de mécanismes de prévention et de gestion des conflits. Elle déploie des efforts considérables en vue « d’améliorer le climat de paix et de sécurité entre ses Etats membres ». Pourtant, sa forte dépen­dance à l’égard des donateurs pour financer des projets-clés « demeure très imprévisible et perturbatrice », note le rapport. Les défis sécuritaires actuels en Libye et les incidents ter­roristes de Boko Haram et de Daech « posent de sérieux défis à l’intégra­tion dans la région de la CEN-SAD », indique le rapport.

Le Marché commun d’Afrique orientale et australe, le COMESA, se distingue de son côté par la mise en oeuvre de divers programmes et ins­truments d’intégration commerciale liés à la zone de libre-échange, à l’union douanière et à la facilitation du transit, notamment la gestion coordonnée des frontières grâce à des poste-frontières uniques, au libre-échange numérique et aux ins­truments douaniers efficaces tels que le SYDONIA (Système Douanier Automatisé). Le COMESA a égale­ment adopté un Tarif Extérieur Commun (TEC) comme moyen d’approfondir l’intégration commer­ciale. Parmi les principaux défis, qui se posent au COMESA, figurent sa forte dépendance vis-à-vis des dona­teurs, la faiblesse des réseaux d’in­frastructures et la vulnérabilité macroéconomique persistante, pré­cise le rapport.

Les huit CER reconnues par l
Source : La Commission Economique pour l'Afrique des Nations-Unies (CEA)

L’EAC, ou la Communauté d’Afrique de l’Est, reste actuelle­ment la CER « la plus avancée en termes de niveau d’intégration, avec la réalisation d’un marché commun, dont l’objectif est de mettre en place une union monétaire et, à terme, une confédération politique », estime le rapport. L’EAC a fait également des résultats considérables dans le domaine du développement des infrastructures, en particulier en ce qui concerne les routes régionales, les lignes ferroviaires, le transport aérien maritime. Malgré ces progrès réalisés par l’EAC, un certain nombre de défis subsistent. Selon le rapport, l’union douanière et le mar­ché commun ne sont pas encore pleinement opérationnels. L’EAC, comme les autres CER, est confron­tée à d’importants défis liés à l’auto­financement de ses programmes et aux capacités humaines.

« Mettre en place un mécanisme efficace pour le règlement des conflits a été le point fort de l’IGAD, l’Autorité intergouvernementale pour le développement », note le rapport. De même, l’IGAD a fait des avancées dans les domaines de l’en­vironnement, de la sécurité alimen­taire et des infrastructures. Cependant, un certain nombre d’Etats membres de l’IGAD sont encore confrontés à des défis tels que la vulnérabilité aux conflits, les réfugiés et les personnes déplacées. L’aridité de la région de l’IGAD pose d’importants défis également, notamment les conditions clima­tiques extrêmes qui continuent à nuire à l’agriculture et à la durabilité de la biodiversité.

L’organisation du CEEAC a un riche potentiel en ressources, mais il reste encore inexploité et les échanges intra-CEEAC sont très faibles. Une infrastructure médiocre et une mauvaise coordination des politiques figurent au menu des défis qui doivent être relevés, comme l’explique le rapport.

Le protocole sur la libre circula­tion des personnes est considéré comme « l’une des réalisations importantes » de la CEDEAO (la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) puisque la mise en oeuvre de ce protocole a entraîné « un accroissement des échanges interrégionaux entre les Etats membres », d’après le rapport. Cependant, certains défis auxquels la CEDEAO est confrontée compren­nent l’insécurité et les attaques terro­ristes, ainsi que l’harmonisation des politiques macroéconomiques.

La SADC (Communauté de déve­loppement de l’Afrique australe) a également eu des résultats louables en termes de promotion du développe­ment des programmes régionaux dans les secteurs agricole, environnemental et social. Toutefois, le protocole de zone de libre-échange de la SADC n’est pas pleinement opérationnel.

Une nouvelle dynamique

Le rapport s’achève en formulant plusieurs recommandations pour « créer une nouvelle dynamique dans le processus d’intégration : la Commission de l’Union africaine, les CER et les Etats membres ».

La Commission de l’UA doit tra­vailler en vue d’améliorer le partage des informations et la collecte des données avec les CER, comme le suggère le rapport. Il faut également mettre en place un mécanisme visant à sensibiliser les citoyens africains aux questions d’intégration par le biais d’un forum annuel rassemblant des professionnels, des universi­taires, des femmes, le secteur privé, la diaspora et d’autres parties pre­nantes africaines.

Les CER doivent aligner leurs pro­grammes et plans d’action sur le programme d’intégration continen­tale, qui comprend le Traité d’Abuja, l’agenda 2063 et son plan décennal. Elles doivent également développer leur marché des capitaux local afin de lever des fonds pour un finance­ment efficace des infrastructures. Enfin, les Etats membres devraient, eux aussi, d’après le rapport, s’im­pliquer pleinement dans la mobilisa­tion des ressources nationales et accélérer l’application de la décision de Kigali sur le financement à 0,2 % de la Commission de l’UA afin de financer la mise en oeuvre de l’agen­da 2063 et le Fonds africain d’inté­gration.

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