Le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, a parlé au cours de son allocution donnée à l’Université Américaine du Caire (AUC), le 10 janvier, d’une réactivation du rôle américain dans la région et d’une réintégration de Washington dans la région du Moyen-Orient, après 8 années de recul, qui correspondent aux deux mandats de Barack Obama.
La tournée du secrétaire d’Etat intervient alors que les alliés au Moyen-Orient des Etats-Unis s’inquiètent du désengagement américain dans la région. Et ce, surtout après la décision du président Donald Trump de retirer 2000 soldats américains de Syrie. Une décision qui a d’ailleurs été contestée au sein de l’Administration américaine, entraînant des démissions de responsables militaires, notamment celle de l’ex-secrétaire à la Défense, James Matis.
Pourtant, dans son discours, le secrétaire d’Etat américain a proclamé un nouveau départ dans la politique américaine au Moyen-Orient. Des promesses verbales qui se heurtent à une réalité toute autre, dans une région enflammée par les crises et les conflits successifs.
9 capitales régionales sans ambassadeurs
En effet, au Moyen-Orient, 9 pays n’ont pas d’ambassadeurs américains. Lors de sa tournée, du 7 au 15 janvier, le secrétaire d’Etat a visité 5 d’entre eux: la Jordanie, l’Egypte, les Emirats arabes unis, le Qatar et l’Arabie saoudite.
L’absence de représentation diplomatique touche 4 autres pays de la région ayant une grande importance pour la sécurité nationale des Etats-Unis, à savoir la Turquie, la Syrie, la Libye et le Maroc. Au niveau mondial, ce sont 40 postes d’ambassadeurs qui sont inoccupés sur un total de 188. Par ailleurs, le poste de secrétaire d’Etat-adjoint pour les Affaires du Proche-Orient, chargé de traiter les crises et les défis régionaux, se trouve aussi vacant.
Depuis le début du mandat de Trump, le 10 janvier 2017, le personnel diplomatique américain a été réduit de 3%, passant de 8167 en mars 2017 à 7940 en décembre de la même année.
Le président Trump et son secrétaire d’Etat imputent la faute de ces postes vacants aux sénateurs démocrates américains, qui rejettent la plupart des nominations présentées par Trump et Pompeo, car ils estiment que les qualifications nécessaires leur font défaut. En réalité, le président Trump nomme à ces postes les bailleurs de fonds de ses campagnes électorales, des hommes d’affaires, des amis proches et non des personnalités publiques.
Le vide dans les postes d’ambassadeurs américains et au sein du secrétariat d’Etat empêche les Etats-Unis d’appliquer leurs politiques sur le terrain. Un fait qui limite la capacité de Trump à relever les défis dans la région, comme le fait d’organiser le retrait américain de Syrie de manière à ne pas porter atteinte aux intérêts de Washington et ses relations avec ses alliés traditionnels, de contrer l’ambition nucléaire iranienne et la politique de déstabilisation adoptée par Téhéran à travers ses milices armées en Iraq, en Syrie, au Yémen et au Liban. Ajoutons à cela les répercussions engendrées par la guerre intestine au Yémen et la lutte contre les organisations terroristes. Et enfin, mettre fin à la crise des pays du Golfe, à savoir le boycott du Qatar par l’Arabie saoudite, les Emirats et Bahreïn depuis mi-2017.
Les postes vacants d’ambassadeurs dans 9 pays du Moyen-Orient sont assumés par d’autres responsables au sein des ambassades. Ceci affecte sans nul doute leur capacité à influencer la prise de décision, car les rapports qu’ils présentent n’ont pas le même poids que ceux des ambassadeurs, nommés sur approbation du Sénat américain. Le président Trump, quant à lui, ignore le secrétariat d’Etat américain dans nombre de ses tournées étrangères et dans le processus de prise de décision. Chose qui ne se produisait pas sous le mandat du secrétaire d’Etat sortant Rex Tillerson.
Ces absences diplomatiques dans l’une des régions les plus enflammées du globe, et qui compte parmi les alliés traditionnels de Washington, jettent le doute sur l’application possible sur le terrain du contenu du discours du secrétaire d’Etat américain, qui souhaite redonner à Washington un rôle régional plus actif de Trump. Ce qui veut dire, en somme, que la politique étrangère américaine fera face à de nombreuses crises à l’avenir, dues à l’absence des outils nécessaires à son application.
*spécialiste des affaires américaines au CEPS
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