Manifestations à Bassora contre l'absence des services publics de base. (Photo : AP)
« 45 jours », c’est le délai accordé le 8 novembre dernier par les Etats-Unis à l’Iraq, quelques jours après le rétablissement de la deuxième vague des sanctions américaines contre Téhéran, pour importer de l’électricité depuis l’Iran. Cette exemption n’est que provisoire et à condition que l’Iraq poursuive ses achats iraniens, « en dinar iraqien et pas en dollar ».
Ce délai a été donné à l’Iraq qui souffre d’une pénurie chronique d’électricité « afin de prendre les mesures nécessaires pour mettre définitivement fin aux importations d’énergie depuis l’Iran et chercher d’autres alternatives pour satisfaire sa consommation en électricité », comme l’a déclaré l’ambassadeur des Etats-Unis en Iraq sur son site officiel. Actuellement, l’Iraq, dont la consommation d’électricité a doublé en moins de dix ans, achète 1 300 mégawatts d’électricité à l’Iran. La production d’électricité de ce quatrième producteur de l’Opep ne répond effectivement qu’à 60 % de la demande qui croît d’environ 6 % par an. En outre, presque la moitié de cette production est perdue à cause de la déficience de l’infrastructure d’électricité en Iraq.
« Ce délai est tellement insuffisant pour que l’Iraq puisse trouver une alternative », estime Mossab Al-Modaress, porte-parole du ministère iraqien de l’Electricité, qui ajoute que « le gouvernement devrait pendant cette période présenter un plan de travail et un calendrier aux Américains expliquant comment il pourrait progressivement cesser d’importer de l’électricité de l’Iran ».
Cette crise énergétique est à la base de la grogne populaire qui fait rage en Iraq depuis plusieurs mois et qui avait atteint son apogée en août dernier. Ce mécontentement s’est manifesté par de violentes protestations commencées dans la ville de Bassora au sud du pays, le 8 juillet dernier, avant de gagner les autres villes puis la capitale Bagdad, causant une dizaine de victimes et une trentaine de blessés. La situation s’est en fait dégradée quand les compagnies iraniennes ont arrêté début juillet leurs livraisons d’électricité à l’Iraq à cause de ses dettes estimées à 600 millions de dollars. L’Iraq, pour sa part, a justifié ces arriérés de paiement par le coût de la guerre contre Daech et la baisse des cours du pétrole, qui représente 89 % des ressources budgétaires de Bagdad.
« La coupure d’approvisionnement d’électricité par l’Iran a certainement aggravé la crise, mais elle ne l’a pas créée. La crise existait déjà à cause de la destruction de la moitié des installations électriques par Daech avant sa défaite en Iraq, ainsi que la non-maintenance des stations en service », explique Amal Abdel-Latif, chercheuse à la faculté d’économie et de sciences politiques au Caire. Selon la chercheuse, bien que le délai de 45 jours soit insuffisant, « les Etats-Unis ne vont pas laisser l’Iraq à la merci de l’Iran. Ils vont essayer de trouver également des alternatives, surtout parmi les pays du Golfe, à l’Iraq dans ce domaine pour absorber les effets négatifs de la crise de l’électricité ».
Un avis justifié, comme ajoute la chercheuse, par l’envoi d’une cargaison koweïtienne emportant 17 générateurs électriques pour engendrer quelque 30 000 mégawatts. Egalement, pour reconstruire et renouveler l’infrastructure électrique iraqienne, les géants américains entrent aussi en jeu. Le 21 octobre, le nouveau gouvernement iraqien a signé des « principes de coopération » avec la société américaine General Electric pour ajouter jusqu’à 14 gigawatts de capacités de production d’électricité dans le pays. Le même jour, Siemens annonçait, lui aussi, la signature d’un Memorandum of Understanding (MoU) pour apporter 11 gigawatts de capacités de production supplémentaires en Iraq.
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