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Sally Farid : La ZLECA créera d’énormes opportunités économiques pour l’Egypte et le continent

Ola Hamdi, Mardi, 11 juin 2019

Sally Farid, économiste et directrice de l’Institut des études africaines de l’Université du Caire, revient sur les enjeux économiques et stratégiques de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECA).

Sally Farid

Al-Ahram Hebdo : Dans quelle mesure la mise en place de la ZLECA va-t-elle renforcer le commerce interafricain ?

Sally Farid : La mise en place de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECA) reflète la forte volonté politique des dirigeants africains de mettre leur plus grand marché commun sur les rails. Les attentes sont grandes pour dynamiser le commerce interafricain qui reste très faible. Il ne représente que 18 % du total des échanges entre les pays africains, tandis que le commerce régional atteint 70 % en Europe et 55 % en Asie. La ZLECA va permettre au continent de rattraper son retard par rapport aux autres continents, puisque selon des estimations, cette zone, une fois mise en place, pourrait accroître les échanges interafricains pour atteindre 51 % d’ici 2022. En effet, la mise en oeuvre de la ZLECA créera d’énormes opportunités économiques pour le continent et pour l’Egypte.

— Quels sont les objectifs de la ZLECA ? Et comment les atteindre ?

— L’objectif-clé de la ZLECA consiste à créer un marché unique qui repose sur un principe fondamental, à savoir la libre circulation des biens et des services, des investissements et des personnes. Elle permettra la mise en place du plus grand espace économique au monde, sans barrière ni frontière après l’OMC. D’autant plus que l’élimination progressive des droits de douane sur le commerce intra-africain contribuera à renforcer la compétitivité commerciale et industrielle ainsi que les capacités productives des marchés africains. Elle aidera à mieux exploiter leurs ressources naturelles. Ce qui peut rendre les pays africains moins dépendants de partenaires extérieurs pour répondre à leurs besoins industriels spécifiques.

L’entrée en vigueur de cet accord intervient à un moment où le continent africain enregistre également de nombreux indices positifs. L’Afrique abrite déjà la population la plus jeune et les économies les plus dynamiques du monde. Sept des 10 pays ayant la plus forte croissance sont africains. La classe moyenne est aussi en pleine expansion en Afrique. C’est pourquoi, la création de cette zone est considérée comme la voie la plus directe pour réunir les 55 marchés africains dans un marché continental cohérent et opérationnel. Pourtant, il ne faut pas sous-estimer les défis pour faire de la ZLECA une initiative gagnant-gagnant pour tous les pays du continent.

La ZLECA créera d’énormes opportunités économiques pour l’Egypte et le continent
Le Caire a accueilli la première édition de la Foire commerciale intra-africaine (IATF) en décembre 2018.

— Mais quels sont donc ces défis auxquels on doit faire face ?

— Malgré les avantages, l’intégration régionale reste un processus difficile, et ce, pour plusieurs raisons. Le premier défi fondamental consiste à améliorer la qualité des infrastructures de transport qui sont en mauvais état et insuffisamment développées en Afrique. Cette défaillance constitue la plus grande entrave face au commerce régional, elle augmente les coûts d’importation et d’exportation entre les pays africains. Il suffit de dire qu’aujourd’hui pour beaucoup de pays africains, il est moins coûteux d’importer des biens, par exemple de Chine, que d’un pays voisin ou frontalier. L’insécurité, l’absence de mécanisme de gestion des conflits, les disparités dans les taux de croissance et les différends politiques, qui existent parfois entre les membres d’un même bloc économique, figurent également parmi ces défis. Il est vrai que l’accord de la ZLECA renferme des protocoles qui proposent plusieurs moyens pour remédier à « l’échec du marché », comme un mécanisme de règlement des litiges, les règles d’origine et les investissements, etc. Mais le mode opérationnel de ces protocoles reste encore à déterminer.

— L’Egypte figure parmi les pays qui ont présenté leur candidature pour accueillir le siège du secrétariat permanent de la ZLECA. Quels sont les critères de choix ? Et quelles sont ses chances pour devenir le pays hôte de la ZLECA ?

— L’Egypte, ainsi que 5 autres pays, tels que l’Eswatini, l’Ethiopie, le Kenya, le Ghana et le Sénégal ont soumis leurs dossiers de candidature pour accueillir le siège du secrétariat de la ZLECA. Selon l’Union Africaine (UA), ce secrétariat est un organe institutionnel autonome, doté d’une personnalité juridique indépendante, qui aura pour fonction principale de surveiller le processus de mise en oeuvre de l’accord. La commission de l’Union africaine a formé un comité technique d’évaluation qui a visité à plusieurs reprises les pays candidats pour suivre les préparatifs sur le terrain. La désignation du pays qui va abriter le siège du secrétariat exécutif de la ZLECA sera dévoilée lors du sommet du 7 juillet à Niamey. Parmi les critères déterminés par la commission de l’UA pour choisir le pays hôte figurent les infrastructures de transport et de logistique adaptées au commerce régional et la disponibilité des services de santé et de logement. A cet égard, l’Egypte, qui a inauguré récemment de grands projets d’infrastructures et des réseaux routiers et de transport, possède donc beaucoup de privilèges qui augmenteront ses chances d’accueillir ce nouvel organe de l’UA. Devenir le pays hôte du secrétariat permanent de la ZLECA renforcera sans doute le rôle de l’Egypte comme pays pilote dans le continent, mais permettra aussi d’accroître les échanges commerciaux entre l’Egypte et l’Afrique.

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