A l’occasion de la présidence de l’Egypte de l’Union Africaine (UA), le Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram a organisé un colloque, mercredi 6 février, au cours duquel il a présenté une étude intitulée « La présidence de l’Egypte de l’UA : problèmes et politiques proposées ». Cette étude — apparue dans la revue Al-Badaël, publiée par Al-Ahram et préparée par la spécialiste dans le domaine de la sécurité et des conflits en Afrique, Amira Abdel-Halim — expose les différents défis qui se dressent face à l’Egypte, et les acquis qu’elle peut réaliser à travers sa présidence de l’UA.
La chercheuse énumère dans l’étude 7 principaux axes qui reflètent les défis auxquels l’Egypte sera exposée durant son année de présidence. « Ces axes représentent un équilibre entre les ambitions africaines et les potentialités que peut présenter l’Egypte », a expliqué la spécialiste lors du colloque, en ajoutant que l’Egypte peut transférer son expertise et ses capacités dans certains domaines pour aider les pays africains à surmonter leurs crises.
La sécurité avant tout
Le règlement des conflits figure à la tête de ces défis. Au cours des trois dernières décennies, le continent africain a connu de graves conflits, la plupart étaient des conflits internes. Ces conflits ont eu de graves répercussions sur le développement et la stabilité de l’Afrique. Il y a quatre crises majeures que l’Egypte peut tenter de résoudre, à savoir les problèmes du Soudan du Sud, de la Somalie, de l’Afrique centrale et du Congo. « On peut envisager que l’Egypte puisse, à travers ses capacités diplomatiques et politiques, jouer un rôle actif pour mettre fin à ces conflits », souligne Abdel-Halim.
Un autre axe qui ne manque pas d’importance est celui de la lutte contre le terrorisme, un enjeu majeur pour l’Egypte aussi bien que pour les pays africains. Diverses régions du continent souffrent aujourd’hui de la prolifération des groupes terroristes, ce qui menace les politiques de développement et la stabilité du continent. C’est le cas de la région du Sahel, devenue un véritable repaire terroriste, ainsi que la région du lac Tchad qui regroupe quatre pays (Nigeria, Cameroun, Niger et le Tchad). « L’Egypte, qui mène depuis 2013 une guerre farouche contre le terrorisme, a acquis une grande expérience qui a fait d’elle l’un des meilleurs acteurs internationaux dans le domaine de la lutte antiterroriste », explique l’expert militaire à l’académie militaire Nasser et l’un des principaux interlocuteurs du colloque, Ahmad Al-Qadi, qui ajoute : « L’Egypte coopère depuis quelques années avec les pays du Sahel, afin de développer leurs capacités militaires pour qu’ils puissent faire face aux menaces graves qui les entourent ».
En effet, l’une des plus importantes initiatives de coopération de l’Egypte a été la création d’un centre régional de lutte contre le terrorisme pour les pays du Sahel et du Sahara, basé au Caire. Il y a aussi l’initiative du président Abdel-Fattah Al-Sissi qui consiste à former 1 000 expatriés africains dans les établissements de l’enseignement militaire égyptien, et la tenue d’exercices conjoints de lutte contre le terrorisme avec les pays du Sahel et du Sahara. Le Centre du Caire pour le règlement des conflits et le maintien de la paix en Afrique accueille et forme également des spécialistes et des responsables dans les pays sahéliens. Al-Azhar joue également un rôle important en envoyant en Afrique des savants et des convois médicaux, et en augmentant le nombre de bourses à l’Université d'Al-Azhar destinées aux étudiants africains.
Toujours dans le domaine sécuritaire, les dirigeants africains attendent avec impatience que l’UA procède à une révision générale des termes de l’Architecture Africaine de Paix et de Sécurité (AAPS), car les conflits sur le continent ont considérablement évolué depuis son lancement en 2000.
Aujourd’hui, des interrogations surgissent autour de son efficacité. « L’Afrique connaît des violations des principes démocratiques, et il y a un recours aux armes comme moyen de régler les conflits, ce qui fait du développement de cet organisme l’une des plus grandes ambitions africaines et l’un des défis majeurs auquel sera exposé l’Egypte durant son année de présidence. Ce système doit être réexaminé et nécessite une expertise dans les domaines sécuritaire et militaire pour sa restructuration », explique Al-Qadi. De même, l’Egypte sera appelée durant sa présidence à présenter une nouvelle vision, afin de protéger les réfugiés et les déplacés. Les pays africains sont confrontés depuis quelques années à de nombreux problèmes qui ont entraîné une amplification de ce phénomène. C’est dans ce contexte que le sommet de l’UA, tenu à Nouakchott en juillet 2018, a décidé de considérer l’année 2019 comme étant l’année des réfugiés. Selon les Nations-Unies, les pays en développement, principalement situés en Afrique, accueillent 80 % des réfugiés. 15 000 personnes sont déplacées chaque jour en Afrique.
L’intérêt de l’UA pour cette question ne date pas d’aujourd’hui. En 2012, les Etats membres se sont réunis et ont signé la Convention de Kampala sur la protection et l’aide aux personnes déplacées en Afrique, il s’agit du seul cadre juridiquement contraignant relatif à cette question. L’application de cet accord nécessite une volonté politique et un investissement réel.
Agenda économique et social
Les défis économiques et sociaux ne manquent pas non plus d’importance. Les problèmes économiques et de développement ainsi que le soutien des jeunes africains sont deux défis majeurs.
L’Egypte a commencé à jouer un rôle actif pour s’intégrer économiquement à l’Afrique.
Dans ce cadre, l’Egypte a souligné l’importance de la création d’une zone de libre-échange réunissant tous les pays africains. Ainsi, au cours de sa présidence, l’Egypte se penchera sur un certain nombre de problèmes économiques qui représentent des priorités pour les pays africains, notamment le développement de l’infrastructure, le développement des ressources en eau, les télécommunications, la technologie et la réforme institutionnelle et financière de l’UA.
En outre, le soutien des jeunes se pose également comme une priorité égyptienne. D’ailleurs, l’Académie nationale égyptienne pour la formation des jeunes accueille de jeunes Africains et leur présente des cours de formation dans différents domaines.
Le député Mohamad Mohamad Al-Orabi souligne que l’un des plus grands défis de l’Egypte c’est de retrouver sa place pionnière au sein de l’UA.
« Depuis plus d’un an, l’Egypte concentre ses efforts sur le continent africain pour former des jeunes dans les institutions militaires et diplomatiques égyptiennes. Un pas très important pour que l’Egypte retrouve sa place en Afrique », dit le député.
Soutenir l’Afrique
Plaider les causes africaines devant les organisations internationales est une autre tâche qui reviendra à l’Egypte. L’UA envisage de renforcer ses relations avec les partenaires internationaux, afin de parvenir à un consensus sur les questions africaines au Conseil de sécurité des Nations-Unies « L’Egypte maintient aujourd’hui un poids considérable dans les rencontres internationales. Une occasion importante pour intervenir en tant que représentant des pays africains et exposer les différents problèmes », explique Al-Orabi.
« La présidence de l’Egypte sera d’un an, ce qui est une durée très courte pour concrétiser ses ambitions en Afrique, mais elle offre sûrement de réelles opportunités pour renforcer l’action de la diplomatie égyptienne sur le continent », conclut Abdel-Halim.
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