En 2018, la dette du Liban dépassait les 83 milliards de dollars, soit plus de 150 % de son PIB.
L’économie libanaise reste sous pression. C’est ce qu’a dévoilé le dernier rapport trimestriel sur l’économie libanaise, publié fin octobre dernier par la Banque Mondiale (BM). L’organisation internationale a sonné l’alarme que la nécessité de lancer des réformes, suspendues par le retard de la formation du gouvernement depuis les élections législatives de mai dernier, est plus que jamais urgente. « La situation économique est très critique. Elle nécessite une action urgente de la part des dirigeants libanais pour rétablir la confiance des investisseurs », estime Ayman Omar, expert économique libanais. Outre les risques liés aux tensions politico-sécuritaires qui menacent la stabilité économique du Liban, les défis financiers sont aussi nombreux, notamment en raison de son endettement et la menace d’une dévaluation de la livre libanaise.
Le pays du Cèdre importe environ 80 % de ses besoins de consommation, et il les paie en devises, notamment en dollars et en euros. Toutefois, la parité de la monnaie libanaise au dollar américain est fixée depuis 1997 au taux de 1 dollar pour 1507,5 livres libanaises. L’économie du pays fonctionne avec les deux monnaies. En plus, les investissements représentent moins de 1 % du PIB (à savoir, la moyenne mondiale est de 8,2 %). « Le problème est que le Liban n’oeuvre pas suffisamment pour générer de l’épargne et renflouer ses caisses. L’absence de la stabilité politique est, en effet, la cause principale de l’inquiétant coup de mou de l’économie que témoigne le Liban ces quelques derniers mois. Cette année, la croissance économique ne dépasse pas les 2 % contre 8 % en 2011. Un taux déjà très faible ajouté à un lourd fardeau de dettes », explique Amal Abdel-Latif, chercheuse économique.
Dette galopante et corruption endémique
En 2018, la dette du Liban dépassait les 83 milliards de dollars, soit plus de 150 % de son PIB. Il s’agit du troisième ratio le plus élevé au monde, derrière le Japon et la Grèce. En 2018, les intérêts payés par le Liban sur ces dettes avoisinent les 5 milliards de dollars, soit 25 % du budget annuel, estimé à 19,1 milliards de dollars. Les économistes du Fonds Monétaire International (FMI) estiment que ces intérêts pourraient compter pour 60 % du budget du Liban d’ici à 2021, ce qui serait évidemment insoutenable. D’autres économistes prévoient un taux plus élevé, si aucun effort n’est fait dans les années à venir. Plus de 85 % de la dette libanaise est essentiellement entre les mains de créanciers publics : les banques libanaises et la Banque Centrale ou la Banque Du Liban (BDL). Conséquence, plus de 60 % des actifs des banques commerciales libanaises sont composés de dette libanaise. « La restructuration de la dette nécessite donc un accord politique entre le gouvernement, qui est jusqu’à présent le grand absent, et les banques libanaises », explique Ayman Omar.
Autre mal, la corruption qui s’enracine de plus en plus dans tous les secteurs au Liban. Le Liban occupe le 143e rang sur 180 pays du monde au classement 2017 de l’indice de perception de la corruption publié dans le rapport annuel de l’ONG Transparency International. « L’absence du gouvernement pour plus de six mois a renforcé la corruption au Liban tout en entraînant un gaspillage des ressources nationales et engendrant un mécontentement populaire qui ne cesse de s’accroître », souligne Ayman Omar.
A tous ces défis s’ajoute le fardeau de plus d’un million et demi de réfugiés syriens (soit l’équivalent d’un quart de la population libanaise) qui ont cherché abri au Liban depuis le début du conflit, en mars 2011. La crise syrienne a eu des effets négatifs sur tous les secteurs de l’économie libanaise. « Le problème de réfugiés syriens pèse sur l’économie, les infrastructures et les services du Liban. Surtout à la lumière de l’incapacité de la communauté internationale et des donateurs à remplir leurs obligations envers ce dossier », explique Ayman Omar.
Les investissements toujours attendus
Pourtant, lors de la Conférence Economique pour le Développement par les Réformes et avec les Entreprises (CEDRE), qui s’est tenue le 6 avril dernier à Paris, le Liban a pu collecter 11 milliards de dollars de promesses de dons ou de prêts, à des taux relativement avantageux, pour relancer son économie, accroître le PIB et financer la modernisation de ses infrastructures de routes, d’électricité, de gestion de l’eau et des déchets solides. Mais la concrétisation de ses promesses est conditionnée à la formation d’un nouveau gouvernement représentant toutes les communautés libanaises.
En 2007, la conférence des donateurs organisée pour le Liban, qui avait collecté des promesses d’aides de plus de 7,5 milliards de dollars, s’était soldée par un échec. Seule une partie de ces promesses de dons avait été tenue, faute de réformes structurelles comme le demandaient les bailleurs régionaux, surtout internationaux. « Le retard dans la formation du gouvernement met en péril les promesses d’investissements étrangers au Liban. Sans gouvernement, les dons de la CEDRE ne viendront jamais », conclut Ayman Omar.
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