Al-Ahram Hebdo : Au cours de la tournée régionale que Jared Kushner a effectuée la semaine dernière, il a déclaré, sans plus de détail, que l’accord du siècle « aura un large impact économique, non seulement sur Israël et les Palestiniens, mais aussi sur toute la région ». Comment voyezvous cette proposition « d’une paix économique » ?

Barakat Al-Farra : Les petits détails filtrés dans les propos de Kushner ne sont que des ballons d’essai pour sonder les réactions arabes et préparer le terrain avant l’annonce du deal du siècle déjà contesté. Remplacer le processus de paix et mettre fin à deux décennies de négociations par un plan de paix dit économique n’est qu’une nouvelle tentative de liquider la question palestinienne. Pour nous Palestiniens, ce deal ne passera pas.

Ce ne serait qu’une simple répétition des anciennes propositions américaines qui ne prennent en considération que les intérêts israéliens. Cette ambiguïté vise également à détourner l’attention des Arabes des réelles intentions américaines, à savoir redessiner la carte de toute la région.

Les droits des Palestiniens ne sont pas à vendre. Et le peuple palestinien vivant en économie de subsistance continue sa lutte et ne cèdera pas son droit à un Etat indépendant.

— Cette tournée de Kushner estelle sa dernière visant à « commercialiser » ce plan de paix, dont le contenu devrait être rendu en public après les élections parlementaires israéliennes prévues en avril prochain ?

— A mon avis, il ne faut ni anticiper les événements ni juger les choses avant qu’elles n’arrivent. Aucune indication officielle sur la date de la publication du plan n’a été annoncée.

Et tant qu’il n’a pas été annoncé, toute discussion autour de ce plan est une perte de temps. Tout plan de paix ignorant les droits essentiels et les questions fondamentales du peuple palestinien, telles que Jérusalem, la création d’un Etat palestinien et les réfugiés, est certainement voué à l’échec. En outre, les Américains sont conscients que le peuple palestinien n’acceptera aucune solution qui ne respecte pas les résolutions des Nations-Unies et de l’initiative de paix arabe annoncées lors du Sommet de Beyrouth en 2002.

— A l’approche des élections, les attaques contre les Palestiniens se multiplient, alors que le rythme de la création de colonies s’accélère, comment voyez-vous la situation sur le terrain ? Et où se situe la Palestine dans les programmes électoraux des candidats israéliens ?

— Les élections sont un prétexte pour accélérer le rythme de la création des colonies. C’est une sorte de campagne pour gagner les voix des colons israéliens. Les nouvelles alliances électorales qui se forment entre les partis israéliens confirment que la stratégie israélienne basée sur la politique du fait accompli à travers l’annexion et la judaïsation graduelle des Territoires palestiniens en Cisjordanie et à Jérusalem ne change pas. Cette politique agressive est la grande entrave devant toute tentative de paix. Israël a souligné à plusieurs reprises qu’il n’accepterait pas la création d’Etat palestinien, et qu’il n’accepterait que le gouvernement autonome, et ce, uniquement dans certaines zones de la Cisjordanie.

Presque tous les partis, et même la nouvelle coalition qui menace le Likoud, ont affiché leur opposition à la création d’un Etat palestinien indépendant.

— Avec l’émergence de la nouvelle coalition Bleu et blanc aux élections israéliennes, quelles sont les chances de victoire de Netanyahu ?

— Cette nouvelle coalition créée par Benny Gantz et Yair Lapid confirme son avance sur le Likoud de Benyamin Netanyahu dans beaucoup des sondages israéliens. De plus, les affaires de corruption dans lesquelles Netanyahu est impliqué réduiront certainement ses chances de succès.

L’alliance Bleu et Blanc représente une menace réelle pour le Likoud, car elle inclut d’anciens chefs d’étatmajor, mais le problème est que nous n’en tirons aucun profit, car ils sont tous hostiles aux droits palestiniens.

— Face à tous ces défis, n’est-il pas temps que les Palestiniens s’unissent ? La division Fatah- Hamas n’affaiblit-elle pas la position palestinienne ?

— La division palestinienne qui persiste toujours depuis 2007 est la grande menace pour la cause palestinienne. Cette division a profondément affaibli notre cause aux niveaux arabe, régional et international. De plus, elle affaiblira la position palestinienne face au deal du siècle, une fois qu’il sera dévoilé. Nous espérons que les efforts déployés par l’Egypte pour mettre fin à la division interpalestinienne aboutiront.