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L'économie subit de plein fouet l’instabilité politique

Amira Samir, Mardi, 04 décembre 2018

Les indicateurs économiques au Liban sont dans le rouge en raison de la crise politique. Un risque réel sur les investissements : les 11 milliards de dollars de dons promis pour redresser l’économie du pays sont suspendus à la formation de l’exécutif.

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En 2018, la dette du Liban dépassait les 83 milliards de dollars, soit plus de 150 % de son PIB.

L’économie libanaise reste sous pression. C’est ce qu’a dévoilé le dernier rapport trimestriel sur l’éco­nomie libanaise, publié fin octobre dernier par la Banque Mondiale (BM). L’organisation internationale a sonné l’alarme que la nécessité de lancer des réformes, suspendues par le retard de la formation du gouver­nement depuis les élections législa­tives de mai dernier, est plus que jamais urgente. « La situation éco­nomique est très critique. Elle néces­site une action urgente de la part des dirigeants libanais pour rétablir la confiance des investisseurs », estime Ayman Omar, expert économique libanais. Outre les risques liés aux tensions politico-sécuritaires qui menacent la stabilité économique du Liban, les défis financiers sont aussi nombreux, notamment en raison de son endettement et la menace d’une dévaluation de la livre libanaise.

Le pays du Cèdre importe environ 80 % de ses besoins de consomma­tion, et il les paie en devises, notam­ment en dollars et en euros. Toutefois, la parité de la monnaie libanaise au dollar américain est fixée depuis 1997 au taux de 1 dollar pour 1507,5 livres libanaises. L’économie du pays fonctionne avec les deux mon­naies. En plus, les investissements représentent moins de 1 % du PIB (à savoir, la moyenne mondiale est de 8,2 %). « Le problème est que le Liban n’oeuvre pas suffisamment pour générer de l’épargne et ren­flouer ses caisses. L’absence de la stabilité politique est, en effet, la cause principale de l’inquiétant coup de mou de l’économie que témoigne le Liban ces quelques der­niers mois. Cette année, la crois­sance économique ne dépasse pas les 2 % contre 8 % en 2011. Un taux déjà très faible ajouté à un lourd fardeau de dettes », explique Amal Abdel-Latif, chercheuse écono­mique.

Dette galopante et corruption endémique

En 2018, la dette du Liban dépas­sait les 83 milliards de dollars, soit plus de 150 % de son PIB. Il s’agit du troisième ratio le plus élevé au monde, derrière le Japon et la Grèce. En 2018, les intérêts payés par le Liban sur ces dettes avoisinent les 5 milliards de dollars, soit 25 % du budget annuel, estimé à 19,1 mil­liards de dollars. Les économistes du Fonds Monétaire International (FMI) estiment que ces intérêts pourraient compter pour 60 % du budget du Liban d’ici à 2021, ce qui serait évidemment insoutenable. D’autres économistes prévoient un taux plus élevé, si aucun effort n’est fait dans les années à venir. Plus de 85 % de la dette libanaise est essen­tiellement entre les mains de créan­ciers publics : les banques libanaises et la Banque Centrale ou la Banque Du Liban (BDL). Conséquence, plus de 60 % des actifs des banques commerciales libanaises sont com­posés de dette libanaise. « La res­tructuration de la dette nécessite donc un accord politique entre le gouvernement, qui est jusqu’à pré­sent le grand absent, et les banques libanaises », explique Ayman Omar.

Autre mal, la corruption qui s’en­racine de plus en plus dans tous les secteurs au Liban. Le Liban occupe le 143e rang sur 180 pays du monde au classement 2017 de l’indice de perception de la corruption publié dans le rapport annuel de l’ONG Transparency International. « L’absence du gouvernement pour plus de six mois a renforcé la cor­ruption au Liban tout en entraînant un gaspillage des ressources natio­nales et engendrant un mécontente­ment populaire qui ne cesse de s’accroître », souligne Ayman Omar.

A tous ces défis s’ajoute le far­deau de plus d’un million et demi de réfugiés syriens (soit l’équivalent d’un quart de la population liba­naise) qui ont cherché abri au Liban depuis le début du conflit, en mars 2011. La crise syrienne a eu des effets négatifs sur tous les secteurs de l’économie libanaise. « Le pro­blème de réfugiés syriens pèse sur l’économie, les infrastructures et les services du Liban. Surtout à la lumière de l’incapacité de la com­munauté internationale et des dona­teurs à remplir leurs obligations envers ce dossier », explique Ayman Omar.

Les investissements toujours attendus

Pourtant, lors de la Conférence Economique pour le Développement par les Réformes et avec les Entreprises (CEDRE), qui s’est tenue le 6 avril dernier à Paris, le Liban a pu collecter 11 milliards de dollars de promesses de dons ou de prêts, à des taux relativement avan­tageux, pour relancer son économie, accroître le PIB et financer la modernisation de ses infrastructures de routes, d’électricité, de gestion de l’eau et des déchets solides. Mais la concrétisation de ses promesses est conditionnée à la formation d’un nouveau gouvernement représentant toutes les communautés libanaises.

En 2007, la conférence des dona­teurs organisée pour le Liban, qui avait collecté des promesses d’aides de plus de 7,5 milliards de dollars, s’était soldée par un échec. Seule une partie de ces promesses de dons avait été tenue, faute de réformes structurelles comme le demandaient les bailleurs régionaux, surtout inter­nationaux. « Le retard dans la for­mation du gouvernement met en péril les promesses d’investisse­ments étrangers au Liban. Sans gou­vernement, les dons de la CEDRE ne viendront jamais », conclut Ayman Omar.

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