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Vers une réintégration économique de la Syrie?

Nada Al-Hagrassy, Mardi, 08 janvier 2019

Appelé Jaber du côté jordanien, Nassib du côté syrien, ce poste-frontière-clé, autrefois un passage stratégique pour le commerce moyen-oriental, vient de rouvrir ses portes. Un geste plus que symbolique.

Vers une réintégration économique de la Syrie
La réouverture du poste-frontière de Nassib indique un rapprochement entre la Syrie et la Jordanie.

Enfin rouvert. Après trois ans de fermeture, le point de passage Jaber-Nassib, qui relie le sud de la Syrie à la Jordanie, ouvre ses portes le 15 octobre 2018. D’après l’accord signé entre les deux pays, le passage Nassib sera ouvert quoti­diennement de 8h à 16h. La réouverture de ce poste marque une étape importante dans le pro­cessus de la normalisation économique, commer­ciale aussi bien que politique entre la Syrie et ses voisins arabes : le Liban, la Jordanie et l’Iraq. Il est également le seul passage terrestre du Liban et de la Syrie envers les pays du Golfe.

Avant le début du conflit en Syrie, en 2011, des centaines de camions transitaient quotidienne­ment via la zone franche de ce poste-frontière, transportant les importations et les exportations de la Jordanie et assurant aussi la connexion entre le Royaume hachémite et l’Europe, via la Turquie. Il comprend également une zone de Dutyfree entre la Syrie et le Royaume hachémite. Les Emirats unis est le premier pays à concrétiser cette normalisation par l’envoi d’un cargo de marchandises et de nourriture composé de trois grands camions. Ce cargo est parti du port d’Ali à Dubaï, a traversé l’Arabie saoudite, le Liban et la Syrie pour arriver en fin de compte au passage de Jaber-Nassib. D’ailleurs, le cargo émérite a mis six jours seulement pour atteindre sa destina­tion finale au lieu de vingt-quatre jours comme auparavant, avant la réouverture de ce passage. « L’envoi de ce cargo ainsi que la rapidité du processus de la normalisation reflètent un chan­gement quasi radical dans la position politique des pays du Golfe envers le régime syrien. Ils ont accepté que le régime étende son autorité sur tous les points de passage qui relient la Syrie à ses voisins. Y compris ce passage vital qui trans­porte les marchandises syriennes, jordaniennes et libanaises au marché du Golfe. Egalement, cette normalisation commerciale témoigne du retour du rôle traditionnel de la Syrie en tant qu’un grand passage du commerce régional », explique l’expert économique Magdi Sobhi, au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. Le poste-frontière de Nassib-Jaber avait été fermé en 2015 lorsque les factions guerrières s’étaient emparées de la zone de Nassib et du poste frontalier, situés dans la campagne de la province de Deraa, dans le sud de la Syrie.

L’armée syrienne a repris le contrôle de Deraa et du poste-frontière au mois de juillet. La ferme­ture de ce poste a porté un coup dur et d’énormes pertes pour l’économie de la Syrie aussi bien que pour ses voisins. D’après un rapport publié en 2017 par la Banque mondiale, les exportations syriennes ont reculé de 92 % en quatre ans seule­ment. Elles ont chuté de 7,9 milliards de dollars en 2011 à 631 millions en 2015. La Syrie va profiter aussi de la réouverture de cette artère commerciale stratégique dans le domaine de sa reconstruction. La Jordanie a un surplus de ciment et des matières de construction que la Syrie peut acheter à des prix raisonnables pour les utiliser dans sa reconstruction. La réouverture de ce passage commercial va profiter également à d’autres pays, à leur tête la Jordanie et le Liban. « Le pays du Cèdre va profiter énormément de cette réouverture parce qu’il dépend presque entièrement des passages qui traversent la Syrie dans son commerce. Ses autres points de passage sont situés sur les frontières communes avec Israël, avec qui le Liban n’a pas de commerce », ajoute l’expert économique, qui estime aussi que la perte libanaise due à la fermeture de ce pas­sage est estimée à quelque 900 millions de dol­lars dès 2015. Le Royaume hachémite, quant à lui, a perdu quelque 800 millions de dollars parce qu’il a dû prendre des routes maritimes pour ses exportations et importations envers les pays du Golfe. Ce qui a poussé les autorités jordaniennes à décider d’augmenter les frais de transit et de passage des cargos syriens, arabes et étrangers cinq fois plus, pour atteindre 10 % au lieu de 2 %, afin de compenser ses pertes. Mais la Jordanie a un autre intérêt de rouvrir ce passage. « Il facilite le retour des réfugiés syriens basés en Jordanie pour regagner la Syrie dès ses fron­tières sud », souligne l’expert économique.

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