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Le difficile jeu d'équilibriste de Bagdad

Nada Al-Hagrassy, Lundi, 27 mai 2019

Pris en étau entre ses deux grands alliés, Bagdad tente de jouer le rôle de médiateur entre Téhéran et Washington. Car tout conflit potentiel entre ces deux pays aurait inévitablement de lourdes répercussions sur l’Iraq.

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Des milliers d'Iraqiens manifestent à Bagdad pour dire « Non à la guerre ». (Photo: AFP)

L’Iraq va envoyer prochainement des délégations aux Etats-Unis et en Iran afin de tenter d’apaiser les tensions au Moyen-Orient. L’Iraq a des contacts de haut niveau avec les parties au conflit et nous allons essayer de ramener le calme entre Washington et Téhéran », c’est ce qu’a déclaré, le 21 mai, le chef du gouvernement iraqien, Adel Abdel-Mahdi, avant d’entamer une visite officielle au Koweït et au Sultanat d’Oman pour solliciter leur aide dans ses tentatives d’apaisement. Le président iraqien Barham Saleh s’apprête lui aussi à effectuer une visite en Arabie saoudite et en Turquie pour la même raison.

Et le chef de diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, a lui aussi effectué une visite de 3 jours cette semaine à Bagdag. En le recevant le samedi 25 mai, son homologue iraqien, Mohammad Ali Al-Hakim, a appelé l’Iran à respecter l’accord sur son programme nucléaire. C’est au cours de cette visite que Javad Zarif a proposé de conclure un « pacte de non-agression » entre l’Iran et ses voisins du Golfe, en ajoutant que Téhéran désirait bâtir des relations équilibrées avec tous les Etats de cette région.

L’Iraq, qui a été longtemps un champ de bataille pour les conflits par procuration entre Washington et Téhéran, multiplie donc ces jours-ci les efforts diplomatiques pour une désescalade de la crise. Et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, parce que les tensions américano-iraniennes risquent de perturber l’équilibre politique fragile qui règne depuis les dernières élections législatives en Iraq et qui est intervenu après une longue période de guerre contre Daech. « Le consensus sur le partage du pouvoir est très fragile. Toute perturbation majeure pourrait mener au chaos politique à Bagdad », explique Ahmed Youssef, politologue.

De même, l’attaque au mortier, par des milices iraqiennes pro-iraniennes, de la « zone verte » de Bagdad, le 19 mai, secteur ultra-sécurisé où se trouvent notamment l’ambassade des Etats-Unis et les sièges du gouvernement et du parlement iraqiens, a fait planer les craintes d’un conflit militaire sur le sol iraqien. La réponse américaine à cette frappe n’a pas tardé. Washington a évacué certains de son personnel diplomatique non essentiel en Iraq, alors que le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, a demandé au gouvernement iraqien de déployer plus d’efforts pour protéger le personnel et les intérêts des Etats-Unis sur le sol de l’Iraq. « La confrontation pourrait avoir lieu si le personnel américain était attaqué ou si les Etats-Unis attaquaient de manière préventive les milices chiites en Iraq. Un tel scénario pourrait planer des risques d’une guerre civile entre les Iraqiens pro-Iraniens et les pro-Américains », dit Youssef. Et d’ajouter: « Dans ce cas, il sera difficile de maîtriser la scène qui devient plus favorable à l’extension de l’influence iranienne, contrairement à ce que pensent les Américains ».

En effet, les milices chiites proches de l’Iran en Iraq, comme par exemple Al-Hachd Al-Shaabi, disposent d’armes et de moyens financiers considérables qui leur permettent également d’opérer indépendamment de l’Etat. Elles sont aussi présentes sur la scène politique.

L’Iraq ne peut plus supporter une nouvelle guerre, a averti le religieux et homme politique chiite Moqtada Al-Sadr. « Cette guerre signifierait la fin de l’Iraq. Tout parti politique qui soutiendrait une telle guerre serait l’ennemi du peuple iraqien », dit Al-Sadr. Le peuple, lui, ne veut certainement pas d’un nouveau conflit aux conséquences fâcheuses. Des milliers d’Iraqiens sont descendus dans les rues de Bagdad et dans la ville pétrolière de Bassora, vendredi soir, pour dire « non à la guerre ».

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