Les amendements constitutionnels ont été approuvés à une écrasante majorité avec 88,83 % de « oui » et un taux de participation de 44,33 %, d’après les résultats annoncés par l’Autorité nationale des élections, le 23 avril. Sur les 61 344 503 électeurs inscrits, 27 193 593 ont participé au référendum, 23 416 741 ont dit « oui », soit 88,83 %, tandis que 2 945 680 ont voté contre (11,17 %). Le taux de participation, 44,33 %, est le taux le plus élevé par rapport au référendum constitutionnel de 2014 (39 %), et celui de 2011 (41 %).
Ces amendements prévoient la modification de 12 articles de la Constitution et l’ajout de 9 nouveaux articles (voir page 5). L’affluence était très remarquable tout au long des trois jours du scrutin qui s’est tenu du samedi 20 au lundi 22 avril. « Le paysage était inédit. Cette participation fait preuve d’une large prise de conscience et d’une réelle compréhension de l’importance de voter sur ces textes constitutionnels », explique Chawki Al-Sayed, expert constitutionnel.
Ce projet de réforme de la Constitution a fait un parcours sous la coupole avant de parvenir à sa version finale pour être soumis au référendum populaire. L’idée des amendements remonte au 3 février dernier quand 155 députés sur un total de 554, soit un cinquième des parlementaires, ont déposé une demande au président du parlement, Ali Abdel-Aal, pour modifier certains articles de la Constitution de 2014. Le 14 février, 485 députés ont voté en faveur des modifications proposées. Le projet des amendements est ensuite renvoyé à la commission des affaires constitutionnelles et législatives, afin que celle-ci présente ses observations dans un délai de 60 jours. A la mi-mars, le parlement lance un dialogue national et ouvre ses portes pour accueillir plus de 300 personnalités de tous horizons pour discuter au cours de 6 séances/20 heures le projet des amendements. Le 16 avril, le texte est approuvé par une majorité de 531 députés, alors que 22 autres votent contre, estimant que ces amendements sont inconstitutionnels et constituent un retour à « l’avant 2011 ». La plupart des partis politiques ont accepté les amendements constitutionnels, y compris le parti salafiste Al-Nour. En revanche, les partis Al-Masri Al-Démocrati (gauche), Al-Mohafézoune (centre-droit) et Al-Tahalof Al-Chaabi (gauche) les ont refusés.
Remédier aux failles
Mais pourquoi réformer la Constitution ? Et pourquoi maintenant ? Selon Chawki Al-Sayed, cette révision vise essentiellement à « remédier les failles de la Constitution de 2014 ». Rédigée dans des conditions exceptionnelles, cette Constitution avait pour objectif principal de sauver le pays qui traversait une grave crise politique et économique. Cette révision constitutionnelle était donc inévitable puisque la Constitution en vigueur « n’est plus adoptée aux défis de la phase actuelle », dit l’expert, avant d’ajouter : « en principe, les Constitutions sont faites pour être des textes fixes, mais leur stabilité dépend de leur capacité de rester toujours le reflet des conditions économiques, politiques et sociales, afin de ne pas devenir des textes rigides détachés de la réalité ».
Dans son entretien au quotidienAl-Ahram (édition du dimanche 21 avril), Ali Abdel-Aal, président du parlement, explique que cette révision constitutionnelle s’adapte à la nouvelle réalité de l’Egypte. « L’amendement de la Constitution devient aujourd’hui une nécessité urgente après avoir surmonté toutes les années difficiles de la construction des institutions de l’Etat ». Selon lui, ces amendements « ne seront pas les derniers ». « Je pense que nous devrons rédiger une Constitution complètement nouvelle dans les 10 prochaines années », dit Abdel-Aal.
La philosophie de la modification, comme l’explique Abdel-Aal, c’est d’instaurer « une nouvelle phase de réforme politique et sociale ». Et ce, « en élargissant la base de la participation politique », comme le rétablissement du Sénat et la mise en place du poste de vice-président ou l’augmentation de la représentation parlementaire de certaines catégories.
Le projet des amendements prévoit, dans l’article 248, le retour au bicamérisme. En fait, le Conseil consultatif a été supprimé par le comité des 50 en rédigeant la Constitution de 2014. « Cette seconde Chambre du parlement, nommé le Sénat dans le projet d’amendement, jouera un rôle fondamental pour accélérer la promulgation des lois et améliorer le travail parlementaire », explique Abdallah Al-Moghazi, expert juridique. Le rétablissement du poste de vice-président, comme le stipule la nouvelle clause (150 bis), est « l’un des principaux avantages de la modification de la Constitution », comme l’estime Al-Moghazi. Selon cet article ajouté, « le président de la République peut nommer un ou plusieurs vice-présidents, déterminer leurs compétences, leur déléguer certaines de ses fonctions, les démettre de leurs fonctions et accepter leur démission ».
Une meilleure représentation pour chaque catégorie
Etablir un quota de 25 % pour la femme et assurer une « représentation appropriée » des paysans, des ouvriers, des jeunes, des chrétiens, des personnes handicapées et des Egyptiens à l’étranger sous la coupole, autres points positifs du projet des amendements. Le parlement compte actuellement 90 femmes, soit 12 % des députés.
« Rééquilibrer les relations entre l’Etat et le pouvoir judiciaire », figure également parmi les objectifs principaux de cette réforme constitutionnelle, comme l’a déclaré Abdel-Aal. Le rôle du Conseil suprême, qui devra « gérer les instances et les autorités judiciaires comme le stipule l’article 189, c’est d’organiser le travail des autorités judiciaires, tout en préservant leur indépendance, afin d’atteindre le plus haut niveau d’égalité en matière de recrutement, de promotions et de salaires », ajoute Abdel-Aal.
La révision constitutionnelle a insisté également, dans l’article 200 relatif à l’institution militaire, sur le principe que l’armée est « le défenseur et le garant de la démocratie et de l’Etat civil » et sur « les acquis du peuple et les droits et libertés individuels ». « Cet article n’est qu’une confirmation d’une réalité. Il n’apporte rien de nouveau. Dans tous les pays du monde, le rôle des forces armées est un rôle protecteur », dit Salah Fawzi, expert constitutionnel (voir entretien page 4). Les amendements prévoient également de faire passer le mandat présidentiel de quatre à six ans, comme le stipule l’article 140, qui a suscité beaucoup de débats. Cette modification vise à « maintenir la stabilité de l’institution présidentielle. Dans la pratique, il s’est révélé que quatre ans sont insuffisants pour assurer la continuité de tout programme de réforme », conclut Abdel-Aal.
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