Source : Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex).
Cela fait trois ans que l’Europe tente de trouver une issue à la crise migratoire. Une crise qui avait atteint son comble en 2015, lorsque plus de 1,26 million de réfugiés syriens, iraqiens, afghans, mais aussi de migrants économiques africains avaient rejoint la rive nord de la Méditerranée. Les négociations pour répartir le fardeau entre les pays d’arrivée et les pays tiers butent toujours sur la disposition de chaque pays d’accepter les réfugiés arrivés sur le territoire européen. Le plan adopté par l’Union Européenne (UE) en 2016 pour une répartition équitable de quelque 160 000 immigrants arrivés en Grèce et en Italie a été un échec. Seuls 35 % ont effectivement été accueillis par un pays tiers. La Grande-Bretagne et les pays de Visegrad (la Hongrie, la Slovaquie et la Pologne) n’en ont accepté aucun alors que d’autres pays comme la France sont loin d’avoir rempli leur part.
Source : Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex).
Les différends ont à nouveau éclaté le 10 juin dernier, lorsque le ministre italien de l’Intérieur, Matteo Salvini, a refusé d’accueillir les migrants sauvés en mer par l’Aquarius, le bateau de l’ONG S.O.S Méditerranée, qui a sauvé depuis 2016 près de 30 000 migrants au large de la Libye. « L’Italie est le pays européen qui a accueilli le plus grand nombre de migrants, soit plus de 640 000 dont la majorité sont africains. Ce qui représente un énorme fardeau économique et social pour les gouvernements italiens consécutifs. D’où l’appel lancé par son premier ministre, Giuseppe Conte, de modifier les accords de Dublin qui stipulent que les migrants doivent revenir au pays d’arrivée en cas de refus d’un pays européen tiers de les recevoir. C’est-à-dire qu’ils reviennent en Italie ou en Grèce », explique Mona Salman, chercheuse au Centre d'Etudes Stratégique et Politique d’Al- Ahram (CEPS). Ce sont en effet l’Italie et la Grèce qui sont les pays les plus touchés, et ils se sentent délaissés face au flux des migrants sur leurs côtes. D’autres pays européens les blâment de ne pas avoir assuré leurs côtes comme il le faut. Ce qui a permis l’arrivée des migrants aux pays riches comme l’Allemagne, l’Autriche et la Suède.
Répercussions internes et mesures draconiennes
La crise migratoire a également eu des répercussions internes, notamment la montée des partis de droite. En effet, dans de nombreux pays d’Europe comme en Hongrie, en Autriche, en République tchèque, en Slovénie, en Italie et en Allemagne, les partis hostiles à l’immigration ont gagné du terrain. Par ailleurs, le chancelier autrichien, Sebastian Kurz, a proclamé la naissance d’un « axe des pays de bonne volonté » contre l’immigration. « Un axe constitué de l’Italie, de l’Autriche, de la Hongrie, de la Pologne, de la Bulgarie, de la Grèce et de Malte », précise Mona Salman.
Chiffres de l'Agence des Nations-Unies pour les réfugiés (UNHCR).
Pourtant, ces différends interviennent alors que l’UE a adopté une série de politiques d’endiguement qui ont porté leurs fruits. Selon les chiffres de la Commission européenne, 50 000 entrées illégales à l’UE ont été enregistrées au cours du premier semestre de 2018, soit une chute de 77 % par rapport à 2017. L’UE a d’abord conclu un accord avec la Turquie en mars 2016 qui, en échange d’une aide financière de 3 milliards d’euros par an (dont seule une partie a été versée), s’est engagée à fixer sur son sol les réfugiés qui s’y trouvent déjà en grand nombre, et à reprendre ceux qui réussiraient malgré tout à passer en Grèce. Résultat : la route des Balkans s’est immédiatement tarie et les arrivées chutent de 97 %. Des accords similaires ont été signés avec la Libye, le Niger et d’autres pays d’Afrique subsaharienne qui reçoivent en échange de leur coopération une aide financière. Ce qui a mené à des résultats impressionnants : les entrées via la Méditerranée ont chuté de 77 % en 2018 par rapport à l’année précédente. A ces accords s’ajoute la construction de barrières matérielles en Europe, notamment entre la Hongrie, la Serbie et la Croatie ou encore entre la Macédoine du Nord et la Grèce, ainsi que des contrôles renforcés aux frontières intérieures de l’espace Schengen. L’UE a aussi créé un corps de gardes-frontières et de gardes-côtes européens d’un effectif de 1 300 personnes plus une réserve de 1 500 qui iront appuyer les pays confrontés à des arrivées importantes. L’UE propose également la création de centres européens d’accueil dans les pays de départ et de transit des migrants, c’est-à-dire en Afrique. Ils faciliteraient un premier tri, entre migrants économiques dont l’Europe ne veut pas et entre demandeurs d’asile.
Bien que l’Europe soit un continent à basse pression démographique qui, dans les années à venir, aura besoin de travailleurs et bien que la Commission et le Parlement européens demandent depuis de longues années des canaux légaux d’entrées, les 28 Etats membres sont d’accord sur un principe : il n’est pas question d’ouvrir les frontières de l’UE à l’immigration. « Le problème maintenant est de répartir les migrants qui sont déjà arrivés en Europe », conclut Mona Salman.
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