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Les Gardiens de la révolution, un symbole et bien plus

Ola Hamdi, Mardi, 14 mai 2019

Récemment inscrits par Washington sur la liste des organisations terroristes, les Gardiens de la révolution risquent de subir les contrecoups de cette décision tant sur le plan interne qu’externe. Focus sur ce corps d’élite dont l’influence dépasse la sphère militaire.

Les Gardiens de la révolution, un symbole et bien plus
Les Gardiens de la révolution comptent plus de 125 000 membres.

Créé en 1979 par le guide de la Révolution iranienne, l’ayatollah Khomeini, le Corps des Gardiens de la Révolution Islamique (CGRI), les Pasdarans en perse, est l’armée idéologique du régime iranien. Il s’agit d’une force dis­tincte de l’armée iranienne qui possède égale­ment une grande puissance politique, écono­mique et sociale en Iran. Selon la Constitution iranienne, la mission principale des Pasdarans est de « sauvegarder la Révolution islamique et ses acquis ». Dépendant directement du Guide suprême, les Gardiens de la révolution disposent également d’une branche chargée des opérations extérieures — la force Al-Qods — commandée par le général Qassem Soleimani. Cette unité d’élite du CGRI est très active en Syrie, en Iraq et au Yémen. Elle est sous le coup d’une sanction américaine depuis 2007 pour son rôle dans le programme iranien de missiles balistiques.

Selon le rapport « Military Balance 2019 » de l’Institut de recherche géostratégique de Londres (IISS), les Gardiens de la révolution comptent plus de 125 000 membres (dont plus de 20 000 dans la marine), soit, en comparai­son, plus du tiers des effectifs de l’armée nationale. Le 8 avril dernier, les Etats-Unis ont officiellement placé les Gardiens de la révolu­tion iraniens sur leur liste des organisations « terroristes » étrangères. « Les Gardiens de la révolution mettent en oeuvre la campagne terroriste mondiale du gouvernement iranien. Faire affaire avec le corps des Gardiens de la révolution islamique, c’est financer le terro­risme », peut-on lire dans le communiqué de la Maison Blanche. « La décision américaine s’inscrit dans le cadre de la politique du gros bâton exercée contre le régime iranien depuis le retrait américain de l’accord nucléaire le 8 mai 2018. Cette politique de dissuasion a pour objectif d’isoler l’Iran sur la scène internatio­nale et d’effriter sa cohésion interne », explique Ahmad Sayed Ahmad, expert au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, qui ajoute que la décision américaine d’inscrire les Gardiens de la révo­lution sur la liste des groupes terroristes, « aura un impact sur les activités des pasda­rans sur le plan interne qu’externe ».

Influence économique et politique

Sur le plan militaire, les pasdarans absorbent plus de 20 % du budget de l’armée. Ils sont également responsables de superviser le pro­gramme nucléaire ainsi que le programme de missiles balistiques. Les CGRI exercent leur tutelle sur le Bassidj, mouvement de volon­taires islamiques de tous les âges, fonctionnant sur un modèle paramilitaire et constituant un vivier de recrutement. Les Gardiens sont aussi chargés par l’Iran d’assurer la sécurité du Golfe et du détroit d’Ormuz. Mais leur emprise dépasse largement le seul cadre militaire. D’anciens officiers de ce corps se trouvent dans toutes les structures de pouvoir du sys­tème politique, à l’image du président du par­lement, Ali Larijani, un conservateur modéré ou de l’ultraconservateur Mohsen Rezaï, ancien commandant en chef des Gardiens, et aujourd’hui secrétaire du Conseil de discerne­ment, une institution-clé.

Les Gardiens sont également présents dans l’économie par l’intermédiaire de nombreuses compagnies qu’ils contrôlent directement ou indirectement : leur présence est estimé à plus de 100 milliards de dollars. Ils possèdent une grande partie des actifs dans les secteurs des télécommunications et de la construction ira­nienne, ainsi que de nombreuses sociétés extérieures à l’Iran.

« La désignation des Gardiens comme ter­roristes implique l’imposition de sanctions financières à quiconque traite de manière commerciale, politique ou militaire avec les gardiens », explique Sayed Ahmad, avant d’ajouter : « Ces nouvelles sanctions affecte­raient également les activités des entreprises liées aux Gardiens de la révolution dans les pays régionaux, notamment en Iraq, où celles-ci ont une forte présence économique. Ces sanctions diminueront davantage la capacité financière des gardiens déjà affectée par les sanctions américaines ».

D’après une étude publiée par le Centre égyp­tien de la pensée et des études stratégiques (ECSS) de la chercheuse des affaires iraniennes, Dalal Mahmoud, intitulée « Classement des Gardiens en tant qu’organisation terroriste : début ou fin de l’escalade ? », « cette décision américaine contribuera à approfondir la polari­sation entre les deux courants principaux en Iran : le conservateur et le réformiste, dirigé par le gouvernement du président Hassan Rohani ». Cependant, conclut Dalal, « la déci­sion américaine a par contre renforcé le poids des Gardiens de la révolution sur la scène poli­tique, comme l’illustre le transfert du comman­dant de la CGRI de Mohammed Ali Jafari à son adjoint le plus radical Hossein Salami ».

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