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L'enjeu régional

Mardi, 16 avril 2019

Avec 670 km de côtes sur la mer Rouge, le Soudan occupe une place stratégique, et ce qui s’y passe peut avoir un impact sur la sécurisation du commerce mondial dans cette région. Maintenir la stabilité dans ce pays est donc un enjeu majeur pour ses voisins.

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Le mouvement de contestation a réussi à destituer le régime d'Al-Béchir. (Photo : AFP)

Par Dr Amani Al-Taweel*

Le mouvement de contestation au Soudan a réussi à destituer le président Omar Al-Béchir qui « est placé en lieu sûr ». Et ce, après environ 4 mois de manifestations populaires dirigées par une large alliance politique pour « la liberté et le changement », qui comprend, en plus des partis politiques, des mouvements armés, des ONG et l’Association des Professionnels Soudanais (APS). Cette dernière est un nouveau rassemblement qui regroupe des syndicalistes à l’intérieur du pays et d’ex-aca­démiciens et diplomates à l’étranger. Ce mouvement popu­laire et ses directions politiques ont réussi à imposer leur vision en ce qui concerne le choix des représentants de l’Etat avec les­quels doivent s’engager des négociations sur la phase de transition. Les meneurs de la contestation ont réussi à faire tomber un comité sécuritaire dirigé par le ministre de la Défense, Awad bin Auf, le chef d’état-major de l’armée, le géné­ral Kamal Abdel-Maarouf, ainsi que le chef du service de rensei­gnements, Salah Josh, parce que ces figures sont des symboles du régime et certains sont même accusés d’actes de génocide au Darfour. En plus de leurs appartenances idéolo­giques au Mouvement national islamique qui avait perpétré le coup d’Etat contre un pouvoir démocratique en 1989.

On peut dire que la situa­tion géopolitique impor­tante du Soudan a permis au président déchu Omar Al-Béchir d’avoir recours à des tergiversations et des tactiques pour rester au pouvoir tout au long des mois derniers. En effet, le Soudan possède 670 km sur les côtes de la mer Rouge et c’est un pays qui a un rôle influent sur la sécurité et la sécurisation du commerce mondial en mer Rouge. Le Soudan fait également partie des forces de la coalition pour la légi­timité qui font la guerre au Yémen, et c’est aussi un pays influent sur la situa­tion sécuritaire en Libye, au Tchad et dans toute la région du Sahel.

Préoccupations du voisinage

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(Photo : AFP)

Partant, il est facile ainsi de comprendre pourquoi les voisins du Soudan ont adopté des initia­tives pour une sortie sécurisée du président soudanais et ses hommes en contrepartie d’un transfert paisible du pouvoir qui n’influence pas la stabilité de l’Etat soudanais et de ses institu­tions. Effectivement, certains pays du Golfe avaient contacté l’ancien président soudanais à ce propos depuis l’année 2015, pour le convaincre de ne pas se présenter à l'élection présiden­tielle de la même année. Et une tentative a été faite par l’Egypte durant la première semaine après le déclenchement des protesta­tions. Mais puisque la commu­nauté internationale n’avait pas adopté une position tranchante contre Al-Béchir pour les consi­dérations géopolitiques préci­tées, en plus d’une volonté régionale de ne pas provoquer un vide au pouvoir, le président soudanais avait continué à prati­quer sa tergiversation habituelle en considérant que les positions régionale et internationale lui permettaient de rester à la tête du pouvoir.

Les tergiversations de Béchir peuvent être divisées en 2 axes, l’un intérieur et l’autre régional. La plus dangereuse était la tenta­tive de diviser le mouvement de protestation qui s’est soulevé contre son régime sur des prin­cipes ethniques dans une tenta­tive de semer la discorde entre la région du Darfour et le milieu du Soudan. Or, la conscience des directions du mouvement popu­laire soudanais a épargné au pays des catastrophes humaines. Al-Béchir s’était également dis­socié du Parti du congrès natio­nal, au pouvoir, le 22 février dernier, avait dissous le gouver­nement d’union et avait décrété l’état d’urgence pour un an. De même, activistes et opposants politiques ont été arrêtés. Or, l’évolution la plus importante était l’agression quotidienne contre les manifestants siégeant devant le quartier général des forces armées du 7 au 10 avril courant de la part des forces de sécurité populaire, affiliées au Mouvement national islamique qui dirige le pays de 1989 et jusqu’à maintenant. Ces attaques ont causé la mort d’un nombre de manifestants.

Dans le contexte de ces évolu­tions importantes au Soudan, il semble que le respect des choix du peuple soudanais et de ses directions politiques est le meilleur moyen de sauvegarder l’Etat, surtout que le mouvement populaire possède des expé­riences historiques dans le chan­gement politique pacifique pen­dant un demi-siècle. Ce mouve­ment et ses directions sont par­faitement conscients du volume des défis économiques que n’im­porte quel gouvernement souda­nais futur doit affronter. Et enfin, la personne sur laquelle il y a eu un accord pour diriger la phase transitoire est le général Abdel-Fattah Al-Burhan Abdelrahmane, le dirigeant des forces mari­times, qui est une personnalité militaire de renommée et qui n’a aucune appartenance idéolo­gique ni au Mouvement national islamique ni à la Conférence nationale qui dirigeait le Soudan.

Aussi, dans ce contexte cri­tique, Le Caire est-il appelé à soutenir l’Etat soudanais au niveau économique en ce qui concerne les projets reportés concernant l’électricité et l’ins­tallation de boulangeries et lui fournir de la farine pour remédier à la crise du pain, en plus des contacts avec les élites civiles dans les universités et les centres intellectuels afin que l’interac­tion entre l’Egypte et le Soudan puisse aboutir à des résultats pal­pables à l’avenir l

*Chef du département des études africaines au CEPS d'Al-Ahram.

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