Le blé égyptien qui est cultivé sur moins de 5 % du territoire est loin de pouvoir couvrir les besoins des Egyptiens.
Au centre d’un tapis rouge étendu au milieu d’un champ de blé, Morsi annonce triomphalement une augmentation de 30 % de la production en blé par rapport à l’année passée. A l’occasion du festival de « la journée de la récolte de blé », il a annoncé officiellement un rendement de 9,5 millions de tonnes en 2013.
30 % d’augmentation ? Un chiffre qui apparaît exagéré pour nombre d’experts et de paysans. Le président est allé plus loin dans son discours en annonçant que l’Egypte parviendrait à l’autosuffisance en blé dans quatre ans.
Des semaines se sont écoulées, les récoltes s’achèvent et pourtant, les estimations de la récolte restent toujours loin des prévisions du président. Sur quoi Morsi s’est-il appuyé pour obtenir de tels chiffres ? Comment ses partisans peuvent-ils placer ce chiffre « record » en tête de la liste des réalisations de Morsi ? Un succès politique qui pour beaucoup d’Egyptiens n’a pas lieu d’être.
Pour Mahmoud Arafa, ministre des Ressources hydriques dans le gouvernement parallèle et symbolique des jeunes révolutionnaires, ce chiffre de productivité de 9,5 millions de tonnes de blé évoqué par le président est tout simplement impossible.
L’absence de politiques agricoles
Par un simple calcul, on réalise que l’augmentation ne dépasse pas les 10 % par rapport à 2012, évaluée à 8,69 millions de tonnes. De plus, pour parvenir à cette récolte, il faudra planter 3,5 millions de feddans supplémentaires alors que le ministère de l’Agriculture lui-même a déclaré que seuls 3,2 millions de feddans ont été plantés.
« La crise du blé est une crise à caractère politique. Le président n’a effectué aucune réforme agricole concernant le blé. Il ne peut donc pas y avoir d’augmentation de la production », explique Gamal Nassar, professeur de l’économie agricole à l’Université du Caire. La situation est vraiment dramatique sur le terrain. Avec la baisse de la livre égyptienne, le coût des importations a fortement augmenté. C’est pourquoi le gouvernement a décidé depuis janvier dernier de freiner les importations et de compter sur la production locale. Une décision irresponsable sachant que l’Egypte est le premier importateur mondial de blé, avec un taux d’importation de plus de 55 %.
Par conséquent, l’Egypte, qui a dû puiser dans ses stocks, pourrait se trouver en situation de pénurie très prochainement. A noter que le stock du blé a diminué en un an de plus de 5 millions de tonnes.
De plus, le blé égyptien qui est cultivé sur moins de 5 % du territoire est loin de pouvoir couvrir les besoins des Egyptiens. « Comment parler d’autosuffisance en blé dans 4 ans, alors qu’ une crise de l’eau se profile à l’horizon ? », s’interroge Nassar.
Les paysans protestent contre la pénurie de carburant pour les pompes à irrigation et les tracteurs, ce qui menace toujours le bon déroulement de la moisson.
Politiser le pain c’est jouer avec le feu. Selon l’adage paysan, « le jour où il n’y aura plus de pain, l’effondrement du régime sera proche ».
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